Article extrait du Plein droit n° 6, janvier 1989
« Les demandeurs d’asile »
L’Europe contre les réfugiés
Michel Iogna-Prat
En février 1985, la Ligue suisse des Droits de l’Homme était à l’initiative d’une réunion européenne sur le droit d’asile en Europe. Marie-Claire Caloz-Tchopp, l’une des organisatrices de ces premières Assises, posait alors la question suivante [1] :
« Pourquoi des Assises européennes sur le droit d’asile ? Ceux qui vivent la condition des requérants d’asile ces dernières années, ceux à qui ce statut est refusé au péril de leur vie, ceux qui suivent l’évolution générale du droit d’asile sont très inquiets devant la dégradation des droits et des pratiques dans ce domaine depuis cinq ou six ans : la détérioration du droit d’asile et des droits sociaux des requérants d’asile connaît une progression inquiétante avec des mesures visant à fermer les frontières de l’Europe aux requérants d’asile et dissuadant ces derniers de venir en Europe occidentale. Ces phénomènes avaient commencé avec les immigrés dès le début de la crise économique et continuent avec les requérants d’asile aujourd’hui !... ».
Le bilan dressé à l’occasion de ces assises était sombre. La situation a-t-elle changé depuis lors ? Y a-t-il toujours lieu d’être pessimiste ? En trois ans, la situation ne s’est nullement améliorée et les pratiques diverses adoptées par les différents gouvernements européens ont persisté et ont eu tendance à se généraliser. Pour tenter de faire face à ce qu’ils considéraient comme des afflux importants de demandeurs d’asile, ces gouvernements ont essayé de modifier leur législation relative au droit d’asile. Certains y sont parvenus avec l’assentiment de leurs nationaux comme en Suisse. D’autres y ont renoncé, préférant persister dans des pratiques dont la légalité est parfois douteuse, mais qui se sont avérées efficaces car expéditives.
Une solidarité oubliée...
Toutefois le changement le plus important est à relever dans les actions menées au niveau de la Communauté Économique Européenne, où les États membres, dans la perspective de 1992, essaient de mettre en place une politique commune en la matière sur laquelle nous reviendrons ultérieurement.
Pourquoi l’Europe se ferme-t-elle aux réfugiés ?
Il existe globalement 14 millions de réfugiés dans le monde dont la charge la plus importante est assurée par le Tiers-monde. L’Europe n’en a accueilli jusqu’à présent qu’environ 600 000, ce qui, au regard du poids que représentent les réfugiés, constitue un effort tout à fait minime. Cet accueil, toutefois, jusqu’en 1976-1977, s’est réalisé sans trop de difficultés et l’on peut dire que les divers pays d’Europe ont manifesté une solidarité certaine avec ceux qui, pour des raisons politiques, étaient contraints à l’exil. Chacun se souvient des conditions dans lesquelles ont été accueillis les réfugiés d’Amérique latine, Chiliens notamment, et les efforts consentis par l’ensemble des États d’Europe occidentale en ce qui concerne les réfugiés du sud-est asiatique.
Une image dévalorisée
Pourquoi ces conditions se sont-elles modifiées à partir des années 1978-1979 ? La crise économique, due aux différents chocs pétroliers, qui a frappé l’Europe, a fait sentir tout particulièrement ses effets à partir de ce moment-là. Confrontés à une augmentation croissante et inquiétante du nombre des chômeurs, les gouvernements ont pris des mesures de protection du marché de l’emploi et ont tenté de bloquer les flux migratoires.
À partir de là, la perception que les gouvernements et l’opinion publique pouvaient avoir des réfugiés s’est radicalement modifiée. Les demandeurs d’asile ont alors été considérés comme des immigrés qui tentaient de forcer les frontières, en quête non d’une protection qui leur aurait fait défaut mais d’un emploi. Il est étonnant de voir à quel point, sur le plan sémantique, les discours se sont enrichis de concepts nouveaux tels que « réfugiés économiques », « faux réfugiés », « demande abusive », « demande manifestement non fondée », ...
C’est à partir de ce postulat que se sont développées, depuis 1980, les pratiques administratives à l’égard des réfugiés et que les gouvernements d’Europe ont tenté d’élaborer de nouvelles politiques.
S’il est vrai que le nombre des demandeurs d’asile a augmenté en Europe entre 1978 et 1988, on reste toutefois très loin du déferlement qu’évoquent les discours officiels. Par ailleurs, peut-on raisonnablement soutenir qu’une proportion importante de ces personnes qui arrivent en Europe pour y réclamer le statut de réfugié ne seraient en réalité que des « migrants économiques » ?
Persister dans ce travers ne peut s’expliquer que pour deux raisons.
L’étranger sert de bouc-émissaire, notamment à travers le développement des discours xénophobes, pour tenter de donner une explication à la persistance de certaines difficultés économiques, notamment en matière d’emploi. Plutôt que d’essayer d’analyser un phénomène dans sa spécificité, on préfère recourir à l’amalgame.
L’amalgame et le rejet
De plus, les demandeurs d’asile proviennent de régions et de pays avec lesquels l’Europe n’avait pas de liens particuliers et qui, en tout état de cause, n’alimentaient pas traditionnellement les flux migratoires. Face à cette « étrange étrangeté », on réagit par un phénomène de rejet.
Globalement, les flux importants de réfugiés proviennent ces dernières années du Sri-Lanka, du Moyen-Orient (notamment d’Iran) et d’Afrique (Zaïre, Ghana, Angola). Si la situation économique dans ces régions n’est pas excellente, peut-on raisonnablement affirmer que les événements politiques qui ont marqué ces divers pays ne sont en aucun cas la cause de ces exodes ?
Rien ne vient conforter, bien au contraire, l’axiome autour duquel s’articulent politiques et pratiques européennes en matière d’asile. Force est de constater pourtant que les gouvernements d’Europe occidentale persistent et qu’ils essaient d’instituer en la matière une politique commune sur la base du dénominateur le plus négatif.
Un consensus de fermeté
Ces politiques restrictives se vérifient à un double niveau. Tout d’abord, les divers gouvernements d’Europe refusent de plus en plus massivement le statut de réfugié et toute autre forme d’asile (statut B - voir ci-après - ou statut humanitaire). D’autre part, si elles étaient jusqu’à présent spontanées, elles ont de plus en plus tendance à être coordonnées et à prendre la forme d’une politique commune. Nous allons examiner successivement ces deux problèmes.
I. Le traitement des demandeurs d’asile est différent selon les pays d’Europe concernés. On peut globalement distinguer deux catégories de situations. Certains États ont admis dans leur législation qu’une demande d’asile peut donner lieu à trois types de décisions différents : soit l’octroi de la qualité de réfugié découlant de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, soit l’octroi d’un statut dit « statut B » qui correspond à un droit de résidence pour une durée indéterminée et la possibilité d’exercer un emploi, soit souvent limité au droit de résidence temporaire compte tenu de la situation politique prévalant dans le pays d’origine.
Dans cette dernière situation, l’admission au séjour est précaire et révocable et dépend généralement de l’évolution de la situation politique contre laquelle on a entendu protéger le demandeur d’asile.
Les possibilités évoquées précédemment se rencontrent principalement en Europe du Nord (Danemark, Suède, Pays-Bas notamment).
Dans les autres États, la demande d’asile peut donner lieu soit à l’octroi de la qualité de réfugié, soit à une résidence temporaire, souvent de fait, qui n’est presque jamais définie par les lois et règlements applicables en la matière. Une telle décision obéit souvent à des conditions tenant à la durée du séjour dans le pays concerné, aux conditions d’intégration ou à la présence de membres de la famille admis parfois à séjourner régulièrement ou ayant la nationalité dudit État. C’est notamment le cas de la République fédérale d’Allemagne et, dans une certaine mesure, de la France.
Un statut au rabais
Les statuts dits « B » ou « humanitaire » ont fait l’objet de violentes critiques ces dernières années. Tout d’abord, il est certain que ces statuts sont inefficaces dans la mesure où ils n’assurent aux intéressés aucune protection effective sur le plan international. En effet, une personne contrainte de quitter son pays d’origine ou de résidence habituelle du fait de persécutions ou de craintes de persécutions tenant « à la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un cer- l’octroi d’un statut humanitaire, la protection juridique des autorités de l’État dont elle a la nationalité. Toute l’économie de la Convention de Genève et du statut de l’Office du Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les Réfugiés a consisté précisément à substituer à cette protection défaillante, une nouvelle protection. C’est là l’intérêt majeur et essentiel du statut de réfugié.
Par contre, les bénéficiaires des statuts « B » et « humanitaire » sont et restent des étrangers de droit commun soumis en tant que tels à la protection de leur État d’origine. S’ils bénéficient d’une protection temporaire et matérielle, elle est à l’évidence insuffisante et source de difficultés multiples dans différents actes de la vie matérielle. Par ailleurs, on a constaté trop souvent que lorsque les États avaient le choix entre diverses solutions, ils avaient souvent recours à la moins avantageuse pour le demandeur d’asile. Les statistiques les plus récentes en apportent la démonstration à travers deux exemples :
total statut statut statut arrivées A B humanit. Pays-Bas 2 473 122 150 63 Suède 9 400 1 802 2 915 1 669
Période janvier-juin 1988, sources E.C.R.E.
Cette situation est devenue telle que les O.N.G. des pays où des statuts intermédiaires n’existent pas, se refusent à ce que ces solutions soient adoptées, dans la mesure où elles ne répondent ni en droit ni en fait à un traitement adéquat des demandes d’asile. Là où elles existent, les O.N.G. contestent de plus en plus le recours à ces solutions.
Une nouvelle catégorie d’exclus
Les politiques restrictives des divers gouvernements européens ont non seulement abouti à vider la Convention de Genève d’une partie de son contenu, mais ont également fait apparaître un phénomène nouveau, celui des « demandeurs d’asile déboutés ».
De quoi s’agit-il ? Ce concept concerne des personnes qui n’ont pas été reconnues « réfugié » au sens de la Convention de Genève, à qui aucun autre statut n’a été accordé et qui ne peuvent pas pour autant être renvoyées vers leur pays d’origine dans la mesure où il est admis que la situation politique leur ferait encourir des risques. Cette notion est floue et mérite d’être précisée. Il est évident que tous les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée n’y entrent pas. À notre sens, elle ne concerne que ceux qui, en toute logique, auraient dû être admis au bénéfice de la qualité de réfugié et qui ne l’ont pas été du fait d’une interprétation restrictive et abusive des conditions posées par l’article 1er paragraphe A 2, de la Convention de Genève. Il est clair que pour certaines catégories de demandeurs d’asile, les Tamouls, les Iraniens notamment, l’exil n’est pas dû à des considérations de convenance personnelle, mais une situation politique particulière, dont ils n’ont pu apporter la preuve qu’elle les touchait directement et personnellement.
Ces déboutés ne sont admis au bénéfice d’aucun statut, ne sont pas renvoyés vers leur pays d’origine, ni même refoulés hors des frontières de l’État où ils ont sollicité le statut de réfugié. Ils sont contraints de vivre dans la clandestinité, sans droit au séjour, au travail, sans ressources, dépendant pour leur subsistance de l’aide de proches parents ou de compatriotes. Ils vivent dans une situation psychologique et sociale intenable, à la merci d’un contrôle policier à l’issue duquel ils peuvent être refoulés puisque, au regard de la loi, ils sont en situation irrégulière. Il ne s’agit pas d’un phénomène marginal mais au contraire d’un phénomène préoccupant aujourd’hui par son ampleur. Il est délicat à appréhender sur le plan quantitatif mais on peut en apprécier l’ordre de grandeur à travers certaines statistiques.
Ainsi, aux Pays-Bas, en 1987, le nombre de demandes d’asile s’est élevé à 8 556. Ces demandes ont été ainsi traitées :
- Statut A (Convention de Genève) - Statut B - Statut humanitaire (droit au séjour) - Rejets 237 2,8% 444 5,8% 450 5,5% 7425 86,7%
Pour la même période, en République fédérale d’Allemagne, le nombre des demandes s’est élevé à 57 379. Le nombre des décisions prises en 1987 était de 87 539 et se sont réparties de la manière suivante :
- Statut de réfugié - Asile (droit au séjour) -rejets 8 231 9,4% 17 308 19,8% 62 000 70,8%
En Suisse, en 1987, on a enregistré 10 913 demandes d’asile. Le nombre de décisions prises cette année-là [2] s’est élevé à 11 239 soit 829 décisions positives, 8 292 décisions négatives et 2 118 décisions de renvoi du territoire suisse.
En France, pour la même période, le nombre de dossiers traités par l’OFPRA s’est élevé à 26 559. 8 634 ont fait l’objet d’une décision positive (32,51 %). Si 17 924 ont fait l’objet de décisions de rejet, celles-ci ne sont pas définitives puisque la plupart d’entre elles sont déférées à la Commission des recours des réfugiés. Cela dit, le taux de confirmation des décisions de rejet par cette juridiction étant de l’ordre de 80 %, les intéressés deviendront des déboutés deux ou trois ans plus tard.
S’il faut être prudent dans le maniement des statistiques, il n’en reste pas moins vrai que les rejets approchant souvent 70 %, le nombre de déboutés au sens où cette notion a été définie précédemment est nécessairement important, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers en Europe. Il est remarquable de noter qu’aucun des gouvernements européens n’a tenté d’apporter à ce problème la solution appropriée, sauf sur un point. À la suite d’une décision de rejet, le demandeur d’asile, prenant acte de ce que le pays où il a cherché accueil le lui refuse, va chercher à tenter sa chance ailleurs, dans le pays voisin. Or, précisément, les gouvernements d’Europe tentent, depuis plusieurs mois, de trouver la parade à ces demandes répétées et, à plus long terme, de définir une politique commune.
II. Les diverses initiatives européennes.
Il ne saurait être question d’entrer dans le détail des projets en cours d’élaboration au niveau de diverses instances européennes - Conseil de l’Europe, C.E.E. - mais de se limiter à l’essentiel et surtout à ce qui est connu. En effet, la plupart des discussions entre les gouvernements européens sont entourées du plus grand secret au point que, s’agissant de réfugiés, même le H.C.R. est tenu à l’écart alors qu’il doit jouer en la matière un rôle essentiel.
Trois groupes nous paraissent devoir être mentionnés. Tout d’abord, le groupe dit « TREVI » (sigle qui signifie « Terrorisme - Radicalisme - Extrémisme et Violence Internationale »). Ce sigle montre à lui seul l’esprit qui anime ces discussions. Il regroupe les ministres de l’Intérieur et de la Justice des douze États de la Communauté. Fondé en 1975 pour renforcer la coopération entre les services de police et de renseignement, il s’est rapidement saisi de la question des demandeurs d’asile, abordée sous un angle répressif. Il tente d’élaborer aujourd’hui un projet visant à harmoniser le système des visas pour entrer sur le territoire de la Communauté et à déterminer les critères de responsabilité de l’examen des demandes d’asile. Les idées dominantes débattues au sein de ce groupe peuvent être résumées de la manière suivante :
- Contrôle obligatoire, sous couvert de visa, par des officiels mandatés soit par les autorités consulaires, soit par les compagnies aériennes, et préalable à tout embarquement d’un vol à destination de la Communauté.
- Obligation, pour les compagnies aériennes, de rapatrier tout demandeur d’asile et/ou toute personne arrivée sur le territoire de la Communauté démunie des documents adéquats.
- Mise en place d’une procédure rapide d’examen des demandes d’asile manifestement non fondées ou émanant de personnes présentant un danger ou un risque pour l’ordre public ou la sécurité publique.
- Renforcement des contrôles aux frontières de la Communauté, incluant la Suisse, et spécialement dans les ports et aéroports.
- Accord sur un contrôle des demandeurs d’asile rejetés pour éviter, en fin de procédure, toute installation sur le territoire d’un autre État de la Communauté.
- Établissement de procédures de rapatriement communes et concertées.
- Mise en place et développement d’une banque de données permettant l’échange d’informations entre les polices et services de renseignements de la Communauté et de pays tiers alliés.
Les deux autres instances, exception faite des aspects policiers du projet TREVI, travaillent sur les mêmes thèmes.
TREVI et Schengen
Le groupe dit de « Schengen » regroupant les pays du Bénélux, la France et la République fédérale d’Allemagne, tout comme la Commission des Communautés (Directorat général n° III), tentent d’élaborer un projet en vue d’« examiner les mesures susceptibles d’être adoptées pour aboutir à une politique commune destinée à mettre fin à l’usage abusif des demandes d’asile ».
Un premier avant-projet de directive a été élaboré et est actuellement en discussion. La philosophie de celle-ci s’articule autour de trois axes. Tout d’abord, déterminer clairement l’État communautaire responsable de l’examen de la demande d’asile. L’idée retenue est que l’État qui aura manifesté son accord explicitement ou implicitement pour qu’un demandeur d’asile entre ou réside sur son territoire, deviendra de ce fait responsable de l’examen de ladite demande. Dans la pratique, cette responsabilité pourra être déterminée en fonction de plusieurs critères, celui de la délivrance d’un visa étant le plus pertinent. Ainsi, l’État qui accorde un visa est nécessairement tenu d’examiner la demande d’asile. En cas de pluralité de visas (e.g. Bénélux), la responsabilité de l’examen incombera à l’État sur le territoire duquel la demande aura été formulée. En cas d’arrivée irrégulière, c’est la première frontière franchie qui déterminera le critère de responsabilité. La notion de responsabilité ne se limite pas seulement à l’examen de la demande mais à ses conséquences pratiques. Ainsi, en cas de décision négative, l’État concerné sera tenu de procéder lui-même au rapatriement de l’intéressé tant à partir de son territoire que de celui des autres États membres sur lequel l’intéressé aurait pu se rendre.
Par ailleurs, et s’agissant des problèmes de procédure, la Commission a avancé l’idée de la création d’un Comité consultatif européen dont la fonction serait de s’assurer que les décisions prises en la matière par un État ne sont pas en contradiction avec celles adoptées par un ou d’autres États de la Communauté. Il s’agit en quelque sorte d’une instance de régulation de la jurisprudence européenne en matière d’admission au statut de réfugié.
Enfin, la Communauté est tombée d’accord sur la nécessité d’un échange d’informations entre les États sur les demandeurs d’asile. Ainsi, pour les membres du groupe de Schengen, ces informations devraient porter sur les nom, date et lieu de naissance, nationalité, document de voyage et titre d’identité, photographie, empreintes digitales, renseignements sur le trajet emprunté, date de la demande d’asile, état de la procédure et décisions.
On aura aisément constaté que ces divers projets sont sous-tendus par une vision essentiellement négative de l’asile. On se préoccupe essentiellement de bloquer les frontières communautaires, de lutter contre les demandes abusives en augmentant l’arsenal répressif... Les États semblent aboutir à un consensus sur la base de l’analyse la plus négative.
Le risque aujourd’hui, c’est de construire une Europe de demain repliée sur elle-même, fermée et hostile aux réfugiés. C’est un paradoxe au moment où on vient de fêter le 40ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. De nombreux discours officiels ont été émaillés d’intentions généreuses, mettant en avant les droits et la dignité de la personne humaine.
La France, encore une fois, s’est mise en avant, suggérant des initiatives en matière d’asile à la Communauté internationale alors que, dans le même temps, on refoulait à la frontière des personnes en quête d’asile et de protection. Inconscience ou démagogie ? Peu importe. Ce qui est vrai aujourd’hui, c’est que le droit d’asile en Europe s’érode et est, chaque jour, de plus en plus menacé.
Notes
[1] La forteresse européenne et les réfugiés, Éditions d’En Bas, Lausanne, 1985.
[2] Incluant non seulement des demandes de 1987 mais un solde de demandes de 1986.
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