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« Salauds de préfets » ?

Désavoué publiquement par le président de la République, le préfet de la région Centre, Bernard Fragneau, a présenté sa démission au chef de l’Etat. Le 20 février, il avait expulsé Najlae Lhimer, Marocaine de 18 ans qui s’était présentée, le visage tuméfié et le corps couvert d’ecchymoses, à la gendarmerie de Châteaurenard pour porter plainte contre les violences de son frère aîné. C’était l’application stricte des consignes de M. Sarkozy qui fixe à chaque préfet, à l’unité près, sa quantité annuelle d’étrangers à expulser. La décision du préfet d’Orléans a été successivement approuvée par M. Supplisson, adjoint au maire de Montargis, conseiller régional et directeur-adjoint du cabinet de M. Besson, avec beaucoup d’élégance par Madame Morano, ministre en charge de la condition féminine, lors du débat sur les violences faites aux femmes à l’Assemblée nationale et, avec sa classe habituelle, par le ministre Besson dans Le Monde.

Pourtant, le 8 mars, inquiet de la vague de protestations suscitée par cette décision implacable, le président de la République annonçait autoriser le retour de Najlae, un camouflet public infligé au préfet Fragneau et aux ministres Morano et Besson. A la différence des ministres concernés et de quelques autres, M. Fragneau en a tiré les conséquences.

Cette affaire dépasse, et de loin, les problèmes d’amour propre blessé du préfet de la région Centre. Elle est l’illustration de la politique imposée par M. Sarkozy non seulement aux préfets mais à toute la partie de la machine étatique impliquée dans la chasse aux immigrés sans papiers : OFII, police, gendarmerie, administration préfectorale. Placement de nourrissons en rétention, arrestation de familles entières, démembrement de familles par l’expulsion d’un père ou d’une mère, enquêtes policières sur la vie intime des couples mixtes, interpellation et bannissement de tout jeunes gens ou de travailleurs, le gouvernement impose aux préfets et à l’administration des objectifs aux conséquences inhumaines pour tenter de séduire l’électorat d’extrême-droite. En vain d’ailleurs, tant il semble vérifié que même en matière d’horreurs, l’électeur lepéniste préfère l’original à la copie.

Mais, dès lors que les affaires sont médiatisées, que l’opinion découvre avec effarement ce que signifient les discours sur « l’application humaine » d’une « politique de maîtrise de l’immigration », le président de la République bat en retraite. Il fait mine de découvrir le problème… et rend les préfets responsables de ce qu’il a lui-même organisé. « Salauds de préfets », dit-il, en quelque sorte !

La question est dès lors posée de savoir jusqu’où les préfets, les policiers, les gendarmes, les services préfectoraux, etc, accepteront des missions que le président reconnaît lui-même inhumaines… quand ça l’arrange.

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Orléans, laboratoire des horreurs de la République ?

Outre la démission de son préfet, la région Centre présente la particularité de sembler le laboratoire de la politique migratoire de M. Sarkozy, d’abord comme ministre de l’Intérieur puis comme président de la République. En ce domaine, le chef d’orchestre à Orléans semble être le secrétaire général, M. Bergue, à ce poste depuis 2004, sous quatre préfets différents.

De nombreuses innovations ultérieurement reprises partout en France paraissent avoir été prises à son initiative : refus de dépôt de demande d’asile, refus au guichet, expulsion avant tribunal administratif, procédure collective de traitement de dossiers, refus de régularisation contre l’avis du tribunal, placement de nourrisson en rétention, laissez-passer établis par les services préfectoraux, démembrement de familles par l’expulsion d’un père ou d’une mère, non respect des doits des femmes victimes de violence conjugales ou familiales… Le secrétaire général est un chercheur, une sorte d’intellectuel !

28 mars 2010

Vous pouvez retrouver ce communiqué sur le site
https://reseau-resf.fr

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Dernier ajout : lundi 29 mars 2010, 15:23
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