QPC sur les contrôles d’identité opérés sur le fondement du code de procédure pénale et du Ceseda
Par deux arrêts du 18 octobre 2016, la cour de cassation a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité portant respectivement sur les articles 78-2, al. 7 et 78-2-2 du code de procédure pénale, d’un côté, sur les articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du Ceseda, de l’autre.
- Sur le premier point, il s’agit de statuer sur la constitutionnalité des dispositions qui prévoient la possibilité pour le procureur de la République d’autoriser par réquisitions des contrôles d’identité en vue de la recherche et de la poursuite d’infractions qu’il précise, dans un périmètre et pendant une période déterminés, en ce qu’elles empêcheraient le juge judiciaire d’opérer un contrôle effectif des circonstances et motifs ayant justifié le contrôle d’identité, permettent ainsi qu’il soit procédé à des contrôles d’identité généralisés et discrétionnaires voire discriminatoires.
- Sur le second point, il s’agit de statuer sur la constitutionnalité des dispositions du Ceseda qui permettent aux autorités de police de procéder au contrôle du droit au séjour d’un étranger et à son placement en retenue pour vérification du droit au séjour à l’issue d’un contrôle d’identité sur réquisitions réalisé sur le fondement des articles précités du code de procédure pénale, en ce qu’elles ne prévoiraient pas de contrôle suffisant par le juge judiciaire des circonstances et motifs ayant justifié le contrôle d’identité et donc des conditions dans lesquelles la qualité d’étranger de la personne interpellée est apparue.
Bien que le Conseil constitutionnel ait eu déjà l’occasion de statuer sur les dispositions contestées, la Cour de cassation a estimé que la dépénalisation du séjour irrégulier intervenue dans l’intervalle constituait une circonstance nouvelle justifiant que la question soit à nouveau posée au Conseil constitutionnel. En effet, les réquisitions du procureur de la République peuvent déboucher sur le constat non seulement d’infractions autres que celles visées dans lesdites réquisitions, mais encore des irrégularités du séjour ’étrangers non constitutives d’infractions, emportant des conséquences sur leur liberté individuelle dès lors qu’ils peuvent faire l’objet d’une rétention.
Le 30 novembre 2016, le Gisti, le SAF et l’ADDE ont déposé des mémoires en intervention volontaire devant le Conseil constitutionnel à l’appui de chacune des deux QPC.
Dans sa décision du 24 janvier 2017 (Décision n° 2016-606/607 QPC), le Conseil constitutionnel a refusé de constater l’inconstitutionnalité des dispositions contestées. Il a toutefois formulé une réserve d’interprétation et des observations qui, si étaient respectées, pourraient sinon mettre un terme à des pratiques contestables, du moins en restreindre l’ampleur.
- Il a d’abord rappelé que : « D ’une part, le procureur de la République ne peut retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. D’autre part, le procureur de la République ne peut autoriser la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace ». »
- Pour écarter le grief d’absence de contrôle effectif sur les contrôles d’identité, il a rappelé qu’il revenait à l’autorité judiciaire d’exercer ici un contrôle vigilant :
- « En premier lieu, d’une part, la personne qui a fait l’objet d’un contrôle d’identité peut, en cas de poursuites pénales subséquentes à ce contrôle ou en cas de placement en rétention administrative, contester, par voie d’exception, la légalité de ce contrôle devant le juge judiciaire. D’autre part, même en l’absence de telles suites, la légalité d’un contrôle d’identité peut être contestée devant le juge judiciaire dans le cadre d’une action en responsabilité à l’encontre de l’État.
- En second lieu, il appartient à l’autorité judiciaire de veiller au respect de l’ensemble des conditions de forme et de fond posées par le législateur pour l’application des dispositions contestées. En particulier, il incombe aux tribunaux compétents de censurer et de réprimer les illégalités qui seraient commises et de pourvoir éventuellement à la réparation de leurs conséquences dommageables »
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