Recours contre la circulaire imposant la transmission à l’Ofii d’informations nominatives relatives aux demandeurs d’asile
Trente associations, dont le Gisti, ont saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation accompagnée d’un référé suspension contre l’instruction ministérielle du 4 juillet 2019 « relative à la coopération entre les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour la prise en charge des demandeurs d’asile et des bénéficiaires d’une protection internationale ».
Cette instruction prévoit les modalités selon lesquelles les SIAO communiquent mensuellement à l’OFII la liste des personnes demandeurs d’asile ou bénéficiaires d’une protection qu’ils hébergent - ce qui implique donc en amont de recenser les personnes concernées.
Il est fait notamment grief à cette instruction :
- de porter atteinte au principe d’inconditionnalité de l’accueil dans l’hébergement d’urgence ;
- d’instaurer une discrimination entre les personnes hébergées selon qu’elles sont françaises ou étrangères ;
- d’inciter les personnes migrantes et exilées à rester à la rue pour ne pas être fichées ;
- de violer les principes relatifs à la protection des données personnelles : absence de consentement préalable, absence d’information sur les finalités du fichier, fichage des personnes en fonction de la nationalité… ;
- de comporter des risques sérieux de violation du secret professionnel du travail social.
La requête était accompagnée d’une QPC visant à faire constater que le législateur n’avait pas prévu de garanties suffisantes pour encadrer les opérations de fichage prévues par l’article L. 744-6 du Ceseda, que l’instruction était censée mettre en œuvre.
Par une décision rendue le 6 novembre 2019 sur la requête au fond (donc sans avoir à statuer sur le référé suspension), le Conseil d’État a rejeté le recours ainsi que la demande de transmission de QPC.
- Sur la QPC, il considère que les garanties offertes par les textes qui encadrent les fichiers sont suffisantes et que le législateur n’était pas obligé d’en prévoir de spécifiques ;
- Il considère par ailleurs que la communication de certaines informations dont la collecte est imposée sont nécessaires à l’Ofii.
Le Conseil d’État donne cependant de l’instruction une interprétation qui, si elle guide la pratique des services concernés, est de nature à atténuer les inquiétudes qu’elle suscite :
- Il rappelle que les informations communiquées par les 115/SIAO à l’OFII sur les demandeurs d’asile ne peuvent pas être utilisées pour remettre en cause leur accueil dans l’hébergement d’urgence généraliste ;
- Le principe d’inviolabilité du domicile devant prévaloir, l’intervention des équipes mobiles OFII/préfecture/ DDCS au sein des centres d’hébergement en vue de l’examen du droit au séjour des personnes de nationalité étrangères accueillies ne peut pas être imposée ni aux personnes et ni aux gestionnaires de ces centres.
- Concernant l’utilisation des données personnelles des demandeurs d’asile il rappelle qu’elles ne peuvent être utilisées que pour assurer une orientation adaptée des demandeurs d’asile et des réfugiés vers le DNA, et pour le calcul du montant additionnel de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) et non pour retirer les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile ni identifier et localiser les personnes déboutées de l’asile pour les éloigner du territoire. Elles ne peuvent être communiquées qu’aux agents de l’Ofii spécialement habilités et pas aux autres services de l’État (préfectures notamment).
>> Voir le communiqué : Recours devant le Conseil d’État contre la circulaire relative à la transmission d’informations nominatives par les 115-SIAO à l’OFII
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