Recours contre le décret relatif au placement en rétention des personnes en « procédure Dublin »

Est contesté ici le décret du 28 juin 2018 pris pour l’application de la loi du 20 mars 2018 « permettant une bonne application du régime d’asile européen ».

Le règlement dit « Dublin 3 » subordonne à l’existence d’un « risque non négligeable de fuite » le placement en rétention des demandeurs d’asile faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge par application dudit règlement.

Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ayant tous les deux censuré le placement en rétention des personnes concernées, faute pour le législateur d’avoir défini de façon suffisamment précise ce que recouvre la notion de risque non négligeable de fuite, la loi du 20 mars 2018 a entendu parer à cette lacune. Elle énumère donc une série de douze critères permettant de déterminer l’existence d’un tel risque et prévoit qu’un décret précisera les modalités de prise en compte de la vulnérabilité des personnes concernées et de leurs besoins particuliers : tel est l’objet du décret du 28 juin 2018.

Cinq associations (la Cimade, l’Ardhis, la Fasti, le Gisti et la LdH) ont décidé d’attaquer devant le Conseil d’Etat ce décret en démontrant qu’il est incompatible avec le droit de l’Union - notamment avec le règlement Dublin III et la directive de 2013 dite « directive accueil ».

En effet la directive a prévu des modalités spécifiques concernant le placement en rétention de personnes vulnérables et de demandeurs ayant des besoins particuliers en matière d’accueil et elle a précisé les modalités d’évaluation des personnes ainsi concernées.

Or les modalités prévues sur ce point par le décret ne sont pas conformes à ces dispositions notamment en ce qu’il ne prévoit pas la saisine systématique de l’OFPRA pour l’évaluation de la vulnérabilité, laquelle revient en première analyse à l’autorité administrative. Et cela, alors que, parmi les éléments de vulnérabilité qui doivent être pris en compte en vertu du droit de l’Union, figurent non seulement ceux relevant de la vulnérabilité « objective » – situation familiale, handicap, problèmes de santé – mais aussi ceux relatifs à la vulnérabilité « subjective » qui, eux, peuvent être liés aux craintes de persécution qui ont motivé la protection au titre de l’asile (y compris orientation sexuelle, mutilations génitales, torture, traite des êtres humains).

Le Conseil d’État, par une décision du 9 octobre 2019, a rejeté la requête, estimant que le décret s’était borné à faire une application correcte de la loi.

Recours Cimade et autres
Mémoire complémentaire
Conseil d’Etat, 9 octobre 2019

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Dernier ajout : mercredi 9 octobre 2019, 21:25
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