Recours au Tribunal Administratif contre une décision de refus d’entrée au titre d’asile

Tribunal administratif de Paris

Requête et mémoire

POUR

L’X, association selon la loi de 1901 dont le siège social est sis **, représentée par Monsieur X agissant au nom et pour le compte du mineur X, né le ** 1980 à **, près de **, province de ** (MOZAMBIQUE), demeurant à **

ayant pour avocat :

Maître X, avocat au barreau de PARIS ** Tel ** - Vestiaire **

CONTRE

Une décision de Monsieur le ministre de l’intérieur en date du **, rejetant la demande d’entrée en France au titre de l’asile de Monsieur X.

Faits

I. - M. X est né le ** 1980 au Mozambique ; il est de nationalité mozambicaine.

Dans le courant de l’année 19**, M. X a vu, lors de l’attaque de son village, ses père, mère et soeur tués par des rebelles de la Renamo qui ont attaqué, incendié et pillé son village.

Par la suite, face à une situation d’insécurité constante dans les régions rurales du Mozambique et notamment dans sa région d’attache, M. X a rejoint la République Sud Africaine, en compagnie d’autres rescapés de ce massacre.

Début juin 19**, il embarquait clandestinement, au port de **, à bord du **.


II. - Découvert par l’équipage du ** , M. X a manifesté auprès du capitaine du cargo son intention de réclamer l’asile politique auprès des autorités françaises.

Le 23 juin 19**, accostant au port de **, le capitaine du navire informait les autorités françaises de la présence de ce passager clandestin et de son intention de solliciter l’asile.

Le jour même à 12 h 00, la police de l’air et des frontières notifiait au commandant « que le passager clandestin n’est pas admis à débarquer et qu’il est consigné à bord du **, sous la responsabilité du commandant, pendant le temps de l’escale » et « que cette mesure est prise en vertu de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ».

Le 24 juin 19** à 15 h 00, la police de l’air et des frontières notifiait au commandant du ** le procès-verbal suivant :

« Vu le procès-verbal de notification en date du 23 juin 19**, notification faite au commandant du ** de garder à son bord le temps de l’escale à **, le nommé M. X, passager maritime clandestin,

Vu la télécopie adressée au service par le commandant du **, télécopie faisant allusion à une demande d’asile politique formulée par le jeune M. X,

Renseignements pris auprès du service des étrangers à la Préfecture du ** à **,

Nous étant transporté jusque sur le **,

En présence d’un représentant qualifié de la société **,

Informons le commandant du ** que la demande d’asile formulée par le passager clandestin est irrecevable, celui-ci se trouvant non pas en France, mais à l’étranger (articles 31 et 31 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France). En l’espèce, M. X est considéré comme se trouvant aux Bahamas (nationalité du navire) ».

Pareille « information donnée au commandant » s’apparentait à un refus d’examiner la demande d’asile en France sous un prétexte incongru et totalement étranger aux articles 31 et 31 bis de l’ordonnance de 1945. Elle méconnaissait de plus les dispositions de l’article 12 du décret du 27 mai 1982 pris pour l’application de l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, en vertu duquel le ministre de l’intérieur seul peut prendre une décision de refus d’entrée en France concernant un demandeur d’asile.

Sur l’intervention de l’Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers (ANAFE), cependant, le ministre de l’intérieur était saisi de cette demande d’asile, sur laquelle il statuait le 27 juin.


III.- Par décision du 27 juin 19**, le ministre de l’intérieur refusait l’entrée en France au titre de l’asile de M. X pour les motifs suivants :

« Considérant que les faits allégués par l’intéressé, à savoir l’attaque de son village en 19** par des rebelles, au cours de laquelle ses parents et sa soeur auraient été tués, ne sont pas dépourvus de crédibilité dans la mesure où le Mozambique connaissait à cette époque une guerre civile opposant les rebelles de la Renamo au gouvernement du Président Chivsano,

Considérant toutefois que la situation au Mozambique a depuis lors positivement évolué, à la suite d’un accord entre le gouvernement et la Renamo, prévoyant une cessation des hostilités, à ce jour effective, l’organisation d’élections sous surveillance internationale et l’intégration des combattants de la Renamo de l’armée militaire, qu’en outre l’accord étant suffisamment respecté et les conditions de sécurité paraissant satisfaisantes, le H. C. R. a entamé le rapatriement volontaire des réfugiés mozambicais se trouvant dans les pays voisins, que ces circonstances réfutent l’argument de l’intéressé faisant état d’un sentiment d’insécurité actuel au Mozambique,

Considérant enfin que postérieurement aux événements de 19**, l’intéressé aurait résidé pendant 2 ans en République Sud Africaine où il n’aurait pas rencontré de difficulté,

Que dès lors, la demande d’accès au territoire français au titre de l’asile formulé par Monsieur X doit être regardé comme manifestement infondée. »

Cette décision était notifiée personnellement à l’enfant mineur X le 27 juin 19** à 20 h 00, à bord du ** sur lequel il « se trouvait consigné ».

C’est la décision attaquée.


IV.- Il convient de souligner que jusqu’à la notification de cette décision, l’enfant X est resté privé de tout contact avec l’extérieur (avocat, médecin, visiteurs ... ).

Le lendemain de la notification de cette décision, le président du Tribunal de grande instance de Paris, saisi en référé pour statuer sur les conditions de sa « consignation » à bord du ** , faisait droit à l’exception de nullité de la procédure soulevée par le ministre de l’intérieur, défendeur, tirée du défaut de capacité juridique du mineur, l’empêchant de saisir valablement la juridiction.

Le 29 juin 19**, le juge des tutelles au Tribunal d’instance de ** désignait l’X en qualité de représentant du mineur pour exercer en son nom toute action relative à sa demande d’asile et tout recours contre l’arrêté du 27 juin 19**.

Le jour même, l’** faisait assigner le ministre de l’intérieur à comparaître à 18 h 30, en référé, par-devant le Président du Tribunal de grande instance de Paris qui rendait immédiatement une décision constatant que l’autorité administrative, en consignant M. X à bord du **, commettait une voie de fait et ordonnait sa mise en liberté immédiate.

C’est ainsi que le jeune M. X était autorisé à débarquer et à regagner le port de ** que le navire venait de quitter.

Par ordonnance prise dans la soirée du 29 juin 19**, le Procureur de la République de ** prononçait le placement provisoire de l’enfant, dépourvu de famille, de ressources et d’hébergement. Cette mesure était maintenue par ordonnance du juge des enfants de ** du 18 juillet 19**.

Parallèlement, un conseil de famille était constitué par le juge des tutelles à la requête de l’X.

Discussion

La décision attaquée sera annulée pour des motifs de légalité externe comme de légalité interne.

Sur la légalité externe :

V.- La décision attaquée est entachée d’un vice de forme pour incompétence de son auteur.

En effet, l’article 12 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982 pris pour l’application de l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que, lorsque l’étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d’asile, la décision de refus d’entrée en France ne peut être prise que par le ministre de l’intérieur, après consultation du ministre des relations extérieures.

Or, la décision attaquée a été signée par le directeur des libertés publiques sans qu’il soit justifié d’une quelconque délégation de signature.

En particulier, lorsqu’un dossier pose des problèmes particulièrement sensibles (comme en l’espèce où les modalités de la rétention étaient contestées comme constitutives de voie de fait, où l’intéressé était un mineur, ayant fait l’objet d’interventions auprès de l’administration) il est de règle que la décision ne soit pas prise au niveau de la direction des libertés publiques, mais au niveau du cabinet du Ministre.


VI.- La décision attaquée n’a pas été valablement notifiée.

a) Notification d’un acte administratif dans le cadre d’une séquestration arbitraire :

La décision attaquée a été notifiée au jeune M. X alors qu’il se trouvait dans l’impossibilité de faire valoir ses droits conformément à l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945.

Le juge civil des référés a, par décision dont le ministre de l’intérieur n’a pas relevé appel, constaté que l’enfant était victime d’une voie de fait.

Par conséquent, aucune notification émanant de l’autorité responsable de cette voie de fait, ne peut être valablement faite dans ces circonstances.

b) Notification faite à un mineur :

Le jeune M. X, mineur de 14 ans, s’est vu notifier un refus de sa demande d’entrée en France au titre de l’asile.

N’ayant pas la capacité juridique, cet enfant ne peut pas davantage se voir notifier d’acte emportant des conséquences de droit, qu’il ne peut en accomplir.

Au lieu d’obliger l’enfant à provoquer lui-même la désignation d’un administrateur pour pouvoir contester les décisions dont il faisait l’objet, l’administration aurait dû saisir elle-même le juge des tutelles dès qu’elle a été informée de l’arrivée en France d’un enfant mineur, sans famille, ni ressources, ni hébergement.

En tout état de cause, la notification d’une décision administrative faisant courir des délais de recours que l’enfant mineur n’a pas la capacité d’exercer, n’a pu être faite valablement à la personne même de cet enfant.

Surabondamment, on relèvera que l’enfant, dont la capacité de discernement reste à apprécier, n’a pu en aucun cas mesurer toute la portée de la décision qui lui était notifiée en français, en présence, pour seul interprète, d’un représentant de la société de consignation du navire parlant l’anglais, qui n’est pas la langue de cet enfant.

La décision irrégulièrement notifiée sera annulée.

Sur la légalité interne

La décision attaquée encourt l’annulation tant pour violations de la loi qu’en ce qu’elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

VII.- La décision attaquée viole l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et les articles 22, mais également 3 et 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant. En décidant de renvoyer en Afrique du Sud un enfant mineur et sans famille, sans s’assurer qu’il y trouve un accueil ni qu’il y ait des proches, le ministre de l’intérieur prenait l’incroyable et inacceptable responsabilité de se désintéresser du sort d’un enfant mineur venu demander protection à la France.

Cette désinvolture inacceptable et illégale était encore aggravée par l’attitude de la police de l’air et des frontières qui, constatant que le ** ne retournait pas en Afrique du Sud mais poursuivait sa route vers **, décidait néanmoins d’empêcher l’enfant d’en descendre alors que le bateau allait quitter le port de **.

Négligeant l’intérêt supérieur de l’enfant, qui aurait dû le conduire à saisir sans délai le juge des tutelles et le juge des enfants, l’administration n’avait pour seule ligne de conduite que la préoccupation de s’en débarrasser à tout prix sans la moindre considération pour son sort.

L’article 29 de la Convention relative aux droits de l’enfant obligeait le ministre de l’intérieur, en présence d’un enfant voyageant seul et cherchant à obtenir le statut de réfugié, à « prendre les mesures appropriées pour (qu’il) bénéficie de la protection et de l’assistance humanitaire voulues ».

La même Convention obligeait, en son article 20, le ministre de l’intérieur à lui apporter « une protection et une aide spéciale », comme à tout enfant « temporairement ou définitivement privé de son milieu familial ».

L’article 3 obligeait l’administration à faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans la décision à prendre à son égard.

Au lieu de respecter ces obligations, l’administration infligeait à cet enfant une décision de refus d’entrée en France constituant un traitement inhumain et dégradant, au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

De ce premier chef, la décision attaquée mérite une censure exemplaire.


VIII. - Violation de l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945

Si le décret du 27 mai 1982, en son article 12, désigne le ministre de l’intérieur en tant qu’autorité compétente pour statuer, après avis du ministre des affaires étrangères, sur les demandes d’entrée en France présentées par des étrangers au titre de l’asile, il ne peut refuser cette entrée que pour les raisons énoncées à l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, à savoir :

  • l’étranger n’est pas muni de l’un ou de plusieurs des documents énumérés aux 1° et 3° de l’alinéa 1 de ce texte, mais ces documents ne sont pas exigibles d’un demandeur d’asile ;
  • la présence en France d’un étranger constituerait une menace pour l’ordre public, ou il fait l’objet d’une interdiction du territoire ou d’un arrêté d’expulsion, mais ce n’est pas ce motif qu’invoque ici le ministre de l’intérieur.

En refusant à M. X l’autorisation d’entrée en France au motif que sa demande d’asile serait « manifestement infondée », le ministre de l’intérieur a invoqué un motif non prévu par l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, et a donc violé ce texte.


IX. - A supposer même que le caractère manifestement infondé d’une demande d’asile soit de nature à fonder un refus d’admission en France, le ministre de l’intérieur ne s’est pas en l’espèce contenté d’apprécier le caractère « manifestement infondé » de la demande d’asile, mais bel et bien le fond de cette demande, se substituant ainsi à l’OFPRA et violant par là-même l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et les articles 1 et 2 de la loi du 25 juillet 1952 portant création de l’OFPRA.

L’appréciation du caractère « manifestement infondé » d’une demande d’asile ne suppose qu’un examen superficiel de cette demande, exclusif de toute appréciation approfondie.

La notion de demande d’asile « manifestement infondée » doit s’interpréter en tenant compte des réserves d’interprétation qu’a émises, à son égard, le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 92-307 DC du 25 février 1992.

Cette décision annulait des dispositions adoptées par le Parlement pour donner un statut législatif aux « zones de transit ». Le Conseil y énonçait qu’un « étranger qui a sollicité son admission en France au titre de l’asile ne saurait faire l’objet d’un maintien en zone de transit (...) que s’il apparaît que sa demande d’asile est manifestement infondée ».

Suite à l’annulation décidée par le Conseil Constitutionnel, le Parlement adoptait la loi du 6 juillet 1992, insérant un article 35 quater à l’ordonnance du 2 novembre 1945, reproduisant l’exigence posée par le Conseil Constitutionnel.

La décision du 25 février 1992 précise le sens qu’il faut donner à l’expression « demande d’asile manifestement infondée », au regard d’une autre disposition de la loi, exonérant de leur responsabilité les transporteurs ayant acheminé jusqu’en France un étranger non admissible, lorsque celui-ci entendait bénéficier de l’asile politique, à condition que sa demande ne soit pas « manifestement infondée ».

Le Conseil Constitutionnel a admis la constitutionnalité de cette disposition sous une réserve d’interprétation qui s’impose au ministre de l’intérieur : apprécier si une demande d’asile est « manifestement infondée » implique de « se borner à appréhender la situation de l’intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche ».

L’emploi, par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 25 février 1992, puis par le législateur dans la loi du 6 juillet 1992, de l’adverbe « manifestement » est incompatible avec la notion de vérifications approfondies ou de recherches, car celles-ci relèvent de la compétence exclusive de I’OFPRA.

Cet adverbe correspond d’ailleurs à une terminologie connue du droit administratif - l’erreur « manifeste » d’appréciation étant un motif d’annulation de décisions sur lesquelles le juge administratif n’exerce qu’un contrôle minimum, le contrôle de l’évidence (v. conclusions BRAIBANT sur CE Ass. 2 novembre 1973, Librairie François Maspero).

En droit privé, l’article 809 du nouveau Code de procédure civile, qui ne permet au juge des référés de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état que pour faire cesser un trouble « manifestement » illicite, est souvent cité pour illustrer que le juge des référés est le juge de l’évidence.

Le ministre de l’intérieur lui-même, dans une note rendue publique en novembre 1992 (bilan d’application de la loi du 6 juillet 1992 quatre mois après son entrée en vigueur) écrivait qu’il n’userait de la prérogative qu’à titre exceptionnel et dérogatoire le Conseil constitutionnel lui reconnaissait de refuser l’admission en France à un demandeur d’asile qu’en « refusant l’entrée en France, sous couvert d’une demande d’asile politique, des cas les plus flagrants des immigrants économiques ».

Le cas du jeune M. X ne correspond à l’évidence pas à l’hypothèse visée d’une immigration économique flagrante.

La même note d’information diffusée par le ministre de l’intérieur donnait des critères d’appréciation étrangers à la situation de la présente espèce :

  • existence d’un pays tiers d’accueil (mais depuis lors le Tribunal administratif de Paris a sanctionné ce motif : affaire BANDEIRAS, jugement du 27 mai 1994, v. infra) ;
  • demande hors du champ d’application de la Convention de Genève (en l’espèce, le requérant se prévaut de craintes de persécution pour des motifs visés à l’article 1-A-2 de la Convention de Genève ;
  • existence d’un motif d’exclusion ou de cessation du statut de réfugié (ceci vise les coupables de crimes contre l’humanité ou de violations très graves des droits de l’homme, et à l’évidence est étranger au cas d’espèce) ;
  • demande dépourvue de toute motivation ou de toute crédibilité : « imprécisions graves, incohérences flagrantes dans le récit » (ce motif n’est pas invoqué ici par le ministre qui reconnaît la cohérence et la véracité du récit du requérant).

Cette note d’information diffusée par le ministre de l’intérieur, bien qu’elle soit contestable par certaines des positions qui y sont prises, rejoint les considérations qui précèdent pour interpréter le droit positif dans le sens où le ministre ne dispose qu’à titre exceptionnel d’une compétence restreinte à la constatation de l’évidence.

En s’assurant qu’une demande d’asile n’est pas « manifestement infondée », il doit donc se refuser à toute appréciation sur le fond, à toute vérification, qui l’entraînerait à exercer des prérogatives qui ne lui appartiennent pas mais sont celles de I’OFPRA.

Ainsi le Tribunal administratif de Paris a annulé pour erreur de droit des arrêtés du ministre de l’intérieur estimant « manifestement infondées » des demandes d’asile aux motifs :

  • que l’intéressé, angolais, n’avait pas demandé une protection appropriée au Cameroun, pays signataire de la Convention de Genève (jugement du 27 mai 1994, affaire BANDEIRAS, n° 9404951/4 et 9404952/4) ;
  • que l’intéressé, camerounais, s’était précédemment maintenu en France sans y solliciter l’asile, et qu’il entendait poursuivre ses études - le Tribunal administratif ayant relevé, dans cette espèce, que l’intéressé faisait état de risques de persécution en cas de retour au Cameroun (jugement du 5 juillet 1994, BAYEMI, n° 9303710/4).

X.- Dans la présente espèce le jeune M. X invoquait le massacre de sa famille au Mozambique et la crainte de persécutions en cas de retour dans ce pays.

Portant (ce qu’il n’a pas à faire) une appréciation sur ce récit, le ministre de l’intérieur en reconnaissait la crédibilité après s’être informé du contexte politique et de la nature du régime en place au Mozambique.

C’est dire que même après cette recherche (qui n’était pourtant pas de son ressort mais de celui de l’OFPRA), la demande d’asile n’était pas « manifestement infondée ».

Le ministre de l’intérieur a encore poursuivi ses investigations pour tenter d’évaluer le bien-fondé du « sentiment d’insécurité actuelle au Mozambique » du jeune M. X. Il portait pour cela une appréciation sur l’évolution des rapports entre le gouvernement légitime et les combattants de la RENAMO, la mise en oeuvre et le respect, par ces deux parties, d’un accord passé entre elles... autant d’appréciations qui n’ont plus aucun rapport avec la seule observation d’un « caractère manifestement infondé » de la demande, mais relèvent de la mission exclusive de l’OFPRA, sous le contrôle de la Commission des recours des réfugiés.

La décision sera donc annulée pour erreur de droit.


XI - Le motif tiré de ce que le requérant aurait résidé en Afrique du Sud ne saurait suffire à conférer à la décision attaquée une quelconque légalité.

Le Conseil d’État juge de manière constante depuis 1981 que la circonstance qu’un demandeur d’asile aurait résidé dans un premier pays d’accueil avant de venir en France ne saurait être retenue pour rejeter sa demande (CE Ass. 16 janvier 1981, CONTÉ).

De même, le Tribunal administratif de Paris, dans l’affaire BANDEIRAS précitée (jugement du 27 mai 1994) a écarté pareil argument.

XII.- Aux violations de la loi s’ajoute surabondamment une erreur manifeste d’appréciation.

Dire « manifestement infondée » une demande d’asile motivée par la crainte de persécutions, en cas de retour au Mozambique, d’un enfant qui, à 9 ans, y a vu ses parents et sa soeur assassinés, ne heurte pas seulement le droit mais également le simple bon sens.

Il est évident, eu égard à la nature des craintes invoquées et au récit de l’intéressé, qu’il appartenait au ministre de l’intérieur de l’admettre en France au titre de l’asile, ou à tout le moins, eu égard à sa situation d’enfant mineur, sans famille, ressources ni hébergement, de saisir de son sort le juge des tutelles et le juge des enfants.

En préférant lui opposer une décision d’inadmission et de refoulement, le ministre de l’intérieur commettait une erreur manifeste d’appréciation.

Par ces motifs

et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d’office, le requérant conclut qu’il plaise au Tribunal Administratif de Paris :

 ANNULER la décision attaquée avec toutes conséquences de droit.

[retour en haut de page]

Dernier ajout : samedi 6 juillet 2019, 14:19
URL de cette page : www.gisti.org/article22