Article extrait du Plein droit n° 9, décembre 1989
« Loi Joxe : qu’est-ce qui va changer ? »

Des « miettes » pour les Algériens

A défaut de loi Joxe, les Algériens devront se contenter des trois circulaires de juillet et août 1989 qui, pendant un an, vont permettre d’apporter une réponse à un certain nombre de situations jusque là, inextricables. Et après ? L’accord franco-algérien sera-t-il renégocié ? On ne peut que le souhaiter.

Comme il s’y était engagé au début de l’année, le ministère de l’Intérieur a publié courant juillet trois cir- culaires de « régularisation » concernant les ressortissants algériens se trouvant dans des situations personnelles et familiales privilégiées. Les procédures nouvel- les mises en place sont la copie con- forme (ou presque...) des circulaires dites « Joxe » de décembre 1988 et janvier 1989 (1). Ces dernières vi- saient à clore un certain nombre de dossiers en prévoyant l’admission ex- ceptionnelle au séjour des conjoints étrangers de Français, des parents étrangers d’enfants français ou en- core de jeunes entrés en France avant le 7 décembre 1984 en dehors de la procédure de regroupement familial. Auparavant, ces catégories pou- vaient prétendre, soit à la délivrance d’une carte de résident de « plein droit », soit au bénéfice de l’article 17 de la loi « Pasqua » du 9 septembre 1986 qui permettait de régulariser le séjour des jeunes arrivés sans autorisation préa- lable de l’administration, sous réserve de remplir quelques conditions. Or, du fait d’une interprétation restrictive de ces textes, tout un « stock » d’étrangers ayant un droit à s’installer durablement ici se sont retrouvés dans l’irrégularité, sans espérer pouvoir mettre un terme à la précarité de leur séjour en France.

Dans cette situation, les circulaires Joxe, malgré une application pratique parfois très contestable (cf. Plein Droit n° 8), ont permis une remise en ordre appréciable.

Cependant, ces circulaires ne vi- sent que le régime commun : en sont donc exclus tous les étrangers qui dépendent de textes spécifiques. C’est le cas en particulier des Algériens qui sont soumis à l’accord franco-algé- rien du 22 décembre 1985. On conti- nue donc à opposer aux jeunes Algé- riens, qui n’ont jamais eu à leur dispo- sition un article 17 - puisque l’avenant de décembre 85 antérieur à la loi Pasqua n’a pas été révisé à la suite de cette modification législative -, toute possibilité de régularisation, et aux conjoints algériens de Français leur situation irrégulière au moment de leur demande, comme on le faisait pour le régime commun avant les circulaires Joxe (2).

Les circulaires de juillet et août 1989 sont venues mettre un terme à cette discrimination et donner des possibilités de régularisation, au moins temporaires.

Des "plein droit" reconnus

La première, en date du 13 juillet 1989, prévoit « l’admission excep- tionnelle au séjour de ressortissants algériens en situation irrégulière, conjoints de Français ». L’article 7 bis de l’accord du 22 décembre 85 disposait déjà que les conjoints algé- riens de Français pouvaient prétendre de plein droit à la délivrance d’un certificat de résidence sans avoir be- soin d’attendre le délai d’un an de mariage, contrairement à ce que pré- voyait la loi Pasqua pour le régime commun. Aujourd’hui, cette disposi- tion ne constitue plus un « avantage » puisque, et c’est heureux, la loi Joxe a mis fin à la suspicion illégitime que constituait l’exigence d’un an de vie commune avant d’obtenir la carte de dix ans.

Désormais, les Algériens peuvent, nonobstant leur situation irrégulière, réclamer un certificat de résident dès lors qu’ils se sont mariés avant le 17 juillet 1989 et ce, pendant le délai d’un an. Passé le temps de cette régu- larisation ponctuelle, ils se verront à nouveau opposer l’irrégularité de leur séjour. La circulaire à la durée de vie limitée est donc cruciale pour les Al- gériens : étant exclus de la loi du 2 août 89 pour tout ce qui concerne le séjour, elle reste leur seule possiblité de régularisation. Compte tenu du nombre croissant de mariages mixtes pour cette nationalité, on peut penser que le texte aura une certaine portée. Le seul obstacle au bénéfice de la régularisation est l’entrée irrégulière, mais il est bien évident que l’adminis- tration n’exigera pas de ceux qui sont arrivés avant octobre 86 la possession d’un visa, puisqu’ils avaient alors la possibilité d’entrer sous couvert de leur seul diptyque.

De même, par application de la circulaire du 28 juillet 1989, pourront être admis au séjour les jeunes Algé- riens entrés avant le 22 décembre 85 en dehors de la procédure de regroupement familial (3). A l’image de la circulaire « jeunes » de janvier 1989, ce texte devrait permet- tre de démêler de nombreux dossiers. Sa portée devrait être d’autant plus grande que les Algériens sont, pour les raisons déjà exposées, exclus de l’article 17. Alerté sur la présence en France de nombreux jeunes Algériens venus rejoindre leurs parents sans y avoir été autorisés au préalable par l’administration, le ministère a con- senti à les faire bénéficier du même type de disposition.

Ils peuvent donc désormais, et pendant un an, solliciter la régularisa- tion de leur situation et obtenir le même titre de séjour que leur père ou mère, à condition de prouver leur date d’arrivée (avant le 22 décembre 85), et une scolarité régulière jusqu’à l’âge de 16 ans (s’ils sont entrés en France après l’âge de 16 ans, on substitue à cette condition l’exigence d’une rési- dence habituelle et continue sur le territoire français). La demande de titre peut être présentée à tout mo- ment par l’étranger, quelle que soit sa situation administrative.

On peut malheureusement, crain- dre qu’à l’expiration de cette période d’un an, un nombre équivalent de jeunes Algériens arrivés en dehors du regroupement familial ne se soit re- constitué.

Un entraînement pour des renégociations

Par contre, le fait de devoir être titulaire d’un titre de séjour à 16 ans et non à 18 comme pour les autres jeunes étrangers pourrait les avantager. En effet, ces jeunes n’étant ni expulsa- bles, ni reconductibles à la frontière, l’administration a parfois été amenée à leur délivrer un titre précaire « étu- diant » ou, plus rarement, une autori- sation provisoire de travail au moins pendant ce court délai (la carte ac- cordée par la préfecture correspond alors, effectivement au statut person- nel de l’intéressé. Tant qu’il remplit les conditions d’octroi du titre tempo- raire, il continue d’être en situation régulière bien au delà de sa majorité. Même si ces situations sont pour plusieurs raisons, dont celle de leur origine, contestables, elles évitent certaines impasses). Etre dans un pro- cessus de renouvellement est une fa- çon de lier l’administration. Finale- ment, les jeunes algériens sans « droits » pourraient, par manque de coordina- tion entre les mesures d’éloignement et l’obligation de détenir un titre, se retrouver à court terme avantagés par rapport aux jeunes « sans droits » du régime général.

Fallait-il commencer par citer la dernière circulaire datée du 1er août 1989 relative à l’obligation pour l’administration d’instruire toute demande, nonobstant la situation irrégulière des intéressés ? Elle en- tend réaffirmer la nécessité de « pro- céder systématiquement à un examen particulier de la situation du requé- rant » en se référant à la circulaire du 23 décembre 88...et, par conséquent, de mettre un terme aux refus de gui- chets sans aucune réponse écrite quelle que soit la nationalité de l’intéressé.

Quant aux parents algériens d’en- fant français, ils n’ont pas eu « leur » circulaire puisqu’ils ne sont pas des bénéficiaires de « plein droit » du cer- tificat de résidence. L’avenant les exclut implicitement en ne les faisant pas figurer. On sait que cette exclu- sion a été voulue par le gourverne- ment algérien et ...enterinée sans trop de résistance côté français, du fait de l’article 23 de notre code de la natio- nalité consacrant le droit du sol pour les jeunes Algériens. Cette particula- rité est malheureusement lourde de conséquences, en particulier pour les femmes seules, « bannies » de leur pays ou pour des ressortissantes algérien- nes n’ayant jamais pu être régulari- sées au titre du regroupement fami- lial. Considérer ces dossiers avec bienveillance constitue certes une satisfaction, mais ces règlements au cas par cas restent trop aléatoires.

Les gouvernements algérien et français négocient, nous dit-on. On ne peut que les encourager dans cette voie. Des circulaires provisoires de- meurent en effet nettement insuffi- santes pour régler nombre de situa- tions dramatiques.

(1) Cf. Les circulaires « Joxe », GISTI, février 1989.

(2) Sur ce dernier point, la pratique est d’ailleurs tout à fait contestable, puisque l’accord du 22 décembre 1985 et sa circulaire d’application du 14 mars 1986 ne prévoient aucune disposi- tion spécifique. L’administration s’est donc arrogé le droit d’appliquer aux Algériens le régime commun, qui était alors restrictif. Au- jourd’hui, ce régime commun a été modifié, il est devenu plus favorable et l’administration ne l’applique plus aux ressortissants algériens...

(3) Il convient ici de préciser que la suppres- sion de la régularisation sur place pour les familles algériennes rejoignantes date de l’en- trée en vigueur de l’accord et non du décret Dufoix , contrairement à ce que laissent penser certaines pratiques.



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Dernier ajout : lundi 24 mars 2014, 23:41
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