Conditions de détention dans un commissariat de police en Grèce (Mirzai et autres)

Le Gisti a été autorisé à intervenir en qualité de tierce partie dans l’affaire Mirzai et autres c. Grèce. L’affaire a été introduite le 9 juillet 2013 et communiquée le 25 janvier 2018. La tierce-intervention a été déposée le 21 juin 2018.

Elle concerne des demandeurs d’asile iraniens et afghans qui ont été détenus pendant plusieurs mois dans un commissariat de police en Grèce en vue de leur renvoi dans leurs pays d’origine.

La Cour a posé aux parties les questions suivantes :

  1. Les requérants ont-ils épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne les griefs tirés des articles 3 et 5 §§ 1 et 4 de la Convention, eu égard notamment au fait qu’ils n’ont pas introduit des objections quant à leur détention ?
  2. Les requérants ont-ils été détenus dans des conditions compatibles avec l’article 3 de la Convention ?
  3. Les requérants avaient-ils à leur disposition, comme l’exige l’article 13 de la Convention, un recours interne effectif au travers duquel ils auraient pu formuler leurs griefs de méconnaissance de l’article 3 de la Convention ?
  4. Au regard des exigences de l’article 5 § 1 de la Convention, la détention des requérants en vue de leur expulsion a-t-elle été « régulière » ?
  5. L’ordre juridique grec a-t-il offert aux requérants la possibilité d’obtenir une décision d’une juridiction interne sur la légalité de leur détention, selon les conditions prévues par l’article 5 § 4 ?

Sont invoquées, dans la tierce intervention :

  • la violation de l’article 3, en raison des conditions matérielles de leur détention. Les faits sont attestés par de très nombeux rapports émanant des ONG, mais aussi du Comité pour la prévention de la torture comme du commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Ils ont été retenus par le comité contre la torture des Nations Unies et par la Cour elle-même dans d’autres affaires ;
  • la violation de l’article 13 combiné avec l’article 3, les requérants n’ayant pu exercer de recours contre leurs conditions d’incarcération. Leur requête devant le tribunal administratif n’a pu aboutir car leur demande d’aide judiciaire a été rejetée ;
  • la violation de l’article 5 qui interdit la privation arbitraire de liberté et suppose donc la possibilité de saisir un juge, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

La cour n’a rendu son arrêt que le 23 novembre 2023. Elle retient :

  • la violation de l’article 5 § 4 de la convention (droit d’accès à un juge), les insuffisances du droit interne par rapport à l’assistance judiciaire ayant privé les requérants de la possibilité de saisir une juridiction sur la légalité de leur détention ;
  • la violation de l’article 5 § 1 (détention arbitraire) en la personne d’un seul des requérants ;
  • la violation de l’article 3, les requérants ayant été détenus pendant respectivement dix-huit mois et douze mois dans des commissariats de police. La Cour fonde son constat de violation de l’article 3 sur la nature même des commissariats de police, lesquels sont des lieux destinés à accueillir des personnes pour une courte durée ; d’après la jurisprudence de la Cour, des durées de détention provisoire au sein des commissariats de police comprises entre deux et trois mois sont considérées comme contraires à l’article 3 de la Convention.
Tierce-intervention du Gisti
CEDH 23 novembre 2023

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Dernier ajout : jeudi 11 avril 2024, 16:54
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