Article extrait du Plein droit n° 53-54, juin 2002
« Immigration : trente ans de combat par le droit »

« Le petit livre juridique des travailleurs immigrés »

En mars 1974, le Gisti publiait aux Editions Maspéro « Le petit livre juridique des travailleurs immigrés ». Se présentant avant tout comme une clarification de la législation en vigueur, ce guide se voulait aussi un instrument de lutte. Dans l’introduction – que nous reproduisons ici – le Gisti justifie cette utilisation militante du droit tout en en montrant les limites.

Cette brochure a pour but de clarifier la législation actuelle qui limite les droits au séjour et au travail des étrangers en France, de fournir une information pratique sur les règles en vigueur et l’application qui en est faite. A quoi peut servir cette clarification ?

1. Mieux analyser la situation juridique des travailleurs immigrés. Les informations contenues dans cette brochure font apparaître :

  • Comment les textes et l’utilisation qui en est faite cantonnent les immigrés dans un rôle de force de travail adaptable aux besoins de l’économie. L’immigré est un « intérimaire » qui vient remplir les vides de l’économie capitaliste, c’est-à-dire la plupart du temps les fonctions les plus pénibles.
  • Comment les textes et l’application qui en est faite cherchent à rendre la main-d’œuvre immigrée docile en la soumettant au bon vouloir des pouvoirs publics qui peuvent à leur gré refuser de renouveler les papiers, refouler, expulser les étrangers trop combatifs.
  • Comment la complexité des textes et les restrictions mises à leur application, par l’administration comme par le patronat, poussent en pratique les immigrés à travailler clandestinement.
  • Comment les multiples catégories et procédures introduites dans la réglementation, les pratiques discriminatoires qui placent les travailleurs étrangers à l’écart des travailleurs français, créent des causes de division de la classe ouvrière en France.

2. Utiliser les ressources du droit pour défendre des cas individuels et collectifs. Mais, quel est le sens de cette utilisation ? On peut utiliser la législation de trois manières :

    • a) Certains pensent que le droit est le même pour tous et qu’il fournit toutes les possibilités de défense. Ils font donc confiance aux moyens juridiques pour améliorer les situations qu’ils peuvent rencontrer. Telle n’est pas la position du Collectif d’alphabétisation et du Gisti. Nous constatons que le droit actuel est profondément inégalitaire, et qu’il est tout à fait insuffisant, même lorsque c’est possible de résoudre des cas concrets par les seuls moyens juridiques.
    • b) Certains pensent que, – parce que la législation traduit essentiellement le rapport de force favorable aux classes dominantes –, travailleurs et militants perdent leur temps à lutter si peu que ce soit sur ce terrain. Ils excluent donc toute analyse juridique et toute action en justice pour des cas individuels. Telle n’est pas non plus la position du Collectif alpha et du Gisti. Nous pensons que le droit actuel, si inégalitaire soit-il, est un terrain de lutte et qu’il offre des armes utiles, notamment en raison des contradictions internes des sociétés capitalistes.
    • c) Nous pensons que le droit n’est pas une « panacée » mais qu’il est une arme parmi d’autres. Sans illusion sur la portée des armes juridiques (qui est d’autant plus limitée que les droits des travailleurs sont plus réduits), nous pensons qu’il faut utiliser les ressources du droit pour en tirer, dans chaque cas, l’avantage « maximal ». Cependant, des actions « cas par cas » sont sans portée si elles ne s’insèrent pas dans une lutte collective.

3. Insérer les luttes individuelles dans une lutte collective. Résoudre des cas individuels n’est jamais inutile. Mais l’assistance sociale et les vœux humanitaires ne changent pas la condition des immigrés. Sans pouvoir faire ici une analyse complète de la situation des travailleurs étrangers en France, il nous semble clair que si les travailleurs immigrés se trouvent dans une situation « d’infra-droit », c’est à cause du pouvoir des classes dominantes ; c’est donc une lutte collective qu’il faut mener et les luttes individuelles n’ont de sens que si elles s’y insèrent, leur but étant, pour le moins, d’établir l’égalité des droits, politiques, économiques et sociaux de tous les travailleurs en France.



Article extrait du n°53-54

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Dernier ajout : mercredi 11 décembre 2019, 19:40
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