Sur le statut de réfugié lié à l’appartenance à un groupe social de certaines victimes de traite
Un retournement de la jurisprudence de la CNDA en 2011 et 2012 ?
Jusqu’à 2012 la référence en droit français relève de la décision suivante :
- CE, 23 juin 1997, Ourbih, n°171858
« La Commission des recours des réfugiés n’a pas légalement justifié sa décision en estimant que les craintes de persécutions alléguées par le requérant en raison de sa transsexualité ne pouvaient être rattachées à l’appartenance à un groupe social au sens des stipulations de l’article 1er A 2 de la convention de Genève, sans rechercher si les éléments qui lui étaient soumis sur la situation des transsexuels en Algérie permettaient de regarder ces derniers comme constituant un groupe dont les membres seraient, en raison des caractéristiques communes qui les définissent aux yeux des autorités et de la société algériennes, susceptibles d’être exposés à des persécutions. »
En 2012, le HCR critique explicitement cette position et se fonde sur des décisions prises par la CNDA en 2011 et 2012 pour espérer une évolution de la jurisprudence française.
Reconnaissances du statut de réfugié
-* CNDA, 12 juillet 2012, n°11026228
« Les femmes victimes d’un réseau de prostitution en Ukraine parvenues
à s’en échapper doivent être regardées, du fait de cette expérience qui leur est commune et de l’opprobre dont elles font ensuite aujourd’hui l’objet de la part de la société sans pouvoir, dans le contexte actuel prévalant dans ce pays, espérer une action efficace de la part des autorités, comme
appartenant à un groupe social au sens des stipulations précitées de l’article 1 A 2 de la Convention de Genève »
-* CNDA, 15 mars 2012, n° 11017758
« Considérant que la soumission de femmes à la prostitution contre leur gré constitue une persécution au sens de l’article 1A 2 de la Convention de Genève ; que les femmes victimes d’un réseau de prostitution au Kosovo parvenues à s’en échapper doivent être regardées, du fait de cette expérience qui leur est commune de l’oppobre dont elles font ensuite aujourd’hui l’objet de la part de la société sans pouvoir, dans le contexte sécuritaire actuel prévalant dans ce pays, espérer une action efficace de la part des autorités, comme appartenant à un groupe social au sens des stipulations précitées de l’article 1A 2 de la Convention de Genève dont les membres peuvent craindre avec raison d’être exposés à un risque de persécution en cas de retour au Kosovo du fait de son appartenance au groupe social, qui peut maintenant être dans ce pays, des femmes qui ont été contrainte de s’y prostituer et qui sont parvenues à échapper à leurs proxénètes. »
-* CNDA, 29 avril 2011, n° 10012810
« Considérant […] que le caractère systématique de ce défaut de protection dans ledit état d’Edo ne doit pas être seulement être regardé comme un risque de traitement inhumain et dégradant au sens des dispositions de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, mais, s’agissant des prostituées qui sont originaires de cet état et dont il résulte de l’instruction [...] qu’elles sont à la fois victimes du trafic d’êtres humains susanalysé et désireuses de s’en extraire de manière active, que ces femmes constituent ainsi un groupe dont les membres sont, en raison de ces deux caractéristiques communes qui les définissent, susceptibles d’être exposées à des persécutions au sens des stipulations précitées de l’article 1 A 2 de la convention de Genève, sans pouvoir se réclamer de la protection des autorités du Nigeria, en raison notamment des nombreux intermédiaires impliqués à des niveaux divers dans le trafic dont elles ont été victimes et qui s’y trouvent par ailleurs directement intéressés,
[…] qu’il suit de là que Mlle […], qui établit être originaire de l’Etat nigérian d’Edo et avoir voulu rompre avec le réseau de trafic d’êtres humains susmentionné, doit être regardée comme appartenant à un certain groupe social au sens des mêmes stipulations dudit article 1A 2 de ladite convention de Genève et par suite, craindre avec raison, au sens desdites stipulations précitées de la convention de Genève, d’être persécutée en cas de retour dans son pays ; que, dès lors, elle est fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée ; »
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