Recours contre la circulaire d’application de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, accompagnée de deux QPC
Le Gisti, conjointement avec le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature, a introduit un recours en annulation devant le Conseil d’État contre une circulaire du ministre de la justice du 28 mars 2022 qui précise la portée de deux dispositions de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure particulièrement inquiétantes pour les jeunes étrangers isolés :
- la possibilité de procéder, sous contrainte, à des relevés signalétiques (empreintes et photos) sur des mineurs ;
- la possibilité de maintenir en détention provisoire des prévenus présentés devant une juridiction incompétente du fait d’une possible erreur sur leur majorité ou leur minorité.
Les organisations requérantes ont accompagné leur requête de deux questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre ces deux dispositions législatives.
Par une décision rendue le 29 novembre 2022, le Conseil d’État a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel les deux questions prioritaires de constitutionnalité portant respectivement sur l’article 397-2-1 du code de procédure pénale (détention provisoire) et sur les dispositions du quatrième alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale et des articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs (relevés signalétiques sur des mineurs).
Concernant la première, il a considéré comme sérieuses les critiques invoquées dans la requête, à savoir que le placement en détention provisoire de personnes mineures en dehors des cas prévus par le code de la justice pénale des mineurs, y compris lorsque sont en cause des infractions peu graves, méconnait l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et que cette mesure, qui ne prévoit pas l’intervention d’une juridiction spécialisée et n’étant pas entourées de garanties suffisantes, méconnaît le principe fondamental reconnu par les lois de la République de la spécificité de la justice pénale des mineurs.
Concernant la seconde, il a également considéré comme présentant un caractère sérieux les arguments avancés, à savoir : que les mesures permettant de réaliser sous la contrainte des relevés d’empreintes et des photographies de personnes qui n’ont pas encore été déclarées coupables, en vue notamment d’alimenter des fichiers, décidées indépendamment de la gravité et de la complexité des infractions en cause et sans être nécessaires à la manifestation de la vérité, méconnaissent le droit au respect de la présomption d’innocence, le principe de dignité de la personne humaine et la liberté individuelle ainsi que le droit au respect de la vie privée ; qu’en prévoyant la seule information préalable de l’avocat avant la mise en œuvre de relevés sous la contrainte s’agissant des personnes mineures, ces dispositions méconnaissent le droit à un procès équitable et le droit au respect des droits de la défense ; que les dispositions critiquées qui permettent de recourir à des relevés sous la contrainte à l’encontre de mineurs qui apparaissent manifestement âgés d’au moins treize ans sans assortir ces opérations de garanties suffisantes méconnaissent l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision le 10 février 2023, a prononcé une invalidation et formulé deux réserves d’interprétation.
Par une décision du 10 juillet 2023 le Conseil d’État a prononcé un non lieu à statuer sur la demande d’annulation des mots « de l’audition libre » compte tenu de l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la disposition législative qui prévoyait la possibilité de mettre en œuvre des opérations de prise d’empreintes ou de photographies sous contrainte dans le cadre du régime de l’audition libre. Il a rejeté le surplus de la requête.
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