Article extrait du Plein droit n° 35, septembre 1997
« Des papiers pour tout »
Note de la Commission nationale consultative des droits de l’homme : « Remettre en chantier l’ensemble du dispositif législatif relatif aux étrangers »
La Commission nationale consultative des droits de l’homme rappelle l’intérêt qu’en fonction de son mandat elle n’a cessé de porter à la législation française concernant les étrangers et à la nécessité d’éviter toute dérive dans le traitement des problèmes qu’elle pose, qui irait à l’encontre des engagements internationaux de la France et de ses traditions en matière de droits de l’homme.
Or, il est clair que l’immigration a fait l’objet à divers moments de notre histoire d’une approche passionnelle qui en a obscurci les données et en a faussé les enjeux. Des démagogues sans scrupules se sont fondés sur des réactions de rejet alimentées par la présence de certaines catégories d’étrangers dont la culture se distingue de la nôtre pour en faire des boucs émissaires et faire naître ainsi des conflits destructeurs de la cohésion démocratique. Un slogan absurde et démagogique les désigne comme la cause du chômage et prétend que leur expulsion réglerait tous les problèmes. A été ainsi mise en avant la protection contre l’immigration clandestine, qui ne joue en réalité qu’un rôle mineur dans le travail clandestin, pour adopter sans aucune cohérence des textes visant à créer l’impression d’un verrouillage rassurant du territoire français et de l’accès à la nationalité.
Déstabilisantes pour l’ensemble des étrangers en voie d’intégration dans la société française ces lois récentes ont en outre démontré leur inefficacité. Elles ont largement contribué à accroître les problèmes généraux de l’exclusion. Et elles ont créé un droit d’exception particulièrement inquiétant en soi et à titre de précédent dans un Etat de droit aux traditions démocratiques, du fait qu’elles reposent sur une discrimination inacceptable au plan de la dignité humaine.
Aussi, la Commission consultative des droits de l’homme, considérant qu’il y a lieu d’arrêter cette dérive, avait-elle, en conclusion de l’avis qu’elle avait exprimé le 14 novembre 1996, tout en émettant le vœu que soit remis en chantier l’ensemble du dispositif législatif relatif aux étrangers, décidé d’ouvrir une réflexion « pour tenter de redéfinir dans leur totalité les rapports unissant la politique de l’immigration à l’Etat de droit » et de déboucher sur « des propositions conformes à la tradition de Patrie des droits de l’homme de la France ».
A cet égard, la Commission nationale consultative des droits de l’homme considère que toute politique relative à l’immigration et à la situation des étrangers en France, quelle qu’elle soit, doit à la fois :
- tenir compte de ce que les mouvements migratoires, tout comme la transmission des informations et la translation des capitaux et des marchandises, deviennent une des données permanentes de la mondialisation des sociétés modernes ;
- surtout, respecter les droits fondamentaux de la personne en dehors desquels l’Etat de droit n’est pas assuré et dont le présent avis souhaite rappeler les plus essentiels.
LE PRINCIPE D’EGALITE
Le plus fondamental d’entre eux est le principe d’égalité.
« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », proclame l’article ler de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le principe d’égalité – qui n’est pas limité aux seuls citoyens mais s’applique à tous les hommes – est rappelé par le Préambule de la Constitution de 1946. Il est à nouveau proclamé, en y ajoutant l’égalité en dignité, par l’article ler de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, avec le vote de la France, le 10 décembre 1948.
L’on ne saurait admettre que le principe d’égalité soit méconnu au nom de l’idée, susceptible de justifier toutes les discriminations, qu’il cesse de s’appliquer lorsque l’on se trouve en présence de situations différentes. Comme le relèvent, à propos de multiples droits qu’elles proclament, les différentes conventions sur les droits de l’homme, les restrictions ou limitations qui peuvent y être apportées doivent être justifiées par les nécessités d’une société démocratique. Il doit en aller de même du droit à l’égalité.
Ces nécessités s’entendent, outre la protection de l’ordre public, du droit de chaque peuple à promouvoir et défendre son libre développement économique, social et culturel.
Il en résulte que toute législation ayant pour objet la situation de l’étranger par rapport au national doit cesser d’être considérée comme la seule expression d’un droit régalien de l’Etat. Dans toute la mesure où elle contient des dispositions limitant les droits des étrangers et, de ce fait, impliquant le principe d’égalité, celles-ci – que ce soit au niveau général ou au niveau de mesures individuelles d’application – doivent être effectivement justifiées par ces nécessités d’une société démocratique.
On examinera comment cette idée générale doit être mise en œuvre à propos des principes généraux qui gouvernent la matière :
- la liberté d’aller et venir ;
- le droit à une vie familiale normale ;
- le droit de rechercher des moyens convenables d’existence.
LA LIBERTE D’ALLER ET VENIR
1°/ La liberté d’aller et venir et la liberté d’établissement sont reconnues dans divers instruments internationaux que la France a ratifiés ou qu’elle reconnaît. Pour ne citer que les plus importants, la Déclaration universelle des droits de l’homme, (alinéa 1 de l’article 13) proclame que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat ». Il est complété par l’article 14, aux termes duquel : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de I’asile en d’autres pays ».
L’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques indique, de son côté, que « quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence » et que « les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, I’ordre public, la santé ou la moralité publique, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte ».
Enfin, l’article 13 du Pacte précise qu’« un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un Etat partie au présent Pacte ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une décision prise conformément à la loi et, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ne s’y opposent, il doit avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion et de faire examiner son cas par l’autorité compétente ou par une ou plusieurs personnes spécialement désignées par ladite autorité, en se faisant représenter à cette fin ».
2°/ La reconnaissance par la France de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée avec son vote par l’Assemblée générale des Nations Unies et la ratification par la France du Pacte relatif aux droits civils et politiques crée pour elle un certain nombre d’obligations.
Les libertés ainsi proclamées doivent générer pour l’étranger le droit à l’accès au territoire et le droit au séjour. Ces droits peuvent certes être limités et réglementés, mais seulement dans la mesure imposée par les nécessités d’une société démocratique. Les restrictions qu’il est possible d’y apporter ne doivent être ni discriminatoires, ni arbitraires. Leur bien-fondé doit pouvoir être soumis au contrôle effectif et efficace du juge.
3°/ En ce qui concerne l’accès au territoire national des étrangers, il en résulte :
- d’abord que toute législation ou réglementation restrictive doit définir clairement les finalités susceptibles de la légitimer ;
- ensuite, que les mesures individuelles d’application (refus d’autorisation, refus de visa) doivent être motivées de façon précise, en sorte de pouvoir permettre le contrôle du juge (le Conseil d’Etat s’est déjà orienté dans cette voie par trois arrêts récents), et doivent indiquer les modalités de contrôle juridictionnel auquel elles peuvent être soumises (juge compétent ; délai de recours) ;
- par ailleurs, que l’exécution des mesures d’interdiction d’accès opposées à l’étranger non muni de l’autorisation préalable, lorsqu’elle est nécessaire, doit être soumise au contrôle préalable du juge ;
- enfin, que le droit d’asile ne soit pas limité aux personnes persécutées par les seules autorités de leur Etat d’origine. Compte tenu des orientations actuelles de la jurisprudence, la loi devrait intervenir sur ce point.
4°/ En ce qui concerne le séjour :
- les restrictions susceptibles d’être apportées à sa durée ou à son objet par l’autorisation d’accès ne peuvent justifier l’édiction de mesures de police destinées à prévenir leur violation éventuelle mais contraires à la dignité humaine et au droit de circuler librement et de choisir sa résidence librement proclamé par les textes susvisés.
- Au cas où l’administration considère qu’il y a lieu de mettre fin à un séjour irrégulier, la reconduite à la frontière doit être totalement revue dans la perspective du respect des normes internationales fondamentales : unification du contrôle juridictionnel de la décision de reconduite et de la mesure corrélative de rétention administrative ; obligation d’une intervention judiciaire efficace, c’est-à-dire qui lie l’administration ; double degré de juridiction dans tous les cas, avec un recours suspensif ; respect des droits de la défense (et donc aide juridictionnelle) ; suppression de la « double peine », sauf en cas d’atteinte grave avérée à l’ordre public.
- La situation de l’étranger qui séjourne régulièrement sur le territoire national doit avant tout être gouvernée par l’article ler de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Son origine étrangère ne constitue pas une différence qui, à elle seule, suffise à justifier un traitement différent. Toute restriction ou limitation au principe d’égalité doit en outre être justifiée par les nécessités d’une société démocratique.
L’ensemble de la législation sur le statut des étrangers – sous réserve des traités internationaux – devrait ainsi être revu à la lumière de cette idée fondamentale, en recherchant, pour chaque restriction apportée au principe d’égalité, y compris en matière pénale, si elle est justifiée, notamment au regard des normes posées par les conventions internationales, la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et si sa mise en œuvre est entourée des garanties juridictionnelles adéquates (motivation des décisions individuelles ; possibilité d’un recours efficace).
En particulier, méritent d’être réexaminées d’urgence les conditions dans lesquelles sont mis en œuvre deux droits fondamentaux : le droit de mener une vie familiale normale et le droit de rechercher des moyens convenables d’existence.
LE DROIT DE MENER UNE VIE FAMILIALE NORMALE
Le droit de mener une vie familiale « normale » a été reconnu comme un droit fondamental dont l’étranger doit jouir en pleine égalité avec le national.
Ce droit est déduit par le Conseil constitutionnel du préambule de la Constitution de 1946 (« La nation assure à l’individu et à sa famille les conditions nécessaires à leur développement » ; l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose pour sa part que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale »).
Le Conseil d’Etat a jugé, dans un arrêt d’assemblée « GISTI » du 8 décembre 1978, que le droit de mener une vie familiale normale « comporte, en particulier, la faculté pour les étrangers de faire venir auprès d’eux leur conjoint et leurs enfants mineurs ». Un autre arrêt d’assemblée, BELGACEM, du 19 avril 1991, annule, en se basant sur l’article 8 de la CEDH, une décision d’expulsion d’un ressortissant algérien « eu égard à la gravité de l’atteinte portée à sa vie familiale ».
Le Conseil Constitutionnel a pris nettement position dans sa décision du 13 août 1993 : « Les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux le droit de mener une vie familiale normale ; […] ce droit comporte, en particulier, la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d’eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve des restrictions tenant à la sauvegarde de l’ordre public et à la protection de la santé publique, lesquelles revêtent le caractère d’objectifs de valeur constitutionnelle ». La Cour européenne des droits de l’homme a, de son côté, parachevé ce droit sur le fondement de l’article 8 de la CEDH (arrêts du 18 février 1991, 26 mars 1992,13 juillet 1995).
Au nom du principe d’égalité d’une part, et du droit à vivre en famille d’autre part, les seules restrictions que la réglementation devrait pouvoir apporter au droit, pour les étrangers, de mener une vie familiale concernent la protection de « l’ordre public » et de la « santé publique ». Ces restrictions ne sont admissibles que si elles sont « proportionnées » à l’atteinte au droit de vivre en famille.
Or, la réglementation actuelle porte de nombreuses restrictions incompatibles avec le principe d’égalité.
La procédure de regroupement familial est soumise à des conditions (articles 29, 30 et 30 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945) qui rendent son application aléatoire. Ainsi, pour faire venir sa famille, un étranger devra :
- résider régulièrement en France depuis deux ans ;
- disposer de ressources stables ;
- disposer d’un logement correspondant à des normes de surface.
D’autres restrictions ont été apportées par la loi du 24 août 1993 : le regroupement partiel est devenu interdit, le regroupement familial « sauvage » est passible de lourdes sanctions, etc.
Dans la pratique, on constate que de nombreux étrangers se voient dans l’impossibilité de faire venir leur famille tout simplement parce qu’ils ne remplissent pas les conditions imposées : étrangers au chômage ou en contrat CDD ou disposant d’un logement trop exigu, etc.
Pourtant, interdit-on à un Français au chômage ou disposant d’un logement trop exigu de vivre avec son conjoint et ses enfants ?
Par ailleurs, il semble qu’il y ait deux conceptions du droit à la vie familiale.
La première, pour les nationaux, cherche à prendre en compte l’évolution de la société : on peut citer la reconnaissance progressive des unions hors mariage, la prise en compte des intérêts de l’enfant en cas de séparation de ses parents, l’élargissement de la notion d’ayant droit dans le domaine de la protection sociale.
A l’égard des étrangers, la vie familiale relève d’une conception rigide et étroite : le concubinage n’est pas pris en compte, le divorce est risqué, les enfants doivent être légitimes, issus du couple, sous peine de ne pouvoir entrer en France, etc.
Enfin, les familles mixtes sont victimes de suspicion généralisée : les mariages entre Français et étrangers sont systématiquement suspects. Le procureur peut différer le mariage en cas de doute. Une fois le mariage célébré, la situation du conjoint étranger sera difficilement régularisée : la loi prévoit des conditions de délai (un an après le mariage), d’entrée et de séjour réguliers pour la délivrance d’une carte de résident.
Toutes ces restrictions et limitations à l’exercice du droit de mener une vie familiale normale doivent être supprimées, sous la seule réserve des cas de fraude avérée et établie.
LE DROIT DE RECHERCHER DES MOYENS CONVENABLES D’EXISTENCE
Il n’est pas contestable que la situation de l’emploi puisse être de nature à justifier des limitations d’accès au territoire national, sous réserve que les décisions individuelles prises sur ce fondement puissent faire l’objet d’un contrôle effectif de la part du juge.
En revanche, l’étranger qui réside légalement sur le territoire national ne doit pas faire l’objet d’un traitement discriminatoire.
Ainsi, les normes de l’OIT reposent sur l’engagement par l’Etat signataire d’appliquer, aux travailleurs migrants admis, « un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu’il applique à ses propres ressortissants » (convention 97, art. 6).
Or, ce principe, dont le respect est assuré dans le domaine du droit du travail par le Code du travail, connaît dans le domaine du droit à la recherche de l’emploi, comme dans le domaine des droits sociaux, des limitations directes qui ne sauraient être maintenues.
a) En ce qui concerne l’emploi, des limitations de deux origines doivent être citées :
– Le cas des régularisations pour motifs humanitaires :
En pratique, les restrictions à l’activité salariée reposent sur deux dispositifs : l’opposabilité de la situation de l’emploi et le versement d’une taxe par l’employeur. Normalement, ces dispositifs s’appliquent à tout recrutement de salarié hors du marché du travail de l’Union Européenne. Les régularisations sur place sont considérées comme un recrutement de salariés.
Il est évident qu’il existe une incohérence à admettre que des personnes qui se trouvent dans des situations autorisant leur régularisation exceptionnelle pour motifs humanitaires doivent également satisfaire aux mesures visant à limiter le recrutement de main d’œuvre extérieure.
Dans la pratique, cela ne fait que compliquer le règlement de leur situation en leur imposant de trouver une promesse d’embauche avant d’avoir le droit de chercher du travail. De plus, il est fréquent que ce soit le salarié qui paye la taxe due par l’employeur. Le maintien de ces dispositifs pour le règlement des situations humanitaires favorise le maintien des situations irrégulières, ce qui est incohérent avec la volonté affichée des pouvoirs publics de résoudre rapidement ces situations.
– La diversité des situations de séjour :
Les étrangers qui rentrent en France sont, vis-à-vis du séjour, dans des situations très différentes.
• Les titulaires d’un visa de court séjour (moins de trois mois) n’ont aucun droit à travailler et peuvent se voir refuser, sans examen approfondi de leur situation, une demande de modification de statut (art. 13 et 15 Ord. 2 nov. 1945). Ces personnes devraient pouvoir bénéficier dans tous les cas du droit à un examen approfondi de leur situation en cas de demande de régularisation exceptionnelle pour motifs humanitaires (cf. avis du Conseil d’Etat du 22 août 1996).
• Les travailleurs non permanents sont considérés comme admis le temps de leur mission ; leur droit au séjour est limité à la durée de leur activité professionnelle ; ils ne bénéficient normalement pas du droit de changer d’activité. Ils devraient également pouvoir bénéficier d’un examen de leur situation permettant, le cas échéant, une régularisation. D’autre part, certains travailleurs temporaires sont en fait des permanents, présents depuis plusieurs années, exploités par des employeurs qui ne leur signent que des contrats temporaires (par exemple : certains maîtres-auxiliaires de l’Education nationale). Cette situation, qui précarise certaines catégories d’étrangers, est contraire au principe d’égalité de traitement
• Les travailleurs permanents titulaires d’une carte de séjour temporaire sont soumis à une diversité de statut en fonction du motif de leur venue : salariés, commerçants, étudiants, membres de famille, visiteurs…, mais également en fonction de leur nationalité quand des conventions bilatérales prévoient des mesures spécifiques (non opposabilité de l’emploi pour les togolais, présentation d’un contrat de travail visé et paiement de la taxe à l’OMI pour octroyer une carte de salariés aux membres de famille marocains et tunisiens…). Les changements de statut sont généralement considérés comme une introduction demandée sur place.
• Les travailleurs titulaires d’une carte de résident sont soumis aux mêmes règles que les travailleurs nationaux. Par contre, la mise en oeuvre du renouvellement de plein droit de la carte de résident se heurte à des pratiques administratives (demandes de la situation vis-à-vis du travail, demandes relatives à la situation de la famille du demandeur…).
• Enfin, de nombreuses catégories spécifiques sont régies par divers textes (principalement des circulaires).
L’égalité de traitement entre les travailleurs français et étrangers est prévue par les textes. Toutefois, subsistent deux dispositions dont la légitimité appellerait sans doute un nouvel examen :
• un travailleur étranger ne peut être éligible aux prud’hommes ;
• la clause de nationalité interdit leur entrée dans la fonction publique.
b) La protection sociale
L’égalité de traitement concerne également le droit à la protection sociale. Quatre séries de restrictions subsistent à la mise en œuvre réelle de ce droit :
• Certaines allocations sont soumises à des clauses de nationalité. Ces restrictions ne sauraient être maintenues. Ainsi, le but nataliste de ces allocations justifierait leur refus aux titulaires de la carte de résident, alors même que le Conseil constitutionnel a considéré que ce titre de séjour matérialisait la vocation d’intégration de son titulaire.
• De même, le refus de verser aux étrangers en situation irrégulière les prestations de la sécurité sociale est en contradiction avec le principe d’égalité de traitement : en effet, ces étrangers ont cotisé au régime de sécurité sociale, ce qui doit rendre possible l’ouverture de droits en leur faveur. Cette cotisation, dont ils ne peuvent obtenir la contrepartie, s’apparente à une retenue sur le fruit de leur travail contraire au principe d’égalité.
• Certaines mesures prévoyant l’ouverture de droits sous condition de résidence de longue durée semblent fondées sur la discrimination d’étrangers plus que sur la logique de la contribution elle-même.
• Les mesures qui refusent certaines prestations financées directement par l’Etat aux étrangers (allocation supplémentaire du fonds national de solidarité, allocation aux adultes handicapés), directement contraires au principe d’égalité comme l’a décidé le Conseil constitutionnel, n’ont aucune espèce de justification, puisque l’étranger comme le national paye ses impôts.
Un inventaire exhaustif de ces discriminations devrait être entrepris afin qu’il y soit mis fin.
Ainsi apparaît-il impérieux qu’outre les mesures immédiates ci-dessus préconisées et indépendamment des mesures de régularisation entreprises par la circulaire du 24 juin 1997 sur la base de son avis du 14 novembre 1996 pour mettre fin aux situations contraires à la dignité humaine engendrées par les dysfonctionnement provoqués par la succession des textes législatifs, soit remis en chantier l’ensemble du dispositif législatif relatif aux étrangers.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme est prête à apporter sa contribution à cette mission. Elle estime qu’elle devrait être opérée à partir de l’idée maîtresse que le principe est la liberté et l’égalité et que les restrictions qu’il est possible d’y apporter constituent des limitations qui doivent être justifiées et contrôlées.
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