Hébergement refusé, installations interdites - Pas de quartiers pour les exilé·es
Nota. Le Gisti finissait de rédiger ce communiqué, vendredi 11 février, lorsqu’on a appris l’évacuation survenue le matin même, à Calais, d’un immeuble squatté par les activistes d’un collectif de soutien aux migrants. Les pouvoirs publics ont choisi de mettre en scène cette évacuation en faisant appel à un hélicoptère et aux forces du RAID !
À Calais comme en région parisienne, la logique est la même : faire à tout prix disparaître les migrants.
Tenu d’assurer l’hébergement des demandeurs et demandeuses d’asile, l’État manque à cette obligation de longue date, refusant obstinément de s’en donner les moyens. Mais lorsque les intéressé⋅es se chargent d’organiser leur propre « mise à l’abri », il ne lésine pas sur les méthodes les plus violentes pour les en empêcher. Deux volets, en somme, d’une seule et même politique.
Durant les mois de décembre 2021 et janvier 2022, plusieurs centaines d’exilés afghans, la plupart demandeurs d’asile et néanmoins privés d’hébergement, ont ainsi été les victimes d’un insupportable manège orchestré par les préfectures de police de Paris et de Seine-Saint-Denis. Alors qu’ils avaient trouvé refuge sous le pont du périphérique qui enjambe le canal de l’Ourcq, à la limite de la commune de Pantin, la police s’est efforcée quotidiennement de les disperser, en usant de gazages et de confiscation de leurs tentes. Si quelques uns ont bénéficié d’une mise à l’abri temporaire, les autres, qui s’étaient résolus à quitter l’abri du pont pour s’installer quelques dizaines de mètres plus loin, sur le territoire de Pantin cette fois, ont à nouveau été sommés de déguerpir. Et lorsqu’ils ont tenté de regagner à nouveau le pont du périphérique côté Paris, les forces de police leur ont intimé l’ordre de retourner à Pantin, où la mairie avait, entre-temps, fait arroser les espaces disponibles le long du canal, subtile façon de dissuader de toute installation...
Pendant que se déroulait cette sinistre partie de ping-pong, d’autres personnes, d’origine soudanaise, tchadienne, érythréenne et éthiopienne, décidaient de prendre elles-mêmes en main l’organisation de leur (sur)vie : trouver un lieu d’hébergement et éviter d’avoir à dépendre chaque soir des distributions alimentaires humanitaires. Elles aussi ont été expulsées manu militari, le 19 janvier, dans la plus complète illégalité, du bâtiment inoccupé à Saint-Ouen où elles s’étaient installées.
Le scénario est bien connu et se reproduit régulièrement depuis que sont apparus dans Paris – au début des années 2000 et encore plus à partir de la « crise de l’accueil » de 2015 – des campements abritant des centaines d’exilé⋅es non hébergé·es. La police évacue systématiquement ces campements, détruisant les tentes et les effets personnels. Certaines des personnes expulsées, sélectionnées selon des critères opaques, sont embarquées dans des bus dont elles ignorent la destination, pour des « mises à l’abri » excédant rarement quelques jours, ce qui conduit à la formation, peu de temps après, d’autres campements aux alentours. La chasse aux réfugié⋅es laissé⋅es à la rue reprend alors. C’est ainsi que, de chaque côté du périphérique parisien, des fonctionnaires de la police nationale repoussent, gazent, maltraitent les exilé⋅es, confisquent ou détruisent leurs duvets, couvertures et tentes, les services municipaux étant quant à eux chargés de les dissuader de toute réinstallation.
La sous-budgétisation de la politique d’asile perdure depuis des années, au mépris des obligations découlant, pour l’État, de la directive européenne « Accueil ». Un demandeur d’asile sur deux, seulement, est hébergé dans le cadre du dispositif asile et les structures d’hébergement d’urgence, également en tension, ne compensent en rien cette pénurie organisée et assumée.
Quant aux tentatives d’organisation d’hébergements alternatifs dans des bâtiments vacants, elles aboutissent parfois à l’obtention de délais devant les juges. Mais trop souvent les intérêts des spéculateurs immobiliers, qui laissent des bâtiments vides pendant des années, prévalent sur la situation dans laquelle sont placé⋅es les exilé⋅es, qui sont rejeté⋅es à la rue.
Les recalé⋅es du droit à l’hébergement, tout comme les recalé⋅es du droit d’asile, n’ont pas d’autre alternative que de disparaître. Ni la rue, ni les formules d’auto-organisation ne sont recevables. Pour les précaires, pas de quartiers.
Voir notre dossier « Jungles, campements et camps d’exilés en France »
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