Plainte à la Commission européenne sur le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures

La plainte adressée à la Commission européenne par l’Anafé et le Gisti met en cause, d’une part, la décision – contraire au droit de l’Union – du Gouvernement français de prolonger du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019 le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures terrestres avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Confédération Suisse, l’Italie et l’Espagne, ainsi qu’aux frontières aériennes et maritimes et, d’autre part, la décision du Conseil d’État du 28 décembre 2017 refusant de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle portant sur la conformité de cette décision de rétablissement au règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes et aux articles 18 et 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Déposée initialement le 3 décembre 2018, la plainte a été étayée par plusieurs courriers adressés à la commission, successivement le 22 novembre 2019, le 18 décembre 2020, le 6 mai 2022, le 16 janvier 2023, le 19 avril 2024.

Dans leur courrier du 16 janvier 2023, les associations font valoir :

  • que depuis le dépôt de la plainte initiale, les autorités françaises ont persisté dans leurs pratiques contraires au droit de l’Union,
  • que le gouvernement français a une nouvelle fois prolongé le contrôle à ses frontières intérieures malgré l’arrêt rendu par la CJUE le 26 avril 2022, (affaires jointes C-368/20 Landespolizeidirektion Steiermark et C-369/20 Bezirkshauptmannschaft Leibnitz) ;
  • que le Conseil d’État a de nouveau, par deux décisions rendues le 16 octobre 2019 et le 27 juillet 2022 rejeté leurs requêtes visant à l’annulation des décisions du Premier ministre de prolonger la réintroduction temporaire des contrôles à l’ensemble des frontières intérieures de la zone Schengen du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019 et du 1er mai 2022 au 31 octobre 2022.

Dans leur courrier du 19 avril 2024, les associations rappellent les éléments nouveaux survenus depuis le dernier courrier qu’elles ont adressé à la Commission :

  • les autorités françaises ont persisté dans leurs pratiques contraires au droit de l’Union, en prolongeant, à deux reprises, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures ;
  • la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 21 septembre 2023, a jugé que lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut notifier une décision de refus d’entrée à une personne qui se présente à un point de passage frontalier autorisé (PPA), même si ce PPA est situé sur son territoire « pour autant que », dans ce cas, la directive « Retour » soit appliquée à cette personne « en vue de son éloignement » ;
  • le Conseil d’État, dans un arrêt du 2 février 2024, a tiré les conséquences de la décision de la CJUE du 21 septembre 2023 en annulant l’article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui permettait d’opposer des refus d’entrée en toutes circonstances et sans aucune distinction en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Il a par ailleurs constaté que, dans le cas où l’administration souhaitait priver de liberté une personne contrôlée à un point de passage frontalier autorisé, les dispositions du Ceseda relatives à la retenue et à la rétention, qui ont transposé la directive Retour et les garanties qu’elle prévoit devaient être appliquées.

En dépit de ces clarifications, les associations constatent la poursuite des violations du droit de l’Union européenne qui se manifestent notamment par :

  • le rétablissement permanent des contrôles aux frontières intérieures ;
  • des irrégularités de procédure et des manquements quant aux obligations de notification et de publicité du rétablissement des contrôlés aux frontières intérieures par la France ;
  • le non-respect de la directive Retour [2008/115] lors des contrôles effectués dans le cadre du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures.

Ce n’est que par un courrier du 15 mai 2024 que la Commission s’est enfin résolue à répondre à la plainte déposée en 2018. Dans ce courrier, elle insiste sur ses efforts pour inciter les Etats membres à maintenir la liberté de circulation. Elle relève au passage que la dernière décision en date de la France rétablissant des contrôles aux frontières répond bien à une nouvelle menace et affirme - de façon encore plus surprenante - qu’au demeurant la liberté de circulation ne bénéficie pas aux migrants en situation irrégulière. Elle termine en observant qu’en tout état de cause la réforme du code des frontières Schengen résoudra les cas litigieux.

Plainte en manquement devant la Commission
Courrier 22 novembre 2019
Courrier 18 décembre 2020
Courrier 6 mai 2022
Courrier 16 janvier 2023
Courrier 19 avril 2024
Courrier de la Commission du 15 mai 2024

[retour en haut de page]

Dernier ajout : jeudi 19 septembre 2024, 12:09
URL de cette page : www.gisti.org/article6952