action collective
Associations, syndicats : quel prix à payer pour défendre les libertés ?
À l’heure où les libertés publiques et les droits fondamentaux sont en danger, nous déplorons la décision rendue le 19 juin 2024 par le Conseil d’État. Cet arrêt condamne le Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS) à verser à l’Agence de la biomédecine une somme de 3 000 euros. Pourquoi ? Pour rembourser les frais d’avocat que cette agence publique a exposés lors d’un contentieux visant la défense des droits reproductifs des femmes lesbiennes et des hommes trans.
Cette décision est un signal très inquiétant pour les libertés associatives et pour la défense des droits des personnes. Elle intervient dans un contexte où les associations et les syndicats constatent, jour après jour, la multiplication des entraves posées aux actions par le droit : décisions d’interdiction de manifestation rendues dans des délais rendant impossible leur contestation, suppression d’agrément d’associations qui perdent leur qualité pour agir devant les tribunaux, menace de condamnations pour procédure abusives, etc. La mise en faillite des organisations de protection des droits et libertés serait une nouvelle étape préoccupante.
Traditionnellement, les juges judiciaires et administratifs se refusent à condamner les associations et syndicats lorsqu’ils agissent pour la défense des droits et libertés collectives, même lorsqu’ils perdent leurs recours. La loi les y autorise puisqu’il est prévu que les juges peuvent refuser de faire porter les frais de justice à la partie perdante lorsque l’équité le commande ou que ces frais sont trop lourds. Or, quoi de plus équitable, lorsqu’une association agit pour poser des questions de principe, de ne pas la ruiner pour cela ?
Frapper les associations et syndicats au portefeuille – en un temps où les subventions publiques diminuent drastiquement – est une façon de les faire taire en réservant les prétoires aux plaideurs les plus riches, aux organisations les mieux financées. Exclure ainsi la société civile des tribunaux est très grave. Qui agira demain pour les libertés individuelles si nous sommes paralysés par la peur d’être condamnés à des frais exorbitants ?
Face aux incertitudes qui pèsent sur l’avenir politique de notre pays, nous en appelons à la clairvoyance des juges, garants des libertés publiques, pour qu’ils et elles usent de leurs pouvoirs avec mesure : de leurs décisions dépend la pérennité de nos actions.
Nous sommes les contre-pouvoirs indispensables à la vie démocratique. Nous sommes la voix de ceux et celles qui ne peuvent pas agir en leur propre nom. Ne nous bâillonnez pas !
Signataires :
- Acceptess-T
- Association Avocats pour la défense des droits des détenus – A3D
- Association des parents gays et lesbiens – APGL
- Attac France
- La Cimade
- Comede - Comité pour la santé des exilés
- GIAPS – Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles
- GISTI – Groupe d’information et de soutien des immigré·es
- L’Observatoire international des prisons – Section Française
- Le Planning familial
- Syndicat des avocats de France
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