Article extrait du Plein droit n° 26, octobre 1994
« Une protection sociale en lambeaux »

Une réglementation d’exclusion

La loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France a modifié le régime de la protection sociale des étrangers en subordonnant l’accès aux prestations à une condition de séjour régulier en France. À l’exception de certaines prestations d’aide sociale, l’accès à la protection sociale est désormais fermé aux étrangers en situation précaire de séjour.

L’objectif de cette restriction a été proclamé d’emblée par la circulaire du 24 septembre 1993 : « Il est clair qu’une politique de lutte contre l’immigration irrégulière ne portera ses fruits que si elle s’attache en même temps à lutter contre le travail clandestin et contre les attraits mêmes de ces irrégularités, c’est-à-dire les avantages indûment espérés d’une présence irrégulière en France. Il était donc nécessaire de subordonner le bénéfice des prestations versées aux ressortissants étrangers à la régularité du séjour sur le territoire des intéressés ».

En matière de sécurité sociale

Un premier pas avait déjà été franchi dans la voie de la restriction avec la loi du 29 décembre 1986, dite loi Barzach, qui avait soumis le bénéfice des prestations familiales à la condition de l’entrée et du séjour réguliers de l’allocataire et de ses enfants à charge.

Mais cela ne concernait que les prestations familiales. Pour toutes les autres prestations, il suffisait que l’étranger ait passé une visite médicale obligatoire et soit immatriculé à la sécurité sociale.

Avec la loi Pasqua, la condition de régularité de séjour est étendue à toutes les prestations : pour être affiliés à la sécurité sociale et bénéficier des prestations, les étrangers résidant en France doivent dorénavant être en situation de séjour régulier. Tous les régimes de sécurité sociale sont concernés.

La loi prévoit trois exceptions à l’exigence du séjour régulier :

  • les mineurs étrangers d’assurés sociaux ;
  • les détenus, mais uniquement en ce qui concerne l’assurance maladie ;
  • les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles : dans ce cas, les caisses de sécurité sociale pourront poursuivre auprès de l’employeur de l’étranger en situation irrégulière le remboursement de la totalité des dépenses qu’elles ont supportées pour ce travailleur.

Le décret du 21 septembre 1994 fixant la liste des titres de séjour nécessaires à l’affiliation et au bénéfice des autres prestations est paru au Journal officiel du 23 septembre 1994.

> Affiliation et prestations

Pour être affiliés à un régime obligatoire de sécurité sociale, les étrangers doivent être en situation régulière ou titulaires d’un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour.

Lorsqu’un étranger en situation irrégulière a été indûment affilié, les cotisations versées restent acquises pour la sécurité sociale.

La liste des titres ou documents attestant de la régularité du séjour est la suivante :

  • carte de résident ;
  • carte de résident privilégié ;
  • carte de séjour temporaire ;
  • certificat de résidence de ressortissant algérien ;
  • récépissé de demande de renouvellement de l’un des titres ci-dessus ;
  • récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d’une durée de six mois renouvelable portant la mention « reconnu réfugié » ;
  • récépissé de demande de titre de séjour portant la mention « étranger admis au titre de l’asile » d’une durée de validité de six mois renouvelable ;
  • récépissé constatant le dépôt d’une demande de statut de réfugié portant la mention « a demandé le statut de réfugié » d’une validité de trois mois renouvelable ;
  • autorisation provisoire de travail pour les personnes séjournant en France sous couvert d’un visa de court séjour ou, pour celles qui ne sont pas soumises à visa et qui sont sur le territoire français, pour une durée inférieure à trois mois ;
  • autorisation provisoire de séjour accompagnée d’une autorisation provisoire de travail ;
  • le titre d’identité d’Andorran délivré par le préfet des Pyrénées-orientales ;
  • le passeport monégasque revêtu d’une mention du consul général de France à Monaco, valant autorisation de séjour ;
  • livret spécial ou livret de circulation ;
  • contrat de travail saisonnier visé par la direction départementale du travail et de l’emploi ;
  • récépissé de demande de titre de séjour portant la mention « il autorise son titulaire à travailler » ;
  • carte de frontalier.

Les étrangers assurés sociaux résidant en France ont droit et ouvrent droit aux prestations d’assurances maladie, maternité et décès s’ils remplissent la condition de régularité de séjour fixée pour être affilié à un régime de sécurité sociale (ci-dessus).

Pour les ayants droit, la liste des titres attestant de la régularité de séjour est la suivante :

  • carte de résident ;
  • carte de résident privilégié ;
  • carte de séjour temporaire ;
  • certificat de résidence de ressortissant algérien ;
  • récépissé de demande de renouvellement de l’un des titres ci-dessus ;
  • récépissé de première demande de titre de séjour accompagné, soit du certificat de contrôle médical délivré par l’Office des migrations internationales (OMI) au titre du regroupement familial, soit d’un acte d’état civil attestant la qualité de membre de famille d’une personne de nationalité française ;
  • récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d’une durée de six mois renouvelable portant la mention « reconnu réfugié » ;
  • récépissé de demande de titre de séjour portant la mention « étranger admis au titre de l’asile » d’une durée de validité de six mois renouvelable ;
  • autorisation provisoire de séjour ;
  • le titre d’identité d’Andorran délivré par le préfet des Pyrénées-orientales ;
  • le passeport monégasque revêtu d’une mention du consul général de France à Monaco, valant autorisation de séjour.

Il est important de noter que la condition de séjour régulier ne s’applique pas aux enfants mineurs étrangers d’assurés sociaux. Ils ont accès aux soins, même s’ils sont entrés en France en dehors de la procédure du regroupement familial.

> Le maintien des droits

Dans sa décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a rappelé une disposition importante, contenue déjà dans le code de la sécurité sociale, mais dans la pratique souvent oubliée, et qui permet à tout assuré social qui cesse de remplir les conditions pour relever, soit en qualité d’assuré, soit en qualité d’ayant droit, du régime général ou des régimes qui lui sont rattachés, de bénéficier, à compter de la date à laquelle ces conditions ne sont plus remplies, du maintien de ses droits aux prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès pendant douze mois.

Ce principe s’applique bien évidemment à l’étranger assuré social dont le titre de séjour n’est pas renouvelé : il bénéficie pour lui-même et ses ayants droit et pour une période de douze mois, « de l’application du délai de prolongation automatique d’exercice des droits à prestations ».

> Prestations familiales, aides au logement

Pour bénéficier des prestations familiales, l’allocataire étranger doit justifier qu’il est entré régulièrement en France et qu’il y séjourne régulièrement. Seul l’allocataire doit justifier de son séjour régulier et non les deux conjoints.

L’étranger doit également apporter cette justification de l’entrée et du séjour réguliers pour les enfants qu’il a à sa charge et au titre desquels une première ouverture de droit à l’une des prestations familiales est demandée.

Depuis le 1er septembre 1993, les étrangers doivent justifier de leur séjour régulier pour bénéficier de l’allocation de logement sociale, de l’allocation de logement familiale et de l’aide personnalisée au logement.

La liste des titres et documents qui peuvent justifier de la régularité de séjour de l’allocataire est la suivante :

  • carte de résident ;
  • carte de séjour temporaire ;
  • carte de résident privilégié ;
  • carte de résident ordinaire ;
  • carte de séjour de ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ;
  • certificat de résidence de ressortissant algérien ;
  • récépissé de demande de renouvellement de l’un des titres ci-dessus ;
  • récépissé de demande de titre de séjour d’une durée de six mois renouvelable portant la mention « étranger admis au séjour au titre de l’asile » ;
  • autorisation provisoire de séjour d’une validité supérieure à trois mois ;
  • carte diplomatique ;
  • carte « corps consulaire », « organisations internationales » et autres « cartes spéciales » délivrées par le ministère des affaires étrangères ;
  • titre d’identité d’Andorran délivré par le préfet des Pyrénées-orientales ;
  • passeport monégasque revêtu d’une mention du consul général de France à Monaco, valant autorisation de séjour ;
  • livret spécial, livret ou carnet de circulation.

La régularité de l’entrée et du séjour des enfants étrangers est justifiée par la production d’un des titres de séjour énumérés ci-dessus, ou, à défaut, par la production d’un des documents suivants :

  • extrait d’acte de naissance en France ;
  • certificat de contrôle médical, délivré par l’OMI à l’issue de la procédure de regroupement familial et comportant le nom de l’enfant.

Jusqu’au 30 juin 1996, le droit aux prestations familiales peut être ouvert en faveur de certains ressortissants étrangers, sur présentation des documents suivants :

  • l’avis d’introduction en France d’une famille étrangère délivré par l’OMI pour le conjoint ayant bénéficié du regroupement familial par la procédure d’introduction ;
  • le certificat de réfugié délivré par l’OFPRA pour l’étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue ;
  • le visa de long séjour apposé sur le passeport ou l’attestation établie par l’OFPRA pour le titulaire d’un visa de long séjour permettant l’établissement.

> Invalidité, vieillesse, veuvage

Pour l’attribution d’un avantage d’invalidité ou de vieillesse, l’étranger doit :

  • résider en France, sauf s’il est couvert par une convention bilatérale de sécurité sociale lui permettant de demander la liquidation de sa pension de vieillesse même s’il est rentré dans son pays d’origine ;
  • et justifier de la régularité de son séjour. La liste des titres de séjour est la même que celle fixée pour l’affiliation (ci-dessus). La même condition de régularité est applicable au conjoint survivant étranger résidant en France.

Le Conseil constitutionnel a apporté une précision importante : « sous réserve des exigences de l’ordre public », l’autorité administrative doit accorder aux étrangers qui souhaitent entrer en France pour obtenir la liquidation de leur pension de vieillesse ou d’invalidité, un titre de séjour « dont la durée est de nature à permettre effectivement celle–ci ».

> Prestations non contributives de vieillesse et allocation adulte handicapé (AAH)

Pour bénéficier de ces prestations, les étrangers doivent être en situation régulière en France.

La liste des titres attestant de la régularité de séjour est la suivante :

  • carte de résident ;
  • carte de résident privilégié ;
  • carte de séjour temporaire ;
  • certificat de résidence de ressortissant algérien ;
  • récépissé de demande de renouvellement de l’un des titres ci–dessus ;
  • récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d’une durée de six mois renouvelable portant la mention « reconnu réfugié » ;
  • récépissé de demande de titre de séjour portant la mention « étranger admis au titre de l’asile » d’une durée de validité de six mois renouvelable ;
  • le titre d’identité d’Andorran délivré par le préfet des Pyrénées-orientales ;
  • le passeport monégasque revêtu d’une mention du consul général de France à Monaco, valant autorisation de séjour ;
  • livret spécial ou livret de circulation ;
  • carte de frontalier.

> Contrôle des organismes de sécurité sociale

Les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale assurant l’affiliation, le versement des prestations ou le recouvrement des cotisations sont tenus de vérifier, lors de l’affiliation et périodiquement, que les assurés étrangers satisfont aux conditions de régularité de leur situation en France.

La loi est imprécise sur ce point, la périodicité de ce contrôle n’étant pas fixée.

La Commission des affaires sociales du Sénat souhaitait que le dispositif soit calqué sur celui déjà applicable par les caisses d’allocations familiales (CAF), qui vérifient la régularité des titres de séjour pour le versement des prestations familiales. Cette vérification s’effectue à l’occasion du renouvellement du titre.

La vérification peut également être faite lors de la déclaration nominative d’embauche effectuée par l’employeur.

Pour obtenir des informations administratives nécessaires à la vérification de cette situation, les organismes de sécurité sociale peuvent avoir accès aux fichiers des services de l’État.

Lorsque ces informations sont conservées sur support informatique, elles peuvent faire l’objet d’une transmission autorisée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

En matière d’aide sociale

Comme en matière de sécurité sociale, le principe est celui de la régularité de séjour avec toutefois des exceptions, dictées par des impératifs de santé publique et des considérations humanitaires.

> Absence de séjour régulier

L’article 186 du code de la famille et de l’aide sociale énumère les prestations pour lesquelles le séjour régulier n’est pas exigé :

  • les prestations d’aide sociale à l’enfance ;
  • l’aide sociale en cas d’admission dans un centre d’hébergement et de réadaptation sociale ;
  • l’aide médicale en cas de soins dispensés par un établissement de santé ou de prescriptions ordonnées à cette occasion, y compris en cas de consultation externe ;
  • l’aide médicale à domicile : dans ce cas, l’étranger doit justifier d’une résidence ininterrompue en France métropolitaine depuis au moins trois ans ;
  • les allocations aux personnes âgées et aux infirmes à condition qu’ils justifient d’une résidence ininterrompue en France métropolitaine depuis au moins 15 ans avant 70 ans.

> Condition de séjour régulier

Les étrangers doivent justifier de leur séjour régulier pour bénéficier des autres formes d’aide sociale (aide à domicile, hébergement dans un établissement, accueil familial à titre onéreux chez un particulier). Aucune condition de durée de résidence n’est applicable.

La liste des titres de séjour fixée par le décret du 15 avril 1994 (JO du 16 avril 1994) est la suivante :

  • carte de résident ;
  • carte de résident privilégié ;
  • carte de séjour temporaire ;
  • certificat de résidence de ressortissant algérien ;
  • récépissé de demande de renouvellement de l’un des titres ci-dessus ;
  • récépissé de première demande de carte de séjour d’une durée de validité supérieure à 3 mois ;
  • autorisation provisoire de séjour d’une validité égale ou supérieure à 3 mois ;
  • récépissé de demande de titre de séjour portant la mention « reconnu réfugié » d’une durée de validité de six mois renouvelable ;
  • récépissé de demande de titre de séjour portant la mention « étranger admis au titre de l’asile » d’une durée de validité de six mois renouvelable ;
  • récépissé de demande d’asile intitulé « récépissé constatant le dépôt d’une demande de statut de réfugié » d’une durée de validité de 3 mois renouvelable ;
  • carte d’identité d’Andorran délivré par le préfet des Pyrénées-orientales ;
  • passeport monégasque revêtu d’une mention du consul général de France à Monaco, valant autorisation de séjour ;
  • livret ou carnet de circulation.

« Pour tenir compte de situations exceptionnelles », il peut être dérogé à la condition de séjour régulier fixée pour le bénéfice de l’aide médicale à domicile et pour les autres formes d’aide sociale, par décision du ministre chargé de l’action sociale. Les dépenses sont à la charge de l’État.

Le Conseil constitutionnel a précisé que cette disposition « doit être entendue comme destinée à assurer la mise en œuvre effective des principes énoncés par le préambule de la Constitution de 1946 ». Celui–ci précise en effet que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Les détenus étrangers



Les détenus étrangers sont affiliés obligatoirement à l’assurance maladie et maternité du régime général à compter de leur incarcération, même s’ils sont en situation irrégulière [1].

Durant leur incarcération, les détenus étrangers en situation régulière bénéficient pour eux-mêmes, leurs ayants droit mineurs, leurs ayants droit majeurs en situation régulière des prestations en nature de l’assurance maladie-maternité.

S’ils sont en situation irrégulière, les détenus étrangers ne bénéficient de ces prestations en nature que pour eux-mêmes et non pour leurs ayants droit. Les détenus libérés, s’ils ne bénéficient pas à un autre titre de l’assurance maladie et maternité, bénéficient pendant douze mois, pour eux-mêmes et leurs ayants droit, des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité du régime dont ils relevaient avant leur détention. Cette disposition ne s’applique aux anciens détenus étrangers et leurs ayants droit majeurs que s’ils sont en situation régulière.




Notes

[1Article 3 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, J.O. du 19 janvier 1994, p. 960.


Article extrait du n°26

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Dernier ajout : vendredi 13 juin 2014, 13:40
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