Article extrait du Plein droit n° 29-30, novembre 1995
« Cinquante ans de législation sur les étrangers »

1945-1995 : Cinquante ans de métamorphoses

L’entrée sur le territoire

– La loi du 10 janvier 1980 oblige l’étranger qui ne vient en France ni pour travailler, ni dans le cadre du regroupement familial à fournir des « garanties de rapatriement ». Elle prévoit que l’étranger refoulé à la frontière et qui n’est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire français peut être « maintenu » dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pendant le temps strictement nécessaire à son départ.

– La loi du 29 octobre 1981 conserve le même dispositif mais l’entoure de garanties de procédure : le refus d’entrée doit faire l’objet d’une décision écrite et motivée, l’étranger ne peut être rapatrié contre son gré avant un délai d’un jour franc et doit être mis en mesure de prévenir sa famille ou toute personne de son choix, le contrôle du juge judiciaire sur la rétention est renforcé ; les conditions de fond demeurent en revanche inchangées, et le décret du 27 mai 1982 pris pour l’application de la loi institue la formalité du certificat d’hébergement pour les personnes venant en France pour une visite privée.

– La loi du 9 septembre 1986 ajoute aux conditions d’entrée l’obligation pour l’étranger de justifier de ressources suffisantes.

– La loi du 6 juillet 1992 prévoit la création dans les ports et les aéroports de « zones d’attente » dans lesquels peuvent être maintenus pendant une durée maximum de vingt jours les étrangers auxquels l’entrée en France est refusée ou qui demandent l’asile.

Les titres de séjour

– La loi du 17 juillet 1984 modifie de fond en comble le régime des titres de séjour. Il n’y a plus désormais que deux catégories de titres : la carte de séjour temporaire, valable un an au maximum, et la carte de résident, valable dix ans et renouvelée automatiquement. Cette carte est remise à tous les étrangers qui, au moment de la promulgation de la loi, résidaient en France régulièrement depuis plus de trois ans. Elle peut être délivrée à ceux qui rempliront ultérieurement cette condition. Enfin, elle est délivrée de plein droit aux catégories d’étrangers qui ont des attaches personnelles ou familiales en France.

La loi supprime parallèlement la dualité du titre de séjour et du titre de travail. La possession de la carte de résident vaut autorisation de travail et dispense de détenir une carte de commerçant ou d’artisan. En revanche, le titulaire d’une carte de séjour temporaire doit comme auparavant, s’il veut travailler, obtenir préalablement une autorisation de travail dans des conditions assez proches de celles qui existaient antérieurement. Simplement, l’autorisation, au lieu d’être matérialisée par la délivrance d’une carte de travail, l’est désormais par l’apposition de la mention « salarié » sur la carte de séjour.

– Les modalités de délivrance de plein droit de la carte de résident seront modifiées alternativement dans un sens plus restrictif ou plus libéral par la loi du 9 septembre 1986, la loi du 2 août 1989, la loi du 24 août 1993.

– La loi du 2 août 1989 recule jusqu’à 18 ans l’âge auquel les jeunes étrangers doivent être en possession d’un titre de séjour. Elle oblige le préfet à saisir une commission dite du séjour avant de refuser la délivrance d’une carte de résident à un étranger qui peut y prétendre de plein droit ou le renouvellement d’une carte de séjour temporaire. La loi du 24 août 1993 supprime la saisine de la commission du séjour dans cette seconde hypothèse et supprime le caractère contraignant de l’avis de la commission.

L’éloignement forcé

– La loi du 10 janvier 1980 fait de l’entrée et du séjour irréguliers un motif d’expulsion au même titre que la menace pour l’ordre public. L’étranger expulsé peut être reconduit d’office à la frontière ; s’il n’est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire, il peut être détenu dans un établissement pénitentiaire pendant un délai pouvant aller jusqu’à sept jours.

– La loi du 29 octobre 1981 prévoit que les étrangers en situation irrégulière ne peuvent plus être expulsés par la voie administrative mais doivent être déférés devant le juge correctionnel qui peut seul décider la reconduite à la frontière. L’expulsion, de son côté, est désormais subordonnée à l’existence d’une condamnation pénale au moins égale à un an de prison ferme ; la commission d’expulsion n’est plus composée que de magistrats, et son avis lie le ministre de l’intérieur. Les étrangers mineurs ou ayant des attaches personnelles ou familiales en France ne peuvent plus être expulsés, ni reconduits à la frontière.

– La loi du 9 septembre 1986 rend aux préfets le droit de prononcer la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. Elle rétablit le régime de l’expulsion tel qu’il existait antérieurement à la loi du 29 octobre 1981 et restreint la liste des étrangers protégés contre les mesures d’éloignement du territoire.

– La loi du 2 août 1989, modifiée par la loi du 10 janvier 1990, rétablit les dispositions de la loi de 1981 en ce qui concerne l’expulsion et les catégories d’étrangers protégées contre l’éloignement du territoire. Elle donne à l’étranger la possibilité de former un recours suspensif devant le tribunal administratif contre les mesures de reconduite à la frontière.

– La loi du 24 août 1993 complétée par la loi du 30 décembre 1993 revient en gros au système de la loi du 9 septembre 1986 en ce qui concerne l’expulsion. Elle permet l’allongement de la durée de la rétention jusqu’à dix jours et limite les pouvoirs du juge judiciaire. Elle donne au préfet la possibilité d’assortir la reconduite à la frontière d’une interdiction du territoire. Elle restreint sensiblement la liste des catégories d’étrangers protégées contre une mesure d’éloignement du territoire.



Article extrait du n°29-30

→ Commander la publication papier
S'abonner

[retour en haut de page]

Dernier ajout : mardi 19 août 2014, 12:44
URL de cette page : www.gisti.org/article3852