Article extrait du Plein droit n° 47-48, janvier 2001
« Loi Chevènement : Beaucoup de bruit pour rien »

La chaîne médicale : un intermédiaire de trop

L’arrêté du 8 juillet 1999 précise les conditions dans lesquelles le médecin inspecteur de santé publique (MISP) se voit adresser les informations médicales par l’étranger. Il pose l’exigence d’un rapport médical exclusivement rédigé soit par un « praticien hospitalier », soit par « un médecin agréé ». Cette exigence est inopportune dans un cas et scandaleuse dans l’autre.

Elle est inopportune en ce qui concerne le praticien hospitalier : s’il est vrai que la plupart des patients concernés sont pris en charge par un service hospitalier, c’est autant pour des raisons médicales (nécessité d’un suivi spécialisé) que de difficultés d’accès aux soins de ville (absence de « dispositifs précarité », limitation de l’aide médicale État [AME] aux soins en établissement de santé avant trois ans de résidence).

De plus, la prise en charge médicale est souvent multiple pour des pathologies associées : suivi à l’hôpital X par le Dr X pour le diabète, et à l’hôpital Y par le Dr Y pour le VIH… Or si la prise en charge médicale est de grande qualité, le suivi social par l’hôpital est souvent défaillant pour faire face à des situations d’une grande complexité socio-juridico-administrative.

C’est ainsi qu’au Comède, nous devons régulièrement « corriger » des demandes de régularisation médicale rédigées par des praticiens hospitaliers pour des patients demandeurs d’asile en attente de la décision de l’OFPRA ou de la commission des recours des réfugiés. Pour ces patients comme pour tous les autres, le médecin « de ville » est le mieux placé pour assurer la synthèse entre plusieurs suivis spécialisés hospitaliers et le suivi social. Lorsqu’une telle prise en charge globale est réalisée, qu’elle a pu restaurer la confiance du patient en son médecin « traitant », si déterminante en ce qui concerne l’adhésion au projet thérapeutique, il est très dommageable d’interdire au médecin de ville de saisir directement le médecin-inspecteur de santé publique. Bien entendu, dans le cas où le seul médecin traitant est le praticien hospitalier, il est légitime que ce soit lui qui saisisse le MISP.

L’exigence est scandaleuse en ce qui concerne le médecin agréé dans la mesure où l’arrêté introduit un troisième intermédiaire dans la chaîne médicale. L’étranger doit, en effet, demander à son médecin traitant de transmettre le dossier médical à un médecin agréé lequel le transmettra à son tous au MISP. Introduire un échelon d’expertise supplémentaire pour rapporter l’histoire et décider de la prise en charge d’un patient inconnu du médecin agréé est non seulement inopportun mais est surtout discutable sur un plan déontologique.

Toutefois le scandale est ailleurs : rien n’interdit à ces médecins agréés d’être choisis parmi des médecins de ville, certains exercent en secteur II (dépassements d’honoraires), et par définition ne peuvent être payés par une AME le plus souvent limitée aux frais hospitaliers ! Le cas existe déjà dans certain département d’Ile-de-France.

On retrouve cette même confusion des rôles entre le médecin traitant et le médecin expert, dénoncée par le code de déontologie médicale (art. 105), lorsqu’il est demandé au médecin hospitalier de se prononcer, « sur la possibilité ou non d’accéder au traitement dans le pays d’origine  », information qui devrait relever de l’expertise exclusive du MISP. S’agissant du « médecin agréé », une telle demande confirme son rôle de pré-expert auprès de l’expert MISP. ;



Article extrait du n°47-48

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Dernier ajout : jeudi 24 avril 2014, 16:11
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