Article extrait du Plein droit n° 35, septembre 1997
« Des papiers pour tout »

Des électeurs suspects ou indésirables ?

Selon l’instruction générale relative à la révision des listes électorales du 31 juillet 1969 (mise à jour le 1er septembre 1994), l’inscription sur les listes électorales est subordonnée à deux conditions :

  • la preuve de l’attache à la commune,
  • la preuve de l’identité et de la nationalité.

Au regard de cette dernière condition, un nombre important de mairies exigent la présentation d’un certificat de nationalité de jeunes qui viennent s’inscrire pour la première fois. Sont particulièrement visés les jeunes qui portent un nom à consonance étrangère.

Cette exigence est illégale dès lors que ces jeunes sont en mesure de produire une carte d’identité et/ou un passeport. En effet, pour apprécier la nationalité, l’instruction précitée indique que « la carte nationale d’identité suffit ». Elle précise que, à défaut de cette carte « ou en cas de doute sérieux sur son authenticité, les services municipaux peuvent demander à l’intéressé de produire un certificat de nationalité ».

L’exigence ne peut donc être systématique et ne peut reposer sur un simple doute : des éléments sérieux sont nécessaires. La multiplicité des contrôles opérés actuellement lors du renouvellement des cartes d’identité de certains administrés d’origine (même éloignée) étrangère pourrait alors laisser supposer que de nombreuses fausses cartes d’identité circulent, ce qui constituerait un type d’éléments sérieux au sens de l’instruction.

Cependant, en admettant même cette interprétation extrême, le guichet ne peut refuser un dossier dépourvu de certificat de nationalité lorsqu’une pièce d’identité a été présentée. Les services municipaux n’ont en effet aucun pouvoir de décision dans ce domaine et seule la commission administrative de révision des listes électorales est compétente.

Cette structure tripartite, qui comprend un représentant du maire, un représentant du tribunal de grande instance et un représentant de la préfecture, est seule habilitée à apprécier le bien-fondé de la demande. Elle pourra, en cas de doute, demander aux services municipaux des pièces complémentaires et, éventuellement, rejeter la demande.

Le fait que des guichets communaux conditionnent le dépôt d’une demande d’inscription sur les listes électorales à la production d’un certificat de nationalité est donc non seulement illégal mais également un moyen de contourner, en amont, le pouvoir souverain d’une structure neutre.

Difficile d’être un citoyen...

Peu après avoir atteint l’âge de dix-huit ans, Zaki A. se rend à la mairie du XIVe arrondissement de Paris pour s’inscrire sur les listes électorales. Il présente son passeport qui vient de lui être renouvelé, et sa carte d’identité établie deux ans auparavant.

Malgré ces preuves de sa nationalité, on refuse de l’inscrire, exigeant qu’il produise un certificat de nationalité française qu’il doit demander au tribunal d’instance du XIIIe arrondissement.

Zaki A. est né en France d’une mère française et d’un père algérien qui vivent ensemble maritalement, et a toujours vécu en France. Stupéfait par une telle demande, il n’arrive à l’expliquer que par la consonance étrangère de son nom qui a automatiquement poussé un service public, en l’occurrence une mairie, à douter de sa nationalité.

A l’étonnement manifesté par la suite par ses parents, les services de la mairie du XIVe répondent que cette exigence d’un certificat de nationalité française correspond à une réglementation nouvelle entrée en vigueur en 1995 et ne s’appliquant qu’aux personnes dont au moins l’un des deux parents est étranger.

De nombreux courriers sont alors envoyés : au maire du XIVe arrondissement, qui ne répond pas ; au ministre de l’intégration, qui renvoie sur le ministère de l’intérieur ; au ministre de la justice, qui renvoie aussi sur le ministère de l’intérieur ; au ministre de l’intérieur,… qui ne répond pas. Excédée par ces silences et ces faux-fuyants, la mère de Zaki, munie des copies de tous ces courriers, fait alors irruption un jour à la marie, décidée à faire un scandale, et obtient, sur le champ, l’inscription de son fils sur la liste électorale. Huit jours plus tard, elle recevait une lettre du maire lui présentant ses excuses pour le malentendu apparu entre la mairie et le tribunal d’instance.



Article extrait du n°35

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Dernier ajout : vendredi 21 mars 2014, 23:53
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