Article extrait du Plein droit n° 40, décembre 1998
« Les ratés de la libre circulation »

PaCS : Propositions du Gisti

Réaffirmer le droit au respect de la vie privée et des liens affectifs au-delà des frontières et indépendamment des préférences sexuelles

1/ préambule

Parmi les conséquences de la fermeture des frontières, l’impossibilité de maintenir des relations affectives est l’une des plus critiquables et des plus douloureuses. Le Pacs peut contribuer à atténuer ces conséquences en ouvrant le droit au séjour aux couples non mariés et aux couples de même sexe, jusque là sacrifiés par une législation qui ne reconnaît de droit à une « vie familiale » que consacrée par le mariage et/ou la procréation.

Mais les dispositions contenues dans les propositions de loi relatives au Pacs sont très insuffisantes.

La première version ne permettait la délivrance d’un titre de séjour à un étranger ayant contracté un Pacs que s’il l’avait signé avec un Français, après un délai d’un an et sous réserve d’une entrée régulière. La seconde version – celle qui a été soumise à la discussion parlementaire – supprime ces conditions. Mais cette apparente ouverture est loin d’en être une : la nouvelle formulation ne confère plus aucune garantie, aucun droit véritable, aux intéressés.

La formule retenue est en effet la suivante : « La conclusion d’un pacte civil de solidarité constitue l’un des éléments d’appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ». Rappelons que l’article 12 bis 7° est ainsi rédigé : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : […] 7° A l’étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ».

Si la proposition est adoptée dans sa formulation actuelle, elle aura un effet très limité : certes les préfectures ne pourront plus rejeter systématiquement les demandes émanant de couples homosexuels ou de couples hétérosexuels sans enfants, comme elles le font à l’heure actuelle, dès lors qu’ils auront conclu un Pacs, mais elles ne seront pas pour autant tenues d’accorder le titre de séjour sollicité.

Si l’on veut donner aux droits conférés par le Pacs un contenu qui ne soit pas purement illusoire, il faut aller plus loin. Les propositions qui suivent restent des propositions minimales : elles sont formulées dans le cadre de la législation existante sur l’entrée et le séjour – dont le Gisti continue à contester la philosophie et le contenu – et en tenant compte de ce que le Pacs, qui entraîne des contraintes moins fortes que le mariage, ne saurait conférer exactement les mêmes droits que celui-ci. Il en résulte, c’est vrai, le maintien d’une discrimination à l’égard des homosexuels ; cette discrimination ne pourra disparaître qu’en ouvrant l’accès au mariage aux couples de même sexe.

2/ propositions

1. Les dispositions concernant le droit au séjour des étrangers ayant conclu un Pacs doivent être introduites dans l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans un souci de clarté et de cohérence. Il faut toutefois laisser subsister dans la loi sur le Pacs une disposition énonçant les droits reconnus dans ce domaine aux personnes liées par un Pacs afin que les Algériens, les Tunisiens et les ressortissants communautaires – dont le séjour en France n’est pas régi par l’ordonnance de 1945 – puissent également s’en prévaloir.

2. Un étranger ayant conclu un Pacs avec un Français doit obtenir de plein droit une carte de séjour temporaire, comme le conjoint d’un Français. Il faut donc modifier l’article 12 bis 4° de l’ordonnance de 1945 qui prévoit la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire au conjoint d’un Français.

Remarque. 1 – Si l’on raisonne « à législation constante », la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire serait subordonnée à la condition d’une entrée régulière, puisque cette condition est imposée aux conjoints. Nous estimons pour notre part que cette condition exigée des conjoints est contestable dans son principe même, puisqu’elle contribue à maintenir dans la clandestinité des personnes qui ont vocation à s’établir en France, et nous demandons son abrogation. Ce n’est que dans l’attente de cette abrogation que nous trouverions illogique de revendiquer pour les partenaires du Pacs un régime plus favorable que pour les conjoints.

Remarque. 2 – Parce que le Pacs se dénoue plus facilement que le mariage, on peut admettre qu’il ne donne pas accès automatiquement, au bout d’un an, à la carte de résident. Il en résulte une situation inéquitable pour les homosexuels, qui n’ont pas la possibilité de se marier. L’étranger lié par un Pacs avec un Français devrait donc, toujours « à législation constante », attendre cinq ans avant de pouvoir obtenir de plein droit une carte de résident, comme les autres titulaires d’une carte portant la mention « vie privée et familiale ». Ce délai est trop long pour des étrangers qui ont, par hypothèse, des liens personnels ou familiaux en France : nous demandons qu’il soit abrégé pour l’ensemble des catégories concernées, sans faire un sort spécial aux étrangers liés par un Pacs.

3. Toute une série d’autres situations doivent pouvoir être réglées sur le fondement de l’article 12 bis 7° de l’ordonnance du 2 novembre 1945 (ou, pour les étrangers non couverts par l’ordonnance, directement sur le fondement du principe posé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme).

Doivent en effet être considérés comme ayant des liens personnels en France et donc obtenir une carte de séjour temporaire :

  • l’étranger lié par un Pacs avec un Français même s’il ne justifie pas d’une entrée régulière,
  • l’étranger lié par un Pacs avec un étranger résidant en France.

Bien entendu, ceci ne doit pas empêcher de considérer comme ayant des liens personnels en France l’étranger vivant en concubinage – hétérosexuel ou homosexuel – avec un Français ou un étranger résidant en France, même s’il n’a pas conclu de Pacs. Il serait contraire à l’esprit-même de la réforme de la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, qui intègre la notion de « vie privée et familiale », que l’existence du PACS serve à justifier le refus de tenir compte de liens personnels manifestés par une situation de concubinage.

Sur ce point, aucune modification législative n’est nécessaire. En revanche, il faut que le législateur exprime clairement son intention à l’occasion des débats parlementaires pour contrer l’application que l’administration entend faire du texte et qui ressort de la circulaire d’application de la loi Chevènement du 12 mai 1998.

Sous couvert d’interpréter la notion de « vie privée et familiale », non seulement elle évacue totalement la dimension « vie privée » en ne retenant que l’existence de liens familiaux, mais, s’agissant du concubinage, elle impose une condition de durée de cinq ans et l’existence d’enfants issus du couple. Déjà beaucoup trop strictes pour les couples hétérosexuels, ces conditions sont inadmissibles dès lors qu’elles aboutissent à exclure totalement les couples homosexuels de la possibilité de réclamer le bénéfice d’une disposition qui, aux dires mêmes de Patrick Weil, était aussi faite pour eux.

4. L’étranger ayant contracté un PACS avec un Français ou avec un étranger établi en France doit se voir délivrer un visa pour rejoindre son partenaire français ou étranger. De même que pour les refus de visas opposés au conjoint d’un Français ou au bénéficiaire d’une autorisation de regroupement familial, le refus de visa devra être motivé (art. 5, 1° al. 2 de l’ordonnance de 1945).

5. A l’instar du conjoint de Français, et dans les mêmes conditions que celui-ci, l’étranger lié par un Pacs doit être protégé contre les mesures d’éloignement (expulsion, reconduite à la frontière, interdiction du territoire), ce qui conduit à modifier l’article 25 de l’ordonnance de 1945 ainsi que les articles pertinents du Code pénal.

La plus grande facilité à se dégager du Pacs que du mariage n’a pas à être prise en compte puisque, contrairement à ce qui est le cas pour la carte de séjour, il n’y a pas projection dans l’avenir : la seule question est de savoir si, au moment où l’administration envisage de prendre une décision d’éloignement, l’étranger est ou non lié par un Pacs à un Français depuis plus d’un an.

Royaume de Belgique



Ministère de l’Intérieur

Circulaire du 30 septembre relative à l’octroi d’une autorisation de séjour sur la base de la cohabitation dans le cadre d’une relation durable.

A Mesdames et Messieurs les Bourgmestres du Royaume

(...) La croissance du trafic international entraîne la naissance de nombreuses relations transfrontalières. En ce qui concerne ces personnes, le partenaire de nationalité étrangère ne peut séjourner en Belgique que s’il ou elle se marie avec le Belge ou avec l’étranger établi ou autorisé au séjour en Belgique. Ces personnes ne se marient pas par conviction, mais parce qu’elles y sont en quelque sorte obligées par des considérations relatives au droit de séjour. Dans le cadre d’une réglementation basée sur la cohabitation, les personnes intéressées pourraient apprendre à mieux se connaître, sans qu’une autorisation de séjour définitive ne doive être accordée à l’intéressé.

En outre, on constate que le partenaire homosexuel étranger d’un Belge ou d’un étranger établi ou autorisé au séjour en Belgique ne peut actuellement pas séjourner en Belgique sur la base de cette relation. Ces personnes utilisent parfois d’autres statuts de séjour (visa d’étudiant, séjour en tant que stagiaire, permis de travail et même mariage de complaisance) pour pouvoir vivre avec leur partenaire. Cet abus des autres statuts n’est pas recommandé et ne peut offrir une solution pour donner un statut de séjour aux partenaires homosexuels. De plus, la discrimination à l’égard des partenaires homosexuels dans notre société est inacceptable.

En conséquence, il convient d’accorder directement à ces personnes une autorisation de séjour sur la base de la cohabitation dans le cadre d’une relation durable, pourvu qu’un certain nombre de conditions strictes soient remplies, ceci afin d’éviter ou de combattre les abus. (...)



Article extrait du n°40

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Dernier ajout : jeudi 20 mars 2014, 22:28
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