Article extrait du Plein droit n° 17, avril 1992
« Immigrés sans toits ni droits »

Un an de loi Besson

La Direction de la construction a dressé un premier bilan de la mise en oeuvre de la loi Besson, un an après sa publication.

Ce premier bilan fait ressortir une forte mobilisation des partenaires locaux : conseils généraux, organismes HLM, services de l’Etat. Les autres partenaires — communes, bailleurs publics ou privés, collecteurs du 1% logement, caisses d’allocations familiales, travailleurs sociaux institutionnels, associations — ont été très inégalement associés selon les départements.

A ce jour, la plupart des plans départementaux ont été signés. Les actions les plus fréquentes concernent le développement d’une offre adaptée de logement dans le parc locatif public. Plus généralement, beaucoup de plans départementaux se présentent comme des catalogues d’actions, sans que le lien entr’elles soit établi. Dans un nombre important de plans, la phase de détermination des besoins locaux et de définition des populations cibles n’a été que très peu développée. Il s’agit pourtant de la phase déterminante préalable à l’élaboration des plans.

Et les immigrés ?

Seuls deux plans départementaux ont abordé les problèmes spécifiques d’accès au logement des personnes issues de l’immigration ou originaires d’outre-mer et ont prévu des mesures spécifiques à destination de ces personnes ; il s’agit des plans départementaux des départements du Nord, avec des mesures diverses, et du- Doubs. Les plans des départements confrontés aux plus importantes difficultés de logement de ces populations, tels les départements de la région Ile-de-France ou Provence-Alpes- Côte-d’Azur, ne contiennent aucune mesure spécifique.

Dans le Nord, l’Etat et le département ont entrepris une étude destinée à mieux identifier les besoins. Elle a révélé des « difficultés accentuées pour les personnes issues de l’immigration (…), des contraintes d’accès au logement souvent redoublées, sans raison objective ». Afin de développer l’offre de logement, les communautés urbaines de Lille et de Dunkerque engagées avec l’Etat dans un contrat d’agglomération (1), participent dans ce cadre aux opérations de logement destinées aux plus défavorisés.

Au titre du 1/9ème, fraction de la contribution des employeurs à l’effort de construction réservée par priorité « au logement des travailleurs étrangers et de leurs familles ainsi qu’aux populations démunies ou ayant des problèmes d’insertion sociale  », il est prévu une hausse importante des crédits destinés aux opérations de développement des offres de logement.

Le Fonds de solidarité pour le logement (FSL-Nord) a inscrit parmi ses ambitions de « contribuer à la politique d’intégration des familles issues de l’immigration ». Ses modalités d’intervention sont constituées d’aides au maintien dans les lieux de ménages en situation d’impayés, d’aides pour l’accès au logement, de mesures d’accompagnement social.

Tous les plans départementaux comportent des dispositions relatives aux gens du voyage ; mais il s’agit là d’une obligation légale prévue par la loi Besson (cf. article précédent ).

Non-engagement

Si la mobilisation a été exceptionnelle de la part des services de l’Etat, il n’en est pas de m me pour les associations. Elles ont été très inégalement associées à l’élaboration des plans. On relève surtout la présence des associations « institutionnelles », telles les unions départementales des associations familiales (UDAF), les foyers de jeunes travailleurs (FJT)… C’est surtout dans les départements où une tradition partenariale locale existe déjà que les associations ont été le plus associées à l’élaboration des plans. Ailleurs, la faible participation des associations a eu des effets immédiats : l’insuffisante connaissance des besoins en logement des populations défavorisées, connaissance dont les associations sont en partie détentrices.

Les POPS

Les POPS visent à un meilleur accès au logement social des populations défavorisées. Un département sur deux a engagé des négociations en vue de la conclusion d’un protocole.

Jusqu’à présent, peu de concertations ont abouti. La plupart des démarches en cours portent sur une seule commune ; le bilan de la Direction de la construction note que « cette échelle géographique n’est généralement pas la plus pertinente pour mettre en oeuvre les objectifs du POPS (…). Il ne peut remplir entièrement son rôle d’accueil des personnes défavorisées et d’équilibre sociologique des quartiers, et devient une démarche d’exclusion menée par une commune ». Le bilan préconise un engagement des négociations au niveau intercommunal, le cadre choisi devant tre caractérisé par une « diversité d’habitat » suffisante.

A Paris, le POPS a été signé en janvier 1991. L’objectif fixé est de réserver 10% du flux total des logements sociaux aux populations défavorisées.

La population éligible est déterminée selon les critères suivants : il s’agit des personnes et familles sans aucun logement ou menacées d’expulsion sans relogement ou logées dans des taudis, des habitations insalubres, précaires ou de fortune, dont les ressources sont inférieures à un certain plafond et qui sont inscrites au fichier des demandeurs de logement prioritaires de Paris. Sont exclues les personnes entrées par voie de fait dans des logements vacants et y vivant. Il est exigé que les bénéficiaires se trouvent soit en insertion socio-professionnelle, soit, s’ils sont salariés, dans un statut professionnel fragile. Il est également exigé une durée de résidence effective d’au moins un an à Paris, la commission pouvant décider de réduire cette durée.

Il est précisé d’une part, qu’« aucune distinction n’est faite entre les Français et les étrangers en situation régulière… », d’autre part que les organismes s’engagent à n’effectuer « aucune discrimination sur la base de l’état de santé, de la nationalité ou de l’origine des candidats  ».

La question du logement des immigrés se situe pleinement dans le cadre de la politique d’intégration.

Le passage d’une immigration de main d’oeuvre à une immigration familiale a fait passer au premier plan des préoccupations la question du logement (2). La loi Besson apporte quelques outils devant permettre de mieux cerner les difficultés, de mettre en place un logement adapté à partir des besoins des personnes, de favoriser la rencontre de tous les acteurs locaux qui interviennent en ce domaine. Est-ce suffisant ? Le premier bilan de la loi n’est pas très encourageant. Le dialogue et le partenariat au niveau local sont difficiles sur ces questions. Ces premiers résultats ne peuvent manquer de faire ressurgir la question de la nécessité d’une politique du logement spécifique en faveur des populations immigrées.


(1) Mis en oeuvre depuis 1982, les contrats d’agglomération ont pour vocation de promouvoir des programmes locaux d’intégration des immigrés dans la cité. Ils favorisent notamment l’adaptation des services de droit commun aux besoins spécifiques des communautés immigrées et tendent à améliorer la participation des immigrés à la vie locale. Les actions relatives au logement sont en plein développement, telles les actions favorisant l’accès au logement des familles en difficulté, les actions de formation des personnels des organismes HLM.

(2) Voir sur ce thème, le rapport Hessel, Immigration : le devoir d’insertion. Analyses et annexes, La documentation française, 1987.



Article extrait du n°17

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Dernier ajout : lundi 24 mars 2014, 15:27
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