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Harcèlement policier des migrants à Calais constaté par le Défenseur des droits
L’insupportable déni du ministère de l’Intérieur

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La réponse du ministère de l’Intérieur à la décision du 13 novembre 2012 du Défenseur des droits sur le harcèlement policier et les violations de droits dont sont victimes les migrants de Calais depuis de nombreuses années, vient d’être rendue publique : quatre mois pour ça …

Le Défenseur des droits, au terme d’une enquête de plus d’un an, avait relevé :

  • des contrôles d’identité, des interpellations et des conduites au commissariat de Coquelles [siège de la PAF, à cinq ou six kilomètres de Calais, distance qu’il faut parcourir à pied pour revenir en ville] sur une même personne dans un délai rapproché ;
  • des interventions policières à proximité des lieux de repas et de soins ;
  • la conduite à Coquelles, dans des véhicules de police, de groupes parmi lesquels figurent des étrangers en situation régulière dont des demandeurs d’asile, ce qui constitue une atteinte à une liberté d’aller et venir ;
  • des visites répétées sur des lieux de vie, à toute heure du jour et de la nuit, ainsi que des comportements policiers individuels de provocations ou d’humiliations des migrants ;
  • des destructions de dons humanitaires et d’effets personnels ;
  • des expulsions de migrants de leurs abris hors de tout cadre juridique.

Ce harcèlement permanent, mis en œuvre depuis la destruction du camp de Sangatte en 2002 relève, à la lecture de la réponse du ministère de l’Intérieur, du fantasme de quelques- uns, voire de la calomnie : « Les faits évoqués dans votre décision, objecte-t-il, reposent essentiellement sur des déclarations de responsables d’associations rapportant des propos non vérifiables et concernant des faits anciens qu’aucun élément objectif ne peut soutenir aujourd’hui. Seule une minorité des organisations associées à la saisine sont d’ailleurs effectivement présentes et actives auprès des migrants dans le Calaisis ».

Le ministère de l’Intérieur serait même particulièrement attaché « au respect de la loi par les agents placés sous son autorité », « à l’exécution des décisions de justice » et spécialement attentif « à la qualité des relations entre les forces de l’ordre et la population » ; et d’ailleurs, désormais, « les services de police invitent les associations à se joindre aux opérations d’expulsion pour assister les migrants ».

Ainsi, non seulement l’enquête menée par les services du Défenseur des droits serait insignifiante, voire partiale, mais la vingtaine d’organisations à l’origine de la saisine du Défenseur des droits en juin 2011 seraient coupables de dénonciations mensongères ? Comme le seraient aussi probablement le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe [1], les auteurs des rapports circonstanciés de la Coordination nationale du droit d’asile (CFDA) [2], du réseau Migreurop [3], ou encore ceux ayant réalisé l’enquête commune du Réseau Euro-Méditerranéen pour les Droits de l’Homme en collaboration avec l’Association européenne pour la défense des droits de l’homme (AEDH), la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et le Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM) [4] ?

A moins que, principalement soucieux de lutter « avec efficacité » contre l’immigration irrégulière et d’empêcher « la reconstitution dans le Calaisis de squats et de campements sauvages », le ministre de l’Intérieur - allant jusqu’à oser suggérer que les étrangers seraient eux-mêmes responsables des dérives constatées, tels ces contrôles d’identité à répétition qui ne seraient que la conséquence de leurs déplacements incessants dans une même journée ! – n’ait choisi de ne pas voir et de nier une réalité inacceptable.

Le rapport du Défenseur des droits, accablant pour les forces de police, méritait mieux qu’un simulacre d’enquête de l’IGPN et les réponses indigentes d’un directeur de cabinet.

La situation de ces migrants, qui ne sont là que parce qu’ils fuient guerre et insécurité dans leur pays et viennent à la recherche d’une protection, mérite mieux que quelques aménagements humanitaires de pure apparence.

Quelques réunions ou un code de déontologie qui peine à voir le jour ne mettront pas un terme aux dérives policières dans le Calaisis. Un ministre d’État se serait honoré de tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur les agissements dénoncés par le Défenseur des droits et faire primer, en toutes circonstances, les valeurs de notre démocratie.

Le 12 avril 2013

Organisations signataires :

  • Association européenne pour la défense des droits de l’homme (AEDH)
  • Auberge des migrants (Calais)
  • Calais Migrant Solidarity
  • Collectif de soutien des exilés Paris
  • Fédération des associations de solidarité avec les travailleur·euse·s immigré·e·s
  • Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH)
  • Fraternité Migrants bassin Minier 62
  • Groupe Accueil et Solidarité (GAS)
  • Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s (GISTI)
  • Itinérance Cherbourg
  • Ligue des droits de l’homme (LDH)
  • Marmite aux idées (Calais)
  • Migreurop
  • Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
  • Réseau euro-méditerranéen pour les droits de l’homme (REMDH)
  • Salam Nord/Pas-de-Calais
  • Syndicat de la magistrature (SM)
  • Terre d’errance Norrent-Fontes
  • Terre d’Errance Steenvoorde
Décision du défenseur des droits, 13/11/2012
Réponse du ministère de l’Intérieur, 06/03/2013

[1Thomas Hammarberg, lettre à Eric Besson du 3 août 2010.

[2CFDA, La loi des « jungles », 2008

[3Migreurop, « Calais et le Nord de la France : Zone d’errance, porte de l’Angleterre » in Les frontières assassines de l’Europe, octobre 2009

Voir notre dossier « Jungles, campements et camps d’exilés en France »

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Dernier ajout : jeudi 1er février 2024, 16:34
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