Recours en annulation accompagné d’une QPC contre la création d’une zone de protection à Calais

La préfète du Pas-de-Calais a pris, le 23 octobre 2016, à l’occasion des opérations d’évacuation du site de la Lande de Calais, un arrêté portant création d’une zone de protection dans laquelle le séjour, la circulation et le stationnement des personnes étaient réglementés et subordonnées à l’obtention d’une accréditation, sur une période de deux semaines correspondant à la période d’évacuation du bidonville.

Deux associations locales, Le Réveil du Voyageur et La Cabane juridique, ont formé devant le tribunal administratif de Lille une requête en annulation contre cet arrêté, accompagné d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le Gisti et la Ligue des droits de l’Homme sont intervenus volontairement au soutien de la requête.

Il est reproché à l’autorité préfectorale d’avoir mis en place, dans le cadre de ses pouvoirs de police, un dispositif qui n’était ni nécessaire ni proportionné aux menaces alléguées pour l’ordre public, alors que l’opération d’évacuation projetée ne posait pas de difficultés particulière à cet égard. Or ce dispositif attentatoire à la liberté d’aller et venir a eu d’autres conséquences : des avocats se sont vu interdire l’accès au terrain, empêchant ainsi les habitants du bidonville d’obtenir une assistance juridique ; des membres d’association qui sollicitaient l’accréditation nécessaire pour accéder au bidonville, ont été fichés

Dans la mesure où l’arrêté contesté a été pris sur le fondement de la législation sur l’état d’urgence, les associations requérantes ont parallèlement déposé une QPC tendant à faire constater l’inconstitutionnalité de l’article 5, 2° de la loi du 3 avril 1955. Cet article autorise le préfet à « instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé », sans l’encadrer de garanties légales propres à assurer la protection constitutionnelle des libertés auxquelles ce dispositif est de nature à porter atteinte.

Par une ordonnance du 12 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a accepté de transmettre la QPC au Conseil d’Etat. Celui-ci, à son tour, a reconnu, par une décision du 6 octobre 2017, que la question soulevée avait un caractère sérieux au regard de la liberté d’aller et venir et a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la constitution du 2° de l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence.

Par une décision rendue le 11 janvier 2018, le Conseil constitutionnel a reconnu l’inconstitutionnalité de la disposition contestée.

La procédure a donc repris devant le tribunal administratif. Un mémoire déposé par la préfecture demande au juge de procéder à une « substitution de base légale » en faisant valoir qu’il aurait pu prendre l’arrêté dont la base légale a été invalidée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de ses pouvoirs de police généraux.

Dans le jugement rendu le 19 juillet 2018, le juge a refusé de procéder à la substitution de base légale demandée en faisant valoir que les pouvoirs conférés au préfet dans le cadre de l’état d’urgence ne sont pas de même nature que ceux qu’il détient en vertu de ses pouvoirs de police générale, lesquels ne lui auraient pas donné la possibilité de prendre les mesures contestées. Et dès lors qu’aucune autre disposition législative ou réglementaire ne pouvait fonder légalement l’arrêté attaqué, celui-ci se trouvait privé de base légale. L’annulation a donc été prononcée.

Saisine TA Lille zone de protection
Mémoire QPC zone de protection
Intervention volontaire du Gisti
Ord. TA Lille 12 juill. 2017
Intervention volontaire du Gisti devant le CE
Observations du Défenseur des droits devant le CE
CE, 6 octobre 2017
Conclusions du rapporteur public
TA Lille, 19 juillet 2018

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Dernier ajout : mardi 24 juillet 2018, 18:49
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