Hors-collections
Rapport de mission d’observation mai-juillet 2008
La loi des « jungles » : La situation des exilés sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord
CFDA
Contrairement à l’annonce de Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, la fermeture du camp de Sangatte et sa destruction en décembre 2002 sont loin d’avoir réglé le problème des exilés [1] en transit pour l’Angleterre [2]. La ville de Calais continue en effet de voir arriver chaque jour des exilés qui cherchent un refuge en remontant toujours un peu plus vers le nord après un passage par d’autres Etats européens. En outre, Calais n’est plus la seule escale du Nord-Ouest de la France : des exilés sont aujourd’hui présents dans les différents ports assurant des liaisons maritimes, ainsi qu’à proximité de diverses stations-service ou aires d’autoroutes fréquentées par les camions qui se rendent en l’Angleterre.
La multiplication des campements informels sur l’ensemble des régions littorales de la Manche et de la Mer du Nord constitue l’une des principales conséquences de la fermeture du camp de Sangatte et du durcissement des contrôles migratoires qui l’ont suivie. Les exilés qui y vivent sont confrontés à différentes formes de mise à l’écart, à des conditions matérielles déplorables et à des contrôles répétés par les forces de police. Cette dispersion rend le phénomène moins visible, ce qui a permis aux pouvoirs publics de laisser croire que ces étrangers avaient peu ou prou disparu et que la question était pour l’essentiel réglée. Ainsi, l’Etat français affirme, contre toute évidence, que le problème est beaucoup moins important depuis la fermeture du camp de Sangatte. Or, tant que l’existence des exilés restera niée ou masquée, les responsables politiques continueront à se dispenser d’identifier les causes de leur venue, de leur errance, de leur précarité et de s’exonérer de toute recherche de solution.
L’invisibilité des exilés a plusieurs effets regrettables. D’abord, elle relègue à une indigence à durée indéterminée des milliers de femmes et d’hommes – jeunes pour la plupart – qui sont ainsi confinés dans une impasse. La négation de leur existence globale conduit les pouvoirs publics à ne pas les protéger, à ne pas les prendre en charge alors que des lois nationales et des conventions internationales leur garantissent des droits. Enfin, elle a pour conséquence politique d’empêcher tout bilan relatif aux effets d’une réglementation européenne qui crée l’errance sans fin de milliers d’êtres humains. Elle exonère les Etats européens d’avoir à s’interroger sur la pertinence de cette réglementation et sur l’opportunité de la réformer.
C’est dans ce contexte de cécité institutionnelle que la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) a décidé de mener cette étude. Parce que les pouvoirs publics font semblant de ne rien voir, il est apparu impératif à la CFDA de pointer du doigt, pour la sortir de son invisibilité, une situation qui dure depuis 6 ans déjà – pour ne remonter qu’à la fermeture du camp de Sangatte. La parution de ce rapport intervient à un moment où la France préside l’Union européenne et cumule une double responsabilité qui devrait lui permettre de poser et régler enfin un problème français et européen.
Septembre 2008,
CFDA,
156 pages
Glossaire
Préambule
Problématique
Objectif
Méthode
Les différentes missions sur le terrain
La place particulière de Calais
Plan
Sortir de l’impasse ?
PREMIERE PARTIE : L’ULTIME FRONTIERE DE L’ESPACE SCHENGEN
I. Des premières tensions migratoires à la fermeture du camp de Sangatte
1. Le temps des terminaux portuaires
2. Le temps des structures d’accueil et des premiers camps éphémères
3. L’épisode du camp de Sangatte
II. Les conventions internationales relatives à la frontière transmanche
1. Accords entre la Grande-Bretagne et les pays voisins de l’espace Schengen : le protocole de Sangatte et le traité du Touquet
2. Accords mis en place dans le cadre de l’Union européenne : le règlement Dublin II ou le Code Schengen des frontières
DEUXIÈME PARTIE : POUR LES EXILES EN ERRANCE
I. Une population en transit
1. Les nationalités en présence
2. Les raisons du départ : esquisse d’une typologie
II. Pourquoi l’Angleterre ?
III. Les indésirables : parcours d’errance migratoire
1. Les exilés et le règlement européen de « Dublin »
2. Les exilés qui reviennent après avoir été expulsés dans leur pays d’origine
3. L’enfermement
IV. Les campements : la multiplication de lieux de passage et de transit
1. L’invisibilité des lieux
2. La spirale des camps « éphémères »
3. Les conditions de vie inhumaines dans les campements
4. Les violences policières
TROISIÈME PARTIE : CALAIS FINISTÈRE
I. Des moyens pour contrôler : la sécurisation du port de Calais
1. Le système de sécurité de la zone d’embarquement du port de Calais : empêcher en amont les infiltrations dans les camions
2. Le contrôle des camions : les différents postes de contrôle pour débusquer les exilés
3. Le personnel du port et les arrestations
II. Des moyens pour interpeller
1. Le tournant de la fermeture du camp de Sangatte : interpellations et harcèlements
2. Les interpellations aujourd’hui
3. L’issue des interpellations
III. Des moyens pour éloigner
1. Le centre de rétention administrative de Coquelles Les différentes catégories d’exilés à Coquelles
2. Le Tribunal de grande instance et le juge des libertés et de la détention
IV. Les retours « volontaires »
1. De quoi s’agit-il ?
2. Typologie des candidats au retour dans la région Nord-Pas-de-Calais
3. Les nombreux moyens mis en oeuvre
4. Les spécificités calaisiennes
V. Hébergement, santé, protection des mineurs, asile : les droits bafoués des exilés du Calaisis
1. Les structures d’hébergement d’urgence n’accueillent pas les exilés
2. La Permanence d’accès aux soins de santé (Pass) : un dispositif indispensable mais fragile
3. L’accueil des mineurs isolés
4. Asile : le Calaisis, une terre de refuge ?
VI. L’humanitaire, faute de droit
1. Les associations et leurs actions
2. Des moyens dérisoires
3. Le manque de soutien des autorités
4. La criminalisation de l’aide aux exilés
5. L’épuisement
QUATRIEME PARTIE : DE CHERBOURG A ZEEBRUGGE EN PASSANT PAR PARIS, L’INVISIBILITE
1. Délocalisation et multiplication des contrôles
2. Divers niveaux de dissuasion
3. L’invisibilité
4. Des difficultés similaires et récurrentes rencontrées par les exilés
5. Typologie
Caen / Ouistreham
Roscoff
Saint-Malo
La côte belge
1. Des actions de « dissuasion » qui rendent les exilés invisibles
2. Profils et trajectoires d’exilés
3. Les interceptions d’exilés par la police maritime au port de Zeebrugge
4. Les mineurs isolés non accompagnés
5. Quelques chiffres relatifs aux arrestations des exilés
Dieppe
1. Les premières mesures de dissuasion
2. Multiplication des mesures de fermeté depuis 2007
3. L’assistance aux exilés
4. Les campements d’exilés
Norrent-Fontes
1. Situation
2. Terre d’errance
3. Le campement des exilés aujourd’hui
4. Les premiers campements : des rapports tendus avec les forces de l’ordre
5. Les relations avec les forces de l’ordre aujourd’hui
6. Les relations avec les habitants
7. L’organisation interne des exilés sur le campement : il y a passeurs et passeurs
Cherbourg-Octeville
1. Les exilés de Cherbourg
2. La présence associative
3. Demandes d’asile
4. Difficile protection contre les violences, qu’elles émanent de passeurs ou de la police
La région de Dunkerque
1. Les exilés du campement de Loon-Plage
2. Les exilés du campement de Grande-Synthe
3. Les forces de l’ordre à Loon-Plage et à Grande-Synthe
4. Les associations de Loon-Plage et de Grande-Synthe
5. Les autorités
6. Les douches
7. La santé
8. Intimidation des bénévoles
9. Les relations avec les habitants
Paris, banlieue de Calais ?
1. Un lieu d’orientation et parfois de repos
2. Mineurs et très jeunes isolés souvent en difficulté
3. Entre peur d’un « appel d’air » et recherche d’invisibilité
L’existence est un droit
Recommandations
I. Le respect du droit d’asile
II. Les conditions d’accueil
III. Protection des personnes vulnérables
IV. Mettre un terme aux harcèlements et violences policières
V. Droits des personnes maintenues en rétention administrative
ANNEXES
Personnes avec lesquelles des entretiens ont été menés
Bibliographie
Sites Internet
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[1] Dans le cadre de cette étude, nous avons fait le choix d’utiliser le terme d’« exilés » et non de « migrants » ou « réfugiés » (terme souvent employé dans la plupart des villes du littoral) pour désigner ces hommes et ces femmes à la recherche d’une protection à travers l’Europe. En effet, ce terme nous paraît avoir l’avantage de prendre simplement acte de leur déplacement hors de chez eux.
[2] En novembre 2002, le ministère de l’Intérieur avait annoncé que le problème des migrants était réglé avec la fermeture du camp.
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