Article extrait du Plein droit n° 47-48, janvier 2001
« Loi Chevènement : Beaucoup de bruit pour rien »

Asile territorial : un parcours lyonnais

Marion Gachet

Collectif de soutien à la démocratie et aux victimes de la violence politique en Algérie.

A Lyon, le Collectif de soutien à la démocratie et aux victimes de la violence politique en Algérie accompagne, semaine après semaine, des demandeurs d’asile. D’espoirs en déceptions, il assiste, dans l’impuissance, au déroulement d’une procédure et de ses conséquences.

Dresser un bilan de l’application des dispositions de la loi sur l’asile territorial dans le Rhône deux ans après sa promulgation… Vaste programme tant il y aurait déjà à dire sur la loi elle-même. Nous nous bornerons donc ici à donner un aperçu du parcours de l’exilé algérien qui arrive à Lyon pour demander l’asile.

Le premier principe attaché au droit d’asile est celui de l’accès au droit dans un contexte particulier : un départ qui résulte de l’urgence et de la nécessité absolue, sauver sa vie. L’accès au droit en matière d’asile territorial dans le Rhône se heurte aujourd’hui à trois écueils :

le déficit d’information concernant le choix des procédures ;

  • la nécessité d’avoir une domiciliation ;
  • le refus d’enregistrement de la demande au guichet, lorsque le récit est jugé « insuffisant ».

Les Algériens qui se présentent en préfecture sont automatiquement orientés sur l’asile territorial, sans qu’il soit même fait mention de l’asile conventionnel… Monsieur N. est venu à une permanence du Collectif de soutien à la démocratie et aux victimes de la violence politique en Algérie juste après son arrivée en France, pour demander des renseignements. Après présentation des différentes procédures, il a décidé de demander l’asile conventionnel.

Muni des pièces nécessaires, il s’est rendu à la préfecture, qui l’a renvoyé sans explication sur l’asile territorial. Monsieur N. n’a pas osé protester. Accompagné d’un membre du Collectif, Monsieur N. est retourné à la préfecture afin de modifier sa demande et obtenir une explication. La préposée au guichet a répliqué que Monsieur N. – qui parle pourtant parfaitement français – s’était sans doute mal exprimé et qu’il y avait eu malentendu. La demande d’asile conventionnel a, cette fois, été prise en compte.

Autre obstacle auquel se heurtent les demandeurs d’asile : celui de la domiciliation. Et la décision récente des associations lyonnaises domiciliatrices de ne plus domicilier les demandeurs d’asile territorial en raison d’un nombre trop important de demandes, risque d’entraîner, comme cela a déjà été le cas pour les Roms de Roumanie à la fin des années 1990, une prolifération des domiciliations payantes chez des particuliers, et de fait une limitation de l’accès au droit.

Troisième écueil, enfin, la pratique de la préfecture qui consiste à refuser d’enregistrer les demandes jugées « peu crédibles », notamment du fait de l’absence de preuve, l’examen consistant en une lecture rapide au guichet. Contraire à la loi du 11 mai 1998, qui indique clairement que l’« asile territorial peut être accordé par le ministre de l’intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères  », cette pratique est la preuve d’une présomption systématique d’illégitimité à l’égard des demandeurs d’asile en général et algériens en particulier.

Pour ceux qui franchissent ce premier barrage, commence une attente d’environ six mois, durant laquelle, munis d’un récépissé d’un mois renouvelable, les demandeurs d’asile territorial ont le droit de se maintenir sur le territoire national et le devoir d’y survivre sans travailler, sans percevoir aucune ressource et sans avoir accès à un réel dispositif d’hébergement.

Après l’attente et ses difficultés, la réponse tombe, le plus souvent négative. Commence alors pour le demandeur d’asile débouté qui dépose un recours devant le tribunal administratif une attente de douze à dix-huit mois… Le demandeur d’asile est, pendant ce temps, renvoyé dans la clandestinité.

Madame O., déboutée de sa demande malgré des sévices gravissimes, résume ainsi sa situation : quand on arrive, on est comme quelqu’un qui arriverait du désert assoiffé. On lui tend un verre d’eau, puis un autre, et encore un autre… Et tout d’un coup, on lui dit « il n’y a plus d’eau ». ;



Article extrait du n°47-48

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Dernier ajout : jeudi 24 avril 2014, 16:12
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