Recours contre le décret du 28 décembre 2018 relatif aux conditions matérielles d’accueil

Douze associations et syndicats ont déposé devant le Conseil d’État une requête en annulation, accompagnée d’un référé-suspension, contre le décret n° 2018-1359 du 28 décembre 2018 relatif aux conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile. Ce décret entend mettre en application les dispositions de la loi du 10 septembre 2018 qui prévoient la perte du droit aux conditions matérielles d’accueil pour plusieurs catégories de demandeurs ainsi que la possibilité de les assigner à résidence ou de les placer en rétention dès la notification d’une décision défavorable de l’Ofpra. De même sont privées des conditions matérielles d’accueil les personnes qui refusent l’orientation de l’OFII ou qui ne se présentent pas aux convocations des autorités.

Il est notamment fait grief au dispositif mis en place de n’être pas compatible avec la directive 2013/32/UE dite « directive procédure » ni avec la directive 2013/33/UE dite « directive accueil » : c’est ce que démontre longuement la requête.

L’audience de référé s’est tenue le 28 mars. Des mémoires complémentaires ont été déposés par l’OFII et par les associations requérantes.

L’affaire a finalement été directement audiencée au fond le 8 juillet.

Dans sa décision rendue le 31 juillet 2019 le Conseil d’État a fait droit aux demandes des associations requérantes sur des points importants.

Si la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ne s’oppose pas à ce que les demandeurs d’asile ne bénéficient des conditions matérielles d’accueil que sous réserve d’accepter le lieu d’hébergement proposé par l’Ofii ou, le cas échéant, une région d’orientation déterminée, il résulte de l’article 20 de la directive que s’il est possible dans des cas exceptionnels et dûment justifiés de retirer les conditions matérielles d’accueil à un demandeur d’asile, d’une part ce retrait ne peut intervenir qu’après examen de la situation particulière de la personne et être motivé, d’autre part l’intéressé doit pouvoir solliciter le rétablissement des conditions matérielles d’accueil lorsque le retrait a été fondé sur l’abandon du lieu de résidence sans information ou autorisation de l’autorité compétente, sur la méconnaissance de l’obligation de se présenter aux autorités ou de se rendre aux rendez-vous qu’elle fixe ou sur l’absence de réponse aux demandes d’information.

Par conséquent, en créant des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d’accueil sans appréciation des circonstances particulières et en excluant, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, les dispositions du Ceseda issues de la loi du 10 septembre 2018 s’avèrent incompatibles avec les objectifs de la directive. Il en résulte que les organisations requérantes sont fondées à demander l’annulation des dispositions des 12° et 14° de l’article 1er du décret du 28 décembre 2018, pris pour l’application de dispositions législatives contraires à la directive

Le Conseil d’État refuse par ailleurs de différer dans le temps les effets de l’annulation, estimant que les difficultés invoquées par le ministre de l’intérieur en cas d’annulation rétroactive des dispositions attaquées, tenant en particulier au nombre de décisions de retrait de plein droit intervenues depuis le 1er janvier 2019, ne sont pas telles qu’elles justifieraient de réputer définitifs leurs effets passés et d’en différer l’annulation.

Compte tenu de l’annulation des dispositions attaquées, les demandeurs d’asile qui ont été privés du bénéfice des conditions matérielles d’accueil en vertu d’une décision y mettant fin dans un des cas litigieux doivent pouvoir demander le rétablissement de ce bénéfice. L’Ofii devra statuer sur ces demandes en appréciant la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d’accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n’a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l’acceptation initiale des conditions matérielles d’accueil.

Décret du 28 décembre 2018
Requête contre décret du 28 décembre 2018
Requête en référé-suspension
Mémoire complémentaire
Mémoire en réplique
CE, 31 juillet 2019

>> Voir communiqué : « Le droit d’asile malmené : le Conseil d’État appelé à se prononcer sur le refus des conditions d’accueil aux personnes “dublinées” »

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Dernier ajout : mardi 28 juillet 2020, 16:41
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