Article extrait du Plein droit n° 49, avril 2001
« Quelle Europe pour les étrangers ? »
Vers un droit européen de la nationalité ?
Christophe Daadouch
Passée quasiment inaperçue, la Convention du Conseil de l’Europe du 6 novembre 1997 sur la nationalité marque un tournant vers une harmonisation européenne des politiques d’acquisition de la nationalité.
Complétant la Convention de Strasbourg du 6 mai 1963, elle dépasse toutefois la simple question de la réduction des cas de pluralité de nationalités et pose une série de principes généraux applicables en matière d’acquisition, de conservation, de perte de la nationalité, de droits procéduraux, ou de service militaire.
Certes, et comme le rappelle l’article 3, « il appartient à chaque Etat de déterminer par sa législation quels sont ses ressortissants ». Cela posé, la Convention dégage des principes qui peuvent s’avérer contraignants pour les pays signataires.
Ainsi, des propositions de lois constitutionnelles ont été déposées en Belgique pour mettre en conformité le code civil belge avec la Convention européenne et instaurer une obligation de motiver les refus de naturalisation et prévoir des voies de recours.
La France, qui a signé la Convention le 4 juillet 2000 mais ne l’a pas encore ratifiée, pourrait également voir son droit de la nationalité influencé par cette convention. L’alinéa 1 de l’article 5 selon lequel « les règles d’un Etat partie relatives à la nationalité ne doivent pas contenir de distinction ou inclure des pratiques constituant une discrimination fondée sur le sexe, la religion, la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique » est, par exemple, bien éloigné des nombreuses circulaires et décisions ministérielles rejetant les demandes de naturalisation de femmes musulmanes portant un voile islamique.
De même, l’article 25 de notre code civil qui prévoit, pour les seuls individus ayant acquis la qualité de français, la possibilité de déchéance de la nationalité française est manifestement contraire au principe de non-discrimination entre les ressortissants d’un Etat « qu’ils soient ressortissants à la naissance ou aient acquis sa nationalité ultérieurement » (art. 5, al. 2 de la Convention).
Les notions de traitement « dans un délai raisonnable » (art. 10) ou de frais administratifs raisonnables ne constituant « pas un empêchement pour les demandeurs » (art. 13), le droit à la motivation des refus (art. 11), le droit à un recours (art. 12) qu’il s’agisse d’acquisition, de conservation, de perte de la nationalité, ou de délivrance d’une attestation de nationalité pourraient également s’avérer contraignantes.
Enfin, l’article 6, alinéa 4.f. de la Convention oblige les Etats signataires à prévoir un régime favorable d’acquisition de la nationalité pour ceux entrés sur leur territoire avant l’âge de 18 ans. Faut-il voir dans la récente circulaire des ministres de l’emploi et de la solidarité et de l’intérieur du 17 octobre 2000 (n° 2000/530, non publiée) une sorte de transposition de cet article ? Elle prévoit certes un assouplissement de la procédure de naturalisation (avec une suppression de l’entretien visant à vérifier l’assimilation et des enquêtes de police) et un examen « prioritaire » pour les jeunes étrangers entrés tôt sur le territoire. Mais c’est à la condition qu’ils soient âgés de 18 à 25 ans et soient entrés en France avant l’âge de six ans, et non pas dix-huit ans. ;
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