A. Naturalisations ajournées

Article 49 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993

« Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée [dans la nationalité française], il prononce le rejet de la demande.

Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s’il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande.

Ces décisions motivées conformément à l’article 27 de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité sont notifiées à l’intéressé dans les délais fixés par l’article 21-25-1 du code civil. »


Le fait d’être venu en aide à une personne en situation irrégulière – y compris en hébergeant son conjoint – est souvent opposé à l’étranger qui sollicite la nationalité française. Dans de nombreuses affaires, la demande de naturalisation aboutit à un ajournement fondé exclusivement sur ce motif. Et le juge, qui n’exerce qu’un contrôle restreint, valide de telles décisions, estimant que le ministre a, dans ce domaine « un large pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’accorder la naturalisation sollicitée ».

Dans les cas rapportés ci-dessous, les refus d’accorder la nationalité française sont d’autant plus contestables qu’ils concernent des personnes qui ont hébergé et contribué à l’entretien de leur conjoint ou de leur concubin, parfois père ou mère de leur(s) enfant(s) ! Peu importe que la situation du mari ait par la suite été régularisée, peu importe que la concubine soit la mère des enfants et que la famille vive ainsi réunie.
Décisions contestables également si l’on se rappelle qu’en droit français le mariage emporte une obligation d’assistance et de secours entre époux, obligation qui s’impose à tous les couples mariés vivant en France, quelles que soient par ailleurs la nationalité des époux ou la loi applicable aux effets de l’union. À travers le PACS, de même, les partenaires s’engagent à une aide matérielle et une assistance réciproques.
Décisions contestables, enfin, puisque les lois du 22 juillet 1996 et du 11 mai 1998 ont prévu une immunité pénale pour ceux qui viennent en aide à leur concubin ou leur conjoint en situation irrégulière. Autrement dit, les personnes peuvent héberger leur compagnon sans-papiers à l’abri de poursuites pénales … mais l’aide ainsi prodiguée sera retenue contre elles dans le cadre de leur demande de naturalisation.

Décision du service des naturalisations

  • 26/05/2009 ajournement de deux ans


    La demande d’acquisition de la nationalité française est ajournée suite à une procédure pour aide à l’entrée et au séjour d’un étranger en situation irrégulière. Depuis la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation tout en limitant la peine pour tenir compte "de la personnalité du prévenu" ; celui-ci réside en France depuis 1973. (décision)

Décisions de la cour administrative d’appel de Nantes confirmant le refus du tribunal administratif de Nantes d’annuler la décision d’ajournement prise par le ministre

  • 06/04/2012 Cour administrative d’appel de Nantes n°11NT01116*


    Le M3I demande à la cour d’appel de Nantes d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 février 2011 par lequel la décision d’ajournement à deux ans de la demande de naturalisation du requérant a été annulée. Le requérant a été condamné le 2 mai 2007 à 500 euros d’amende avec sursis pour avoir aidé à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France, pour avoir hébergé son épouse après l’expiration de son visa alors qu’ils avaient entamé des démarches en vue d’obtenir le regroupement familial. La cour d’appel de Nantes retient qu’ "eu égard à la gravité et au caractère récent des faits" le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ajournant la demande de naturalisation du requérant à deux ans pour ce motif. Elle annule donc le jugement du TA de Nantes qui annulait la décision d’ajournement du ministre. (Décision)

  • 31/12/2009 Cour administrative d’appel de Nantes n°09NT006644*


    La requérante, ressortissante haïtienne, avait interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’immigration ajournant à deux ans sa demande de naturalisation. La cour administrative d’appel a confirmé le jugement de première instance en s’appuyant sur l’article 49 du décret du 30 décembre 1993 qui dispose que "si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai ou des conditions (...)" ; par conséquent la cour estime que c’est a bon droit que, pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par la requérante, le ministre s’est fondé sur la circonstance que celle-ci avait aidé de 2002 à 2005 au séjour irrégulier sur la territoire français du père de ses enfants, méconnaissant ainsi la législation relative au séjour des étrangers. (Décision)

  • 29/12/2009 Cour administrative d’appel de Nantes n°08NT03379*


    En l’espèce un ressortissant marocain s’est vu ajourner à deux ans sa demande de naturalisation par le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement au motif que la personne a "aidé au séjour irrégulier de son épouse de 2002 à 2004." Confirmant le jugement de première instance, la cour estime qu’il appartient au ministre de porter une appréciation sur l’intérêt d’accorder la naturalisation à l’étranger qui la sollicite et que dans le cadre de cet examen d’opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur la comportement du postulant et qu’enfin, le ministre n’est à ce titre pas tenu de préciser les éléments d’évolution attendus au cours de la période d’ajournement de deux ans. (Décision)

  • 29/07/2008 Cour administrative d’appel de Nantes n° 07NT03661*


    Dans cette affaire, un ressortissant haïtien se voit refuser sa naturalisation au motif de l’aide apportée au séjour irrégulier de sa compagne avec laquelle il a eu un enfant. Il n’est pas contesté qu’au jour de la demande de naturalisation, le requérant hébergeait sa compagne et contribuait à son entretien – et ce depuis plusieurs années. En l’espèce, les juges nantais considèrent que le ministre ne commet pas d’erreur d’appréciation en refusant la naturalisation du requérant « alors même que celui-ci ne pouvait faire l’objet d’aucune poursuite pénale en raison de l’aide au séjour irrégulier de sa compagne, qu’il vit et travaille en France depuis plus de dix ans, qu’il contribue à l’entretien de ses trois enfants, qu’il est propriétaire de sa résidence principale, qu’il n’a jamais fait l’objet de poursuites et de condamnations et qu’il serait parfaitement intégré dans la société française ». (Décision)

  • 29/07/2008 Cour administrative d’appel de Nantes n° 07NT01831*


    En l’espèce, le requérant de nationalité marocaine s’est vu refuser la naturalisation par le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, lequel a ajourné à deux ans sa demande. Le ministre explique : « j’ai décidé, en application de l’article 49 du décret du 30 décembre 1993 (...), d’ajourner votre demande à deux ans. En effet vous avez aidé au séjour irrégulier de votre épouse de 1987 à 2001 et maintenu illégalement sur le territoire français vos enfants [mineurs], Khalid, Fama, Ilyas et Soukaina . Vous vous êtes ainsi soustrait aux règles en vigueur relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France ». Pour le tribunal administratif de Nantes, comme pour la cour administrative d’appel, le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de prononcer la naturalisation du demandeur. (Décision)->doc1434]

  • 18/05/2007 Cour administrative d’appel de Nantes n°06NT01174*


    Dans cette affaire, l’ajournement à deux ans de la demande de naturalisation prononcé par le ministre intervient au motif que la personne a « aidé sa concubine à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français ». Confirmant le jugement de première instance, la cour estime que le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que l’aide au séjour irrégulier n’est pas contestée. Et cela, « nonobstant la circonstance que [le demandeur] remplissait les conditions de recevabilité requises pour l’obtention de la nationalité française, qu’il n’avait fait l’objet d’aucune condamnation pénale et qu’il s’acquittait de ses obligations fiscales ». (Décision)

  • 29/12/2006 Cour administrative d’appel de Nantes n° 06NT00485*


    La requérante est en France depuis vingt-sept ans, son père est ancien combattant, une partie de sa famille a acquis la nationalité française. Elle obtiendra un poste dans la fonction publique si la nationalité lui est accordée... Mais elle a aidé son époux (pourtant régularisé depuis fin 2004, avant la décision) à séjourner irrégulièrement en France (décision)

  • 29/12/2006 Cour administrative d’appel de Nantes n°05NT01982*


    Dans cette affaire, l’ajournement de la demande de naturalisation prononcé par le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale intervient au motif que la personne a « aidé sa concubine à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français ». Pour le jugement confirmatif d’appel, puisque l’aide au séjour irrégulier n’est pas contestée, le ministre n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation « nonobstant la circonstance que [le demandeur] remplissait les conditions de recevabilité requises pour l’obtention de la nationalité française, qu’il n’avait fait l’objet d’aucune condamnation pénale et qu’il s’acquittait de ses obligations fiscales ». (décision)

  • 13/10/2006 Cour administrative d’appel de Nantes n°05NT01927*


    Le litige concernait ici l’ajournement d’une demande de naturalisation prononcé à l’encontre d’un homme, motif pris qu’au jour de la demande, il hébergeait sa concubine laquelle se trouvait en situation irrégulière. En l’espèce, le rejet de la demande ne tient aucun compte du fait que la concubine hébergée était également la mère des deux enfants du requérant. Pour les juges chargés d’apprécier la validité de la décision ministérielle, peu importe qu’aucune condamnation n’ait été prononcée contre le requérant sur la base de cette aide au séjour irrégulier, (condamnation impossible du fait de l’immunité pénale dont il bénéficie puisque l’aide s’adresse au concubin). Le fait que la concubine ait depuis obtenu un titre de séjour est également sans incidence aux yeux de la cour d’appel qui confirme la décision du tribunal administratif. (Décision)

  • 03/03/2006 Cour administrative d’appel de Nantes n°05NT00214*


    En l’espèce, la demande de naturalisation de la requérante, ressortissante algérienne, est ajournée par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité au motif que l’intéressée a aidé au séjour irrégulier de son mari entre le 5 janvier 2002 – date de leur mariage – et le 20 août 2003. D’après le ministre, « ce comportement révèle un défaut de loyalisme au regard des lois et règlements régissant l’entrée et le séjour des étrangers en France ». Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel de Nantes rejettent la requête, en refusant de tenir compte du fait que la demanderesse n’a pas dissimulé son mariage et qu’elle doit aide et assistance à son époux. Peu importe également que son mari ait par la suite obtenu un titre de séjour temporaire et soit bénéficiaire d’un contrat de travail à durée indéterminée. En refusant la demande de naturalisation, le ministre, « qui a fait usage de son large pouvoir d’appréciation de l’opportunité d’accorder la nationalité française », n’a commis aucune « erreur manifeste d’appréciation ». (Décision)

Décision du Conseil d’État

  • 01/02/1999 Conseil d’État*


    Confirmation d’un ajournement de trois ans à la naturalisation deux ans après une condamnation pour aide à l’entrée et au séjour irréguliers. (décision)
    "Considérant que par décision du 1er juin 1993, le ministre chargé des naturalisations a ajourné à trois ans la demande de naturalisation française présentée par M. X... au motif qu’il avait été condamné le 12 mars 1991 à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France ; que le motif de cette décision, laquelle ne constitue pas, contrairement à ce que soutient le requérant, une seconde condamnation, n’est entaché ni d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste d’appréciation ..." (Décision)

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Dernier ajout : vendredi 6 novembre 2015, 20:26
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