Victimes collatérales de l’assaut du RAID à Saint-Denis du 18 novembre 2015

Trois des voisins de l’appartement où logeaient les deux terroristes recherchés sont blessés par un tireur d’élite du RAID : en guise de dédommagement, une OQTF leur est apportée à l’hôpital.

2 mois après l’assaut du RAID : Sans-papiers, des victimes oubliées, Journal de Saint-Denis, 19 janvier 2016, par Linda Maziz

« Sur les 43 ménages sinistrés, un tiers sont en situation irrégulière. Alors que la préfecture de la Seine-Saint-Denis s’était engagée à un examen bienveillant de leur situation en vue d’une régularisation - indispensable pour intégrer les dispositifs de relogement - deux mois plus tard, rien n’a bougé. [...] Parmi eux, trois hommes ont été gravement blessés par les balles du RAID. »

Ahmed, égyptien

Saint-Denis : blessé par erreur pendant l’assaut, un sans-papiers est prié de quitter le territoire, I-TELE, 23 novembre 2015

Il raconte être resté terré dans un coin de son studio pendant près de 6 heures. Ensuite, lorsqu’un policier lui a demandé de se poster à sa fenêtre, il a été blessé par un tir des hommes du RAID. Samedi 21 novembre, il s’est vu notifier par les autorités une obligation de quitter le territoire français (OQTF) alors qu’il était hospitalisé.

Saint-Denis : Ahmed, l’Égyptien sans-papiers blessé pendant l’assaut, pourra rester en France, I-tele, 25 novembre

A la suite de cet écho médiatique, cet OQTF a été annulé le 25 novembre.

Noureddine, marocain

Noureddine, blessé dans l’assaut du Raid, gardé à vue et menacé d’expulsion, Le Parisien, 4 décembre 2015]

[Il] « dormait avec deux amis dans son appartement du 4e étage de la rue du Corbillon, juste au-dessus de celui d’Abdelhamid Abaaoud et de ses complices, quand les premières explosions ont retenti. Il a été touché au bras par un tir de sniper en ouvrant sa fenêtre, avant d’être arrêté et placé en garde à vue. Soupçonné d’être lié aux terroristes, il a finalement été mis hors de cause...pour être placé en centre de rétention à Vincennes.
Sorti la semaine dernière mais toujours sous le coup d’un obligation de quitter le territoire (OQTF), Noureddine vit actuellement dans un hôtel de Saint-Denis
. »

Mohamed, égyptien

Ce cas était resté inconnu des médias jusqu’à la diffusion d’un blog de Agnès Druel qui assure des cours de langue française.

Plusieurs articles de presse ont alors diffusé cette information ; les citations qui suivent viennent de "Mohamed encore vivant" (voir ci-dessous).

Récit

« Un policier « lui intime l’ordre d’ouvrir la fenêtre en grand. Il s’exécute aussitôt et a le temps d’apercevoir une petite lueur rouge se promener sur son corps. Presque aussitôt, une balle lui brise l’humérus juste en-dessous de l’épaule. Sous le choc, il part se cacher dans la salle de bain avec son ami qui, dans le noir, improvise un pansement avec une serviette. [...] Mohamed est emmené à l’hôpital de Clamart où il est interrogé trois jours durant, les pieds attachés au lit par une courroie, son bras valide menotté et ceinturé. Il se souvient d’avoir réclamé à plusieurs reprises qu’on desserre la sangle sur son biceps droit, qui se transforme en garrot. Dès qu’il bouge, il sent l’étreinte de la menotte se refermer davantage. [...] Trois jours durant, on l’interroge. Très vite, les enquêteurs se rendent compte qu’il n’a aucun lien avec les terroristes mais ils continuent de lui montrer des photographies, afin de savoir s’il a déjà croisé des personnes recherchées. En conclusion de sa garde à vue, comme il est sans papier, il reçoit le 21 novembre une obligation de quitter le territoire français du préfet des Hauts-de-Seine.
Transféré à l’hôpital Avicenne, Mohamed est opéré une première fois. On lui pose des plaques, mais au bout de douze jours, on doit remplacer ce dispositif qui s’avère inadapté par des broches. [...] Les six broches enfoncées dans sa chair ressemblent à de grosses bobines munies de clous rivés à un os qui a explosé dans la zone de l’impact. [...] Mohamed est handicapé à vie. Il doit être opéré une troisième fois le 15 mars.
Il est sorti de l’hôpital le 10 décembre. Le même mois, une avocate spécialisée en droit des étrangers contactée par ses amis prend en charge son dossier [et] obtient l’abrogation de son OQTF.
 »

OQTF

  • Arrêté préfectoral du préfet des Hauts-de-Seine portant obligation de quitter le territoire sans délai et placement en centre de rétention, 21 novembre 2015

M. M., de nationalité égyptienne est "sans domicile connu" :
[...] « considérant que compte tenu des circonstances propres au cas d’espèce, il n’est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l’intéressé à mener une vie privée et familiale normale " :
[...] « considérant que M. M. [...] ne présente pas les garanties propres à prévenir les risques de soustraction à la mesure d’éloignement »
 

  • Notifications de cette décision avec interdiction de retour

Pour une régularisation à titre humanitaire

Dès l’abrogation de l’OQTF, l’avocate "envoie aussitôt trois courriers à destination de la présidence, du premier ministre et du ministre de l’intérieur. Compte tenu des circonstances exceptionnelles, elle leur demande d’user de leur pouvoir discrétionnaire pour l’obtention de ses papiers. Les réponses ne se font pas attendre. Les deux premiers la renvoient vers le troisième qui l’invite finalement à s’adresser à la Préfecture de Bobigny. Or, pour obtenir un rendez-vous dans la journée, il faut être sur place à quatre ou cinq heures du matin et Mohamed tient à peine sur ses pieds. Par ailleurs, une procédure de régularisation implique de fournir de nombreux justificatifs de présence sur le territoire, lesquels ont été détruits pendant l’assaut ou sont demeurés dans l’appartement sinistré. Pour l’administration, Mohamed n’a même aucune preuve qu’il résidait dans le bâtiment dont on l’a expulsé. Pour témoigner de son identité, il ne dispose que de son passeport, resté chez un ami qui le lui a rendu lorsqu’il était à l’hôpital".
Après plusieurs lettres à la préfecture, celle-ci "finit par répondre le 17 janvier que les demandes de régularisation ne peuvent se faire par courrier".

Presse

Assaut de Saint-Denis : des voisins blessés et menacés d’expulsion Libération, 27 novembre 2015

Mohamed, encore vivant, par Olivier Favier, dans Dormira jamais.

La vérité sur l’assaut du RAID à Saint-Denis
Médiapart, 3 mars 2016, par Matthieu Suc

Victime clandestine de l’assaut du RAID à Saint-Denis
Médiapart, 3 mars 2016, par Matthieu Suc

Mohamed, blessé dans l’assaut de Saint-Denis : « On m’a volé ma vie », BuzzFeed News, 4 mars 2016, par David Perrotin

[retour en haut de page]

Dernier ajout : jeudi 10 mars 2016, 14:36
URL de cette page : www.gisti.org/article5201