Article extrait du Plein droit n° 2, février 1988
« Logement : pourquoi des ghettos ? »

Les plus mal lotis

Les changements qu’a connus l’immigration dans sa structure démographique depuis une quinzaine d’années- passage d’une immigration de main-d’œuvre à caractère temporaire. à une immigration de peuplement ayant vocation à se sédentariser en France, par le biais du regroupement familial ont rendu plus cruciaux que jamais les problèmes relatifs au logement,

pour les familles immigrés dont l’installation est durable, voire définitive, le logement devient le point nodal de l’insertion, se substituant, d’une certaine façon, au rôle que jouait le travail pour les travailleurs isolés.

Au-delà du constat d’évidence que les immigrés sont, globalement, moins bien logés que les Français, l’essentiel est d’essayer de montrer comment fonctionnent les filières d’accès à certaines catégories de logement, et les raisons qui enferment les immigrés dans certaines de ces filières, à l’exclusion des autres.

Des contrastes

Le recensement de 1982 (dèjà ancien), apporte un certain nombre d’éléments statistiques sur les caractéristiques du logement des immigrés, et fait apparaître une situation assez contrastée en fonction des formes de logement et des populations concernées. [1]

– L’accès à la propriété.

En 1982, 21 % des ménages étrangers étaient propriétaires de leur logement. Mais ce chiffre global masque des écarts considérables : ainsi, les Italiens sont propriétaires dans la proportion de 47 %, chiffre tout à fait voisin de celui des Français, mais les Algériens dans la proportion de 8,5 % seulement, et les Marocains de 5,5 %.

Ces écarts peuvent recevoir diverses explications : ancienneté de l’immigration, décision prise explicitement de rester en France, part variable du revenu consacrée au logement… Peut-être y a-t-il aussi, plus concrètement, des processus d’accès plus difficiles à la propriété pour les Maghrébins.

– L’accès au parc social.

Là encore, les contrastes sont frappants : 14 % seulement des ménages italiens étaient locataires dans le parc social en 1982, mais. 34,3 % des ménages algériens, et 38 % des ménages marocains. Il y a eu ici globalement une évolution assez marquante : si, en 1982, la proportion de ménages étrangers logés dans le parc social était de 23,6 %, cette proportion n’était que de 15 % au recensement de 1975 et de 5,9 % à celui de 1968.

Dans les années 60, c’est sur la base des meublés, garnis, îlots insalubres occupés par l’immigration de main-d’œuvre que se sont constitués les réseaux d’entrée des familles immigrées dans les fractions déjà les plus délabrées du parc immobilier ancien des centres-villes. Cette implantation a certes perduré, mais elle s’est progressivement réduite à la fin des années 60 tandis que l’entrée des familles dans le parc social se développait, sous l’effet de trois facteurs au moins :

  • les opérations de rénovation et de résorption des îlots insalubres dans les centres-villes ;
  • la libération partielle du parc HLM par les ménages accédant à la propriété et suivant une trajectoire ascensionnelle assez habituelle à l’époque ;
  • l’instauration à partir de 1977 de l’aide personnalisée au logement (APL).

– La location dans le parc privé.

Une majorité de ménages immigrés habitent dans le parc locatif privé, même parmi les immigrés maghrébins. Nous sommes sur ce point fort mal renseignés, nous ignorons largement la place de ce parc locatif privé dans les trajectoires les plus typiques : est-il le plus souvent une étape vers un habitat plus confortable ou constitue-t-il un aboutissement ?

Surpeuplement et inconfort

En ce qui concerne la qualité du logement, certains indicateurs révèlent que les immigrés sont moins bien logés que les Français ; en 1982, le taux de surpeuplement « modéré » était de 12,2 % pour les Français et de 30,9 % pour les étrangers ; entre 1975 et 1982, le taux de surpeuplement a baissé de 27,4 % pour les Français, et seulement de 7,2 % pour les étrangers. Le taux de surpeuplement « accentué » était en 1982 de 1,8 % pour les Français, et de 22,7 % pour les étrangers ; entre 1975 et 1982, il a baissé respectivement de 55 % et de 22,7 %.

Le confort intérieur est, lui aussi, nettement inférieur pour les étrangers : en 1982 on comptait encore 25,7 % des ménages portugais et 32,6 % des ménages algériens sans installations sanitaires.

Dans le fichier des mal-logés de l’Ile-de-France, il y avait, en 1983 ; 25,5 % d’étrangers, et parmi les mal-logés prioritaires 39,7 %.

Sur la base de ces différentes données, on peut donc conclure que globalement les conditions de logement des immigrés accusent un retard certain par rapport à celles des Français. Ce qui est remarquable, c’est que les différences de situation entre Français et immigrés, ou du moins étrangers, sont beaucoup plus nettes dans le domaine du logement que dans celui des revenus. En effet, en 82, on recensait dans les tranches de revenu inférieures à 45 000 F, 28 % des étrangers et 25 % des Français et respectivement 32 % et 25 % dans les tranches comprises entre 45 000 et 60 000 F.




Notes

[1Les statistiques ne permettent de saisir que les étrangers, et non les Français d’origine immigrée.


Article extrait du n°2

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Dernier ajout : mercredi 2 avril 2014, 14:56
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