IV. Condition d’assimilation
L’assimilation est définie par l’article 21-24 du code civil comme « une assimilation à la communauté française » supposant notamment « une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises et des droits et devoirs conférés par la nationalité française », ainsi que « l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ».
1/ La connaissance de la langue française
La loi du 26 janvier 2024 a rehaussé le niveau de connaissance de la langue française exigé du demandeur qui doit justifier « d’un niveau de langue lui permettant au moins de comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, de communiquer avec spontanéité, de s’exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets », ce qui correspond au niveau B2 (et non plus B1) du cadre européen commun de référence pour les langues (CERL). Il produit à cet effet un diplôme ou une attestation délivrée depuis moins de deux ans à l’issue d’un test linguistique certifié ou reconnu au niveau international. La liste des diplômes et des tests reconnus est fixée par arrêté ministériel (arr. du 12 mars 2020).
Une circulaire du 30 novembre 2011 précise que, même lorsque la personne a produit un diplôme ou une attestation, l’agent doit néanmoins s’assurer, au cours de l’entretien, que le document produit atteste du niveau de connaissance suffisant de la langue afin de détecter une fraude éventuelle.
La condition d’assimilation linguistique n’est toutefois pas exigée des réfugiés et apatrides qui résident en France depuis plus de quinze ans et sont âgés de plus de soixante-dix ans et des dispenses ou des aménagements d’épreuves sont prévus pour des raisons de handicap ou d’état de santé rendant impossible l’évaluation linguistique. Dans ce cas, le niveau de langue est apprécié lors de l’entretien.
2/ La connaissance de l’histoire, de la culture et de la société française
La circulaire du 16 octobre 2012 indique que l’objectif est de « s’assurer [que le postulant] maîtrise les références de base qui fondent l’exercice de la citoyenneté ». Lors de l’entretien l’agent de la préfecture doit poser des questions « qui devront s’intégrer dans le cours normal de la conversation, afin d’éviter que ses interventions prennent le caractère artificiel d’un questionnaire ».
L’évaluation doit tenir compte du niveau d’études du postulant, les exigences étant plus grandes s’il a effectué des études universitaires
La circulaire ajoute qu’« en aucun cas, la décision de rejet ou d’ajournement ne peut être motivée par le constat que le postulant n’a pas répondu de façon exacte à une ou plusieurs des questions ». On voit pourtant souvent des refus ou des ajournements motivés par le fait que la personne n’a pas su donner une définition acceptable de termes comme « démocratie », « laïcité » ou « fraternité », n’a pas su répondre à des questions sur la géographie (citer des fleuves), sur les institutions (citer le nom d’un roi de France ou des présidents de la 5e République), sur les symboles de la République (donner la signification de Marianne, du 14 juillet), etc.
3/ L’adhésion aux valeurs essentielles de la société française
La circulaire du 27 juillet 2010 précise que « la notion d’assimilation implique une participation aux activités de la société française, et l’adhésion tant à ses règles de fonctionnement qu’à ses valeurs de tolérance de laïcité, de liberté et d’égalité ». Elle poursuit : « Les éléments révélateurs d’une attitude intolérante ou discriminatoire fondée notamment sur des critères de sexe, de race, de religion ou de nationalité (ex. : dénigrement de certaines communautés, appartenance à des mouvements prônant l’action violente ou une pratique radicale de la religion) ou un mode de vie non conforme aux us et coutumes (ex. : confinement au foyer, limitation des relations sociales avec des personnes de l’autre sexe), voire contraire à l’ordre public (polygamie, pratique de mutilations sexuelles) pourront ainsi donner son motif à une décisions d’irrecevabilité. » La circulaire du 24 août 2011 relative au contrôle de la condition d’assimilation dans les procédures d’acquisition de la nationalité française contient des directives analogues.
Comme en témoignent les exemples mis en avant par ces circulaires, le défaut d’assimilation est de plus en plus souvent invoqué au vu de comportements liés à la pratique de l’Islam : port du foulard ou a fortiori du voile intégral, propos ou mode de vie incompatibles avec les valeurs de la société française, appartenance à des mouvements religieux fondamentalistes musulmans dont les thèses sont incompatibles avec les valeurs républicaines.
Peuvent donc justifier une décision d’irrecevabilité « les éléments révélateurs d’une attitude intolérante ou discriminatoire fondée notamment sur des critères de sexe, de race, de religion ou de nationalité » ou « un mode de vie non conforme aux us et coutumes (ex. : confinement au foyer, limitation des relations sociales avec des personnes de l’autre sexe) ». Ces mêmes éléments sont rappelés par la circulaire du 24 août 2011 qui y ajoute « l’appartenance à des mouvements radicaux prônant l’action violente ».
Si le port du foulard ne peut à lui seul motiver l’irrecevabilité d’une demande, ce n’est pas un élément neutre. Ainsi, s’agissant des postulantes de confession musulmane qui portent le foulard, la circulaire du 12 mai 2000 (non mise en ligne) recommandait d’indiquer s’il s’agissait du foulard traditionnel ou « du hijab qui couvre entièrement la tête et le cou et qui à l’instar du tchador est un signe d’appartenance à un islam fondamentaliste » et d’interroger les femmes sur la signification qu’elles y attachent. La circulaire du 24 août 2011 relative au contrôle de la condition d’assimilation dans les procédures d’acquisition de la nationalité française précise que le port du voile ou d’un vêtement traditionnel qui manifeste la volonté de respecter des préceptes religieux n’est pas suffisant pour constituer le défaut d’assimilation, mais à condition que cet aspect du comportement ne s’inscrive pas « dans un mode de vie nettement et objectivement incompatible avec les valeurs essentielles de la République ».
L’entretien d’assimilation vire souvent à l’examen de connaissances de l’histoire, des institutions et de la société française, ainsi que de l’adhésion aux « principes et valeurs essentiels » de la République. On amène ainsi les demandeurs à se prononcer sur des sujets complexes et polémiques : comme lorsqu’on demande à un postulant dont le niveau d’étude est peu élevé de donner une définition acceptable des mots « laïcité » et « démocratie » ou lorsqu’on demande à une femme de dire si elle est pour ou contre l’interdiction du foulard à l’école ou l’existence d’horaires séparés pour les femmes et les hommes dans les piscines. Les décisions d’irrecevabilité pour défaut d’assimilation, en raison de l’incapacité des candidats de répondre aux questions posées par les agents préfectoraux lors de cet entretien, tendent à se multiplier, motivées de la façon suivante : vous avez démontré une « méconnaissance manifeste de l’histoire, la culture et la société française et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ».
Il faut enfin insister sur les conditions dans lesquelles se déroulent les entretiens d’assimilation, souvent très déstabilisantes pour les personnes concernées. L’attitude des agents comme les questions posées montrent que dans bien des cas l’objectif de l’entretien préfectoral est de rechercher tout élément qui permettra de rejeter en opportunité les demandes, même lorsqu’elles répondent aux conditions de recevabilité.
Remarque. Il arrive fréquemment, lorsque les motifs invoqués ont trait à l’assimilation - et comme c’est le cas pour les autres motifs -, que la demande soit rejetée ou ajournée au stade de l’appréciation en opportunité, alors qu’elle a passé le cap de la recevabilité. La circulaire du 27 juillet 2010 précitée rappelle aux préfectures que « l’autorité administrative doit, dans son examen de l’opportunité d’une naturalisation, tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire (comportement, civisme, insertion professionnelle, loyalisme, etc.), au nombre desquelles peuvent légalement figurer celles qui ont été examinées pour statuer sur la recevabilité de la demande ». Et le juge administratif réaffirme de son côté, de façon constante, que dans le cadre de l’examen d’opportunité, le ministre peut légalement prendre en compte le degré d’assimilation du postulant à la communauté française et, en particulier, son degré de maîtrise de la langue française.
A. Assimilation dans les textes
B. Connaissance de la langue française
C. Connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises
D. L’adhésion aux principes et valeurs essentiels de la société française
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