action collective
Mort d’un enfant de 3 mois : Le ministère de l’Intérieur et ses politiques de dématérialisation responsable
Dans la nuit du 3 au 4 novembre 2023, Fanta, 3 mois, est décédée suite à une intoxication au monoxyde de carbone. La veille, sa mère, privée depuis presque un an par la politique de dématérialisation des procédures administratives et par la Préfecture du Nord de son droit au travail et de ses droits sociaux, avait tenté de réchauffer leur appartement privé d’électricité, avec un brasero de fortune, conduisant au drame. Une marche blanche le 3 février 2024 à 14h devant la Préfecture du Nord, 12 rue Jean Sans Peur à Lille, appelle à rendre hommage à ce bébé, victime de la non-impression d’un bout de papier.
Il est des coupables qui viennent de loin et qui n’ont pas toujours de visage, ni même d’arme pour tuer. Ici, la plateforme de dématérialisation ANEF, gérée par le ministère de l’Intérieur, et la Préfecture du Nord ont mis plus d’un an à fournir à Fatima, 26 ans, sa carte de résidente de réfugiée, indispensable pour circuler, travailler et bénéficier des droits sociaux reconnus aux personnes réfugiées. Un an à faire la sourde oreille aux interpellations de tous les travailleurs sociaux, un an à se renvoyer la balle, jusqu’à conduire Fatima à une précarité extrême telle que sa fille Fanta, âgée d’à peine 3 mois, n’y survivra pas.
Comment en est-on arrivé là ?
Le 28 juillet 2022, Fatima dépose une demande de carte de résident, soit une carte d’une durée de dix ans, devant être légalement délivrée dans les trois mois qui suivent la demande par la personne reconnue réfugiée. Cette demande se fait désormais par la plateforme dématérialisée ANEF dépendante du ministère de l’intérieur, qui dysfonctionne notoirement. Il y est mis à disposition de Fatima, une attestation de dépôt, valable jusqu’en janvier 2023, qui justifie de son séjour régulier sur le territoire, lui ouvrant le droit au travail et aux prestations sociales. En février 2023, en l’absence de délivrance de sa carte de résidence, elle en sollicite le renouvellement. Aucun retour ne lui est fait. Le RSA et les allocations familiales ne lui sont plus versées. Se constituent une dette locative et une dette auprès d’EDF. Fatima vit seule avec ses deux fils, âgés de quatre et deux ans. Elle est enceinte. Deux jours après la naissance de sa fille, le 31 juillet 2023, l’électricité lui est drastiquement réduite.
Sans ressources, Fatima est contrainte de mendier. Ce n’est que suite à un recours au Tribunal administratif en octobre, qu’une attestation lui est enfin délivrée. Elle lui permet de récupérer une partie de ses droits sociaux.
La décision intervient néanmoins trop tard. Fatima tente de résorber sa dette, sans succès. La veille du drame, elle appelle EDF, explique sa situation. Le service clients lui assure que le courant va être remis dans la soirée, au vu du froid. Cela ne viendra jamais. Dans la nuit du 3 au 4 novembre 2°23, le froid se faisant mordant, Fatima, inquiète de l’usage de charbon en intérieur, se voit pourtant contrainte d’y recourir. A cinq heures, elle se réveille prise de vertiges. Son nourrisson a largement vomi et ne répond pas. Elle appelle les urgences. Les secours arrivent et ne parviendront pas à réanimer le nourrisson. Fanta est enterrée trois jours plus tard, au cimetière d’Armentières. « À ma connaissance, c’est la première fois que la dématérialisation des demandes de titre de séjour tue », s’exclame l’avocate de la famille Me Fortunato. Toutefois, face à l’incurie de la Préfecture, de plus en plus désengagée vis à vis des usagers avec la dématérialisation, il est à craindre que ce drame en appelle d’autres.
Pour rendre hommage à Fanta, et protester contre une dématérialisation des services publics qui prive les personnes de leurs droits, Fatima épaulée par le collectif “Justice Pour Fanta” appelle à arche blanche le 3 février à 14 heures devant la Préfecture de Lille, avec un habillement noir et une peluche. Une conférence de presse se tiendra le mardi 30 janvier 2024 à 14 heures à la Bourse du Travail, 254, Bd de l’Usine à Lille, pour évoquer ce drame et ses racines systémiques.
Signataires :
- APU Fives,
- APU Moulins,
- APU Vieux-Lille,
- Avocats pour la Défense des Droits des Étrangers (ADDE),
- Chez Violette,
- La Cimade Hauts de France,
- Collectif Galois,
- Le Comité des sans papiers 59,
- Groupe d’Information et de Soutien des Immigré⋅es (GISTI),
- Ligue des Droits de l’Homme (LDH),
- Secours Catholique,
- SOLIPAM,
- Syndicat des Avocats de France,
- UD CGT 59,
- Utopia 56.
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