Mise en examen pour aide à la traversée de la Manche en canot pneumatique

Placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de parler « avec tous journalistes ».

Contexte - A défaut d’autres moyens, des migrants traversent la Manche là où passe l’un des courants les plus dangereux du monde pour rejoindre l’Angleterre

EXTRAIT
Le tunnel est devenu quasi infranchissable. La traversée en camion frise l’inabordable. Surtout, rien ne garantit, même si le chauffeur roule dans la combine, que l’aventure ne s’arrête pas net lors d’un des quatre contrôles effectués avant l’embarquement. Est-ce la conjugaison de toutes ces raisons ? La pression constante des réfugiés qui rêvent d’Angleterre comme d’autres ont rêvé d’Amérique et sont prêts à tout pour gagner ce pays où la carte d’identité n’existe pas et où trouver un travail n’est, dit-on, pas un problème ?

Les marins de Dunkerque et de Boulogne vous diront que c’est pure folie. Que même eux, professionnels de la mer, ne se risqueraient jamais, sur de telles embarcations, à croiser la route des supertankers et autres navires qui rejoignent les ports d’Anvers, de Rotterdam ou du Havre, quelques-uns des plus fréquentés au monde. Et pourtant, ces derniers mois, le canot pneumatique est devenu le nouveau moyen à la mode pour traverser la Manche. [...]


C’est une première : le tribunal de Boulogne-sur-Mer interdit à un soutien des réfugiés de parler à la presse. Et c’est illégal.
Infos StreetPress | |
28 Février 2017
par Tomas Statius et Alice Maruani

  • Matthieu [1] est un soutien actif des réfugiés. Dans le cadre de son contrôle judiciaire, un juge lui a interdit d’entrer en contact avec tous les journalistes. « C’est une atteinte à la liberté », s’indigne le président du syndicat des avocats de France.

Matthieu*, 42 ans, a décroché le gros lot. Mis en examen pour avoir aidé des amis migrants à traverser la Manche en canot pneumatique, ce soutien aux réfugiés, assez actif dans la jungle a écopé d’un contrôle judiciaire plutôt serré. En août dernier, il était arrêté à son domicile avant de passer devant un juge.

Interdiction de se rendre à Grande-Synthe ou à Coquelles (à quelques kilomètres de Calais) « sauf pour prendre l’autoroute », interdiction de contacter ses complices présumés… Mais il y a plus original : l’homme a l’interdiction formelle de parler avec « tous journalistes » (sic), précise noir sur blanc le document consulté par Street Press. Une première, à notre connaissance. Pas facile pour médiatiser son cas ! Selon nos informations, l’homme aurait déjà contesté la décision, sans succès. Difficile d’avoir des précisions… sans contacter l’intéressé.

  • Une décision illégale

Pour justifier ce placement sous contrôle judiciaire, le juge d’instruction, un ancien commissaire de police, invoque l’article 138 9° du code de procédure pénale, (link is external) précise l’ordonnance. Celui-ci encadre le contrôle judiciaire. « Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, on peut décider d’un certain nombre d’obligations, dont celui de ne pas rencontrer un groupe de personnes », décrypte Olivier Coudert, président du syndicat des avocats de France.

La décision ne peut concerner que des individus liés à la procédure. Dans ce cas-là, le parquet est obligé de motiver sa décision. Ce n’est pas le cas pour Matthieu. Son contrôle judiciaire serait donc illégal :

« C’est une atteinte à la liberté. On ne peut pas interdire de voir des journalistes comme ça. Il faut qu’il y ait un lien avec les faits reprochés. »

Même réaction du côté du Syndicat de la Magistrature, dans un style plus mesurée et un brin ironique :

« C’est une décision originale. On peut a minima s’interroger sur la raison de cette interdiction au regard de la loi. »

Et la magistrate de poursuivre :

« Éviter la publicité, ce n’est pas une raison qui peut justifier un contrôle judiciaire. »

  • Drôle d’ambiance au tribunal de Boulogne

Pour un avocat coutumier de ce type d’affaires, cette décision représente bien l’ambiance au Tribunal de Boulogne :

« Ils sont un peu spéciaux à Boulogne. Pour toute affaire qui concerne de près ou de loin des passeurs, on prend quadruple peine. »

Contacté par StreetPress, le parquet de Boulogne n’a pour l’instant pas souhaité répondre à nos questions.

Sous contrôle judiciaire pour avoir aidé des migrants, on lui interdit de parler à la presse
RTL, 2 mars 2017
par Léa Stassinet

L’homme placé sous contrôle judiciaire était très actif dans l’ancienne Jungle de Calais

C’est une première. Un Nordiste de 42 ans, placé sous contrôle judiciaire pour avoir aidé des migrants à traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre, a été interdit de contacter tous les journalistes, selon un document consulté par StreetPress. Plusieurs autres conditions sont mentionnées sur le document, comme l’interdiction de se rendre à Grande-Synthe ou à Coquelles, deux communes proches de Calais, ou encore l’interdiction de contacter ses complices présumés. Mais c’est bien une autre décision du juge d’instruction qui pose question.

Pour justifier le fait que le militant ne puisse pas parler à la presse, le magistrat se réfère à l’article 138 du code de procédure pénale [2]

Mais pour être valable, cette décision ne doit concerner que des personnes jugées en rapport avec l’enquête, ce qui n’est pas le cas des journalistes dans cette affaire, comme l’explique à StreetPress Olivier Coudert, le président du syndicat des avocats de France.

« C’est une atteinte à la liberté. On ne peut pas interdire de voir des journalistes comme ça. Il faut qu’il y ait un lien avec les faits reprochés ».


Notes

[1Le prénom a été modifié.

[2CPP, art.138 - Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine d’emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave. [....]
9° S’abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, qui encadre le contrôle judiciaire. Il y est mentionné qu’un juge peut imposer à la personne soumise au contrôle de "s’abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit.

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Dernier ajout : dimanche 5 mars 2017, 20:00
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