Janvier 2017 : une éducatrice menacée de licenciement pour solidarité avec les mineurs isolés étrangers

27 septembre 2017 : le ministère du travail refuse le licenciement

30 mars 2017 : l’inspection du travail a refusé ce licenciement.
Juin 2017 : la direction de l’association La Sauvegarde de la Marne a introduit auprès du ministère du Travail un recours contre le refus de licenciement
27 septembre 2017 : Le ministère du travail refuse le licenciement.

Le contexte

Ibtissam B., éducatrice de la Sauvegarde de la Marne est déléguée du personnel.
Dans cette fonction, elle avait, en décembre 2016, visité un service d’accueil de mineurs isolés étrangers et constaté les conditions indignes d’accueil de ces jeunes.
Un jeune Malien qui s’est défenestré le 6 janvier 2017 y était hébergé.
Elle a alors exprimé son désaccord sur cet accueil des jeunes.

Le 30 janvier elle a été mise à pied à titre conservatoire sans salaire. Elle risque de perdre son emploi.
30 mars 2017 : l’inspection du travail a refusé le licenciement d’Ibitsam !
Juillet 2017 : la direction de la Sauvegarde de la Marne a introduit un recours contre la décision de l’inspection du travail
27 septembre 2017, le ministère du travail refuse le licenciement

Toutefois il évite de se prononcer sur le fond et se contente de constater que le procédure avait été irrégulière.

« Considérant l’irrégularité de procédure interne (....) l’autorité administrative est donc tenue de ce seul fait,de refuser l’autorisation de licenciement,sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le bien fondé du motif invoqué à l’appui de la demande (...)
Le licenciement de Madame B. est refusé. »


Témoignage de Ibitssam B.

Résister pour les mineurs isolés
http://dormirajamais.org/ibtissam/

EXTRAIT : un soir du 23 décembre quand je mets les pieds dans un service de Service d’accompagnement des mineurs isolés de mon association, en tant que déléguée du personnel, je ne m’attends pas à ce choc des frontières sur notre territoire.
Les chiffres sont terribles : 4 éducateurs, 73 jeunes.
Pas de veilleur de nuit pour leur sécurité, pas de psychologue pour soigner les traumatismes, pas de maîtresse de maison pour le côté maternel mais un mélange de mineurs avérés, d’autres en cours d’évaluations et d’adultes en difficulté qui vivent dans le même bâtiment.

Je ne m’attends pas à un si grand écart d’accompagnement pour une même mission.
Je ne m’attends pas à ce que l’Aide sociale à l’enfance alloue si peu de moyens à leur prise en charge, qu’on qualifie l’absence de veilleur de nuit comme de la semi-autonomie et qu’une association pour qui nous avons tant milité me soit devenue à ce point méconnaissable.
Le coup final a été porté par l’annonce du suicide d’un de leur pensionnaires quinze jours après mon passage. Quels que soit son âge, ses origines, son parcours migratoire ou la présence ou non d’un parent sur le territoire français, il doit rester à nos yeux un écorché vif comme les autres.
Si nos cours théoriques nous apprennent à accompagner des adolescents en mal de mère ou de père, avoir mal à sa patrie n’est pas une souffrance moindre qu’une autre.
Alors j’ai participé à la marche blanche de ce jeune Malien, j’ai exprimé mon désaccord sur la politique d’accueil de ces mineurs isolés et j’ai invité des instances à se saisir de cette question.

Dans le tourment, on voudrait me faire croire que je suis une salariée déloyale, nuisible ou encore mal intentionnée.
C’est à en perdre ses repères voire sa raison.
Des questions se bousculent. Mais comment le social a-t-il pu basculer vers la gestion et le management au détriment de nos missions premières ?
Si les éducateurs, qui sont l’interface entre la société et les oubliés, sont bâillonnés, qui va se faire le porte-parole des sans voix, des sans famille, des sans papier et sans repère ?

Soutiens

30 janvier 2017, à Bezannes (Marne)

Soutien à une parole de travail social qui doit parfois déborder des institutions
Communiqué de Secrepro (2 février 2017)

Une éducatrice et élue du personnel est actuellement visée par une procédure de licenciement par la direction de la Sauvegarde qui l’emploie. Sa direction lui reproche d’avoir, suite à la défenestration d’un jeune, Denko Sissoko, dans une structure hébergeant des mineurs isolés étrangers, dénoncé dans les médias les conditions manifestement insuffisantes de prise en charge et d’accompagnement de ces mineurs.
A t-elle commis une faute en s’exprimant ainsi dans l’espace public et en remettant en cause son institution ? Peut-être. Mais il nous semble utile de penser autrement cette question. Au moment où les législateur a renforcé le mouvement qui vise à faire sortir de l’institution les dysfonctionnements et maltraitances qui s’y produisent, notamment en protection de l’enfance devant des situations particulièrement dégradées, on est en droit d’attendre que les professionnels puissent interpeller les autorités jusque sur la place publique.
Cette éducatrice avait informé le Défenseur des Droits qui s’est d’ailleurs saisi. Elle avait alerté son institution. Face à la mort d’un jeune et aux conditions dans lesquelles les autres étaient accompagnés, il est professionnellement légitime d’aller au-delà des voies d’expression et d’interpellation prévues mais confinées. Si la question des besoins de l’enfant et de la protection de l’enfance viennent dans l’espace public le plus souvent par des drames, il est bon que ce soit aussi par la démonstration que les professionnels défendent la bien-traitance des enfants confiés et dénoncent les maltraitances des institutions. La défense des plus fragiles oblige parfois à dépasser les limites suffisantes et adaptées pour les situations plus classiques. Les mineurs isolés étrangers sont parmi les plus fragiles : dépourvus de représentants, méconnaissant eux mêmes les institutions comment pouvaient ils eux dénoncer leur sort ?
La défense des plus fragiles nécessite des professionnels solides, osant parfois prendre des risques en parlant, et qui doivent être respectés par leurs institutions. L’éthique professionnelle oblige dans certains cas à déborder le cadre réglementaire ou légal [...].

Une pétition de soutien
https://www.change.org/p/m-soutenez-ibtissam-%C3%A9ducatrice-lanceuse-d-alerte-des-jeunes-migrants-maltrait%C3%A9s

et aussi :

Analyses

Maltraitance au sein des établissements sociaux et médico-sociaux et levée du secret : derniers développements,
par Secretpro, 15 janvier 2017

Travail social en question
Passeurs d’hospitalité, 27 janvier 2017

Presse

Virée pour avoir trop alerté ?
L’humanité, 1er février 2017
par Émilien Urbach

Accueil des mineurs étrangers : l’éducatrice de La Sauvegarde toujours menacée de licenciement, France 3, 27 juin 2017

[retour en haut de page]

Dernier ajout : lundi 29 avril 2019, 10:57
URL de cette page : www.gisti.org/article5631