Mayotte : faut-il choisir un référé-liberté contre une OQTF sans délai et une saisine du JLD sur la rétention ? Décembre 2017 - janvier 2018 


Depuis le 1er novembre 2018, une personne à qui une l’obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d’une interdiction d’y revenir, est notifiée peut introduire en parallèle deux recours en urgence devant deux instances différentes :

  • un référé-liberté (ou un référé-suspension) devant le juge des référés du tribunal administratif en vue de la suspension de l’OQTF ;
  • une requête devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) pour contester la légalité de son placement en rétention.

Dans le cadre spécifique aux territoires où l’article L.514-1 du Ceseda s’applique (Mayotte, Guyane, Guadeloupe notamment), la condition d’urgence requis pour la recevabilité des référés demandant las suspension de l’OQTF était établie par la jurisprudence.

En décembre 2017, un nouveau moyen de priver d’effectivité les référés déposés contre des OQTF sans-délai est apparu dans plusieurs décisions de juge administratif de Mayotte :

  • « le requérant ne justifie plus d’une situation d’urgence dès lors que […] le juge des libertés et de la détention a prononcé la mainlevée de son placement en rétention, le faisant ainsi échapper à tout éloignement imminent ; [..] par suite, sa requête peut être rejetée pour défaut d’urgence ».

Autrement dit, l’urgence requise pour l’examen du référé disparaîtrait automatiquement dès que le JLD constate l’illégalité de la rétention et libère la personne.

Deux de ces ordonnances du tribunal administratif de Mayotte ont été portées en appel devant le Conseil d’État.

Dans les deux affaires le Conseil annule les ordonnances du TA de Mayotte pour erreur de droit : l’urgence subsistait puisque la mesure pouvait être mise à exécution à tout moment.


Monsieur A. vit à Mayotte depuis 2012 et est père d’un enfant né le 21 novembre 2017 ; il avait fait une demande de titre de séjour un mois avant.
Le même scénario se reproduit deux fois :

  • Interpellation le 28 novembre 2017, OQTF et rétention immédiates ;
  • TGI de Mamoudzou (JLD), 30 novembre - fin de la rétention ;
  • TA de Mayotte, 30 novembre 2017, n°1701288 - rejet du référé-liberté pour absence d’urgence.
  • Nouvelle interpellation le 18 janvier 2018, OQTF et rétention immédiates ;
  • TGI de Mamoudzou (JLD), 21 janvier 2018, 18/00069 - fin de la rétention ;
    TGI de Mamoudzou, 21 janvier 2018, n° 18-80069
  • TA de Mayotte, 22 janvier 2018, n°1800070 - rejet du référé-liberté pour absence d’urgence.
    TA de Mayotte, 22 janvier 2018, 1800070

Ces deux affaires ont été portées conjointement en appel devant le conseil d’État.

  • CE, 8 février 2018, n° 417576-417671
    CE, 8 février 2018, n°417576-417671

Il a toutefois rejeté la demande de suspension, estimant que l’atteinte à la vie familiale et à l’intérêt de l’enfant n’étaient pas suffisamment établie.

« En se fondant sur la circonstance que M. [...] n’était plus placé en rétention administrative pour en déduire qu’il n’était plus soumis à un risque d’éloignement imminent et qu’ainsi, la condition d’urgence prévue par les dispositions précitées de l’article L. 531-2 du code de justice administrative n’était pas remplie, alors qu’un tel risque existait dès lors que les obligations de quitter le territoire dont il était l’objet conservaient un caractère exécutoire, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a commis une erreur de droit ».

Cependant la décision de rejet du référé-liberté n’est en l’espèce, selon le juge, entachée d’une illégalité manifeste ni au regard de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, ni à celui de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le rejet du référé-liberté est conformé.


Monsieur B. est venu, début 2017, à Mayotte accompagner sa mère très gravement malade dont plusieurs médecins et professionnels de la santé attestent de la nécessité de cet accompagnement.

  • Interpellation le 17 janvier 2018, 1800/70 - OQTF et rétention immédiates ;
  • TGI de Mamoudzou (JLD), 21 janvier 2018 - fin de la rétention ;
    TGI de Mamoudzou, 21 janvier 2018, 18/00070
  • TA de Mayotte, 22 janvier 2018, n° 1800071 - rejet du référé-liberté pour absence d’urgence.
    TA de Mayotte, 22 janvier 2010, n° 1800071

Le Conseil repend la jurisprudence précédente et, ici, reconnaît aue l’OQTF a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie familiale de l’intéressé. L’OQTF et l’IRTF qui l’accompagnait sont suspendues.

  • CE, 14 février 2018, n°417895
    CE, 14 février 2018, n° 417895
(PDF, 431.7 ko)
(PDF, 154.2 ko)
(PDF, 109.3 ko)
(PDF, 220.4 ko)
(PDF, 208.1 ko)
(PDF, 218.3 ko)

[retour en haut de page]

Dernier ajout : vendredi 9 mars 2018, 09:29
URL de cette page : www.gisti.org/article5852