Article extrait du Plein droit n° 33, novembre 1996
« Des jeunes indésirables »

Conversation autour d’un absent

Violaine Carrère, Michèle Créoff et Fériel Kachoukh

 

Un texte, paru l’an dernier dans le journal Le Monde [1], nous a frappé par sa densité, par l’évidence de réponses qu’il apportait à des questions que ce numéro sur les jeunes étrangers ne pouvait pas éluder.

Ce texte, c’est un témoignage recueilli par un chercheur allemand au cours d’une enquête à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon : parmi les jeunes que ce chercheur avait rencontrés, se trouvait un adolescent qui est devenu par la suite l’un des auteurs de la vague d’attentats terroristes de 1995 : Khaled Kelkal.

Kelkal n’est pas, à nos yeux, une figure emblématique. Il serait absurde de légitimer, par sa trajectoire, l’aventure meurtrière qui a suivi. Ce qui nous a été donné à entendre, par delà la mort, de cette voix, c’est la parole d’un jeune « ni héros, ni victime, mais fils de nos banlieues », pour reprendre l’expression de Christian Delorme. La voix d’un jeune dont l’enfance, l’adolescence, les espérances et les révoltes ressemblent à celles de bien d’autres de ces jeunes qu’on dit « issus de l’immigration ».

Kelkal n’est venu en France qu’à l’âge de deux ans et il n’était donc pas concerné par la réforme du code de la nationalité instituant la démarche de manifestation de volonté d’acquisition de la nationalité française. Cependant, il est de cette génération-là, et dans ce qu’il nous dit de son parcours, par la pénétrante lucidité de son regard, nous saisissons quelque chose du sens que prend cette réforme pour cette génération.

Khaled nous parle, sa parole résonne en nous. Le texte qui suit est un texte à trois voix, qui se font l’écho de ces résonances.

Voix 1

Kelkal dit : « Les jeunes, il faut bien les entourer ».

De cette fragilité de l’adolescence, nous sommes tous conscients. Mais, au fait, qu’est-ce que c’est l’ADOLESCENCE ?

C’est un âge qui n’existe pas.

Ailleurs qu’en Occident, et en Occident pendant des siècles, on passait de l’enfance à l’âge adulte directement : on était jeune, mais un jeune adulte, dès qu’on travaillait.

Adolescence : du latin « adolescere » : grandir.

Le terme n’est apparu qu’à la fin du XIIIe siècle, mais l’idée d’une classe d’âge particulière, avec ses besoins propres, ses problèmes spécifiques, cette idée ne se répand vraiment qu’au XXe siècle.

Biologiquement, ce qui existe, c’est la puberté ; pas l’adolescence. Mais le biologique n’est pas tout, et l’adolescence existe parce que, dans nos sociétés, un temps très long s’écoule entre l’enfance et l’entrée véritable dans l’âge de la pleine responsabilité, du travail, du départ de chez ses parents, de la paternité ou de la maternité.

Cet âge, qui est donc une invention culturelle, c’est un âge de la quête de soi, l’âge où l’on se demande qui on va choisir d’être, l’âge où les autres adultes sont des modèles qu’on a envie de suivre, ou des exemples de ce qu’on veut fuir.

C’est l’âge de tout le temps qu’on met à quitter – plus ou moins et plus ou moins loin – sa famille d’origine. Où l’origine est un tremplin pour les uns, de la glu pour d’autres, une humiliation parfois, une fierté aussi, ou une revendication, ou un socle qui vacille…

Et pour ces adolescents à l’origine double que sont les enfants d’immigrés, pour ceux qui grandissent au sein d’une famille héritière d’une autre culture, qu’en est-il ?

Nous sommes tous des enfants de couple mixte : un père et toute un filiation paternelle, une mère et toute un lignée maternelle.

De ces héritages croisés, nous tissons une identité. Quelques uns oublient tout un pan de l’héritage et n’assument ou ne reconnaissent qu’un côté, paternel ou maternel.

L’adolescence, c’est l’âge où le bricolage de l’identité s’élabore avec d’autres pôles que papa-maman : il y a les autres adultes qui vous initient à d’autres univers, les institutions qui vous marquent (l’école, et les autres), les pairs également : la bande de copains, les camarades de classe, les jeunes du quartier…

Pour ceux qui connaissent la cohérence entre le milieu familial et l’environnement social, l’adolescence, c’est déjà difficile : des cultures s’affrontent, des représentations et des valeurs se différencient, s’opposent. Age des choix : au nom de la culture familiale, on critique la société, et au nom de la société, on critique sa famille.

Kelkal dit : « à l’adolescence, on est perdu, on ne sait pas trop où aller […]. On a un choix à faire mais on est jeune. On peut pas dire « ça c’est pas bon » […]. Ça fait qu’on est tenté de partir là où on se sent mieux ».

Où est-ce qu’on se sent mieux, quand on est un jeune grandi en France mais rappelé sans cesse à sa condition d’étranger ?

Kelkal parle de « sa place », tout au long de ce texte. La place liée à l’image renvoyée, à la reconnaissance de la valeur, à la revendication égalitaire.

Au lycée d’abord : « j’avais pas ma place ». Et cette expérience rencontrée au lycée, il la reconnaît partout ailleurs ensuite :

« Les Français peuvent entrer nombreux dans un bar, mais nous [les jeunes Arabes], si on entre à sept ou huit, il devient fou, le mec !

« Les jeunes de la campagne, ils se trouvent sur la place de la mairie, ça discute, ça gueule, mais les gens ne disent rien, ils s’amusent. Mais nous, si on fait ça, on ne s’amuse pas…

« Nous, on n’a pas de loisirs.

Déjà dans ma classe, j’ai pas ma place, alors imagine, dans une boîte ! ».

Kelkal dit qu’une fille, moins bonne que lui, une Française, lui a été préférée pour entrer dans une section du lycée. Kelkal dit que, dans un tribunal, un jeune arabe a été condamné plus lourdement que son complice français alors qu’il était moins coupable. Kelkal dit ce que disent d’autres jeunes de Vaulx-en-Velin :

« Le problème, c’est de montrer cinq fois par jour les papiers de ta mobylette à des lardus qui t’appellent Mohamed ».

« Le problème n’est pas que je sois un Français ou un Algérien. Le problème c’est que je suis pauvre. Avec Français sur mes formulaires de chômage et Arabe sur ma gueule ».

Et un autre, qui décrit le gouffre intraversable entre Vaulx-en-Velin et « la ville », renchérit : « on reste ici, avec nos masques d’Arabes sur la gueule, à jouer aux Arabes entre Arabes ».

Jouer aux Arabes. Parce que c’est ce que les autres, tous les autres rencontrés, s’attendent à ce que vous fassiez : à la fin, c’est comme s’ils vous le demandaient : « sois un Arabe ! ».

Kelkal encore : « On parle de nous seulement quand il y a de la violence, alors, on va vous donner de la violence ».

Kelkal dit : « C’est seulement après les événements qu’ils commencent à comprendre. Mais c’est pas grand-chose, c’est pour dire style « on est là ».

La place. La place qui manque. La place qu’on vous dénie. La place à laquelle on vous assigne.

Et aujourd’hui, c’est à ceux-là, qui ont tant de mal à trouver leur place, à s’autoriser celle qui leur est refusée, à échapper à celle qu’on leur impose, qu’il est demandé de dire : voilà, bien qu’on me traite d’Arabe (d’Africain, de Turc, de Chinois, …), je me sens français. Alors que j’ai grandi comme Français, je choisis de l’être. Mes camarades d’enfance sont français parce que leurs parents le sont ; moi qui n’ai pas plus qu’eux choisi de naître en France, vous me renvoyez à la figure que je suis moins français qu’eux, mais en même temps, vous exigez de moi que je le sois plus qu’eux puisqu’il me faut montrer des « signes d’attachement à la France » qui ne leur seront jamais demandés à eux.

Cette offre d’adhésion se dit comme un rejet. La porte s’ouvre pour mieux marquer qu’elle pourrait se fermer. Peut-être qu’elle l’avait toujours été, sous les trompeuses apparences du soutien à l’intégration. Peut-être qu’elle le sera toujours car cette identité française sera une acquisition, et non la reconnaissance d’un fait.

Au lieu que la nation d’adoption délivre un message qui apaise le doute de ces adolescences tiraillées : « regarde, tu es français », elle l’entérine : « finalement, es-tu français ? »

Violence du renvoi à une identité qui est celle des pères et non celle du sujet.

Voix 2

« En prison, j’ai même appris ma langue », raconte Kelkal. Ma langue… Et dans ce possessif affleure la fierté de l’appartenance recouvrée et affirmée, qui dissimule mal le désarroi que les mots aient à ce point manqué à inscrire l’héritage dans la filiation.

Ma langue, c’est l’arabe. Et ne pas la connaître, ne pas pouvoir la parler, me renvoie à mon incomplétude, me désigne inévitablement aux yeux de tous, ceux de là-bas, ceux d’ici, comme un fils d’immigré.

Ma langue. Reprendre possession de sa langue pour reconquérir, dans leur mise en mots, les fragments d’une histoire non racontée. Pour, peut-être, reprendre à l’envers les traces des parents et tenter de comprendre. Reprendre possession de sa langue pour échapper à l’effroyable clôture où se rejoignent l’oubli de soi et l’exclusion par les autres.

Anamnèse du pauvre. Et voici que s’éclipse l’autre langue ; celle de l’école et du territoire de l’enfance, celle où se répètent à l’envi d’universelles valeurs, mais qui restent pour eux finalement rétives à abriter du soupçon et de la mise en demeure… Les dissonances et les soubresauts de l’identité multiple.

Voici que s’écoule le suc épais du malentendu et de l’indignité. Voici que reviennent, cuisants et trop entendus, le mépris et l’invective.

A quoi bon, pensent-ils alors, nommer le monde dans une langue qu’on a échoué à mettre en partage ? Dans une langue qui n’a pas su donner à ces enfants un pays ?

Illégitime, ma parole ? Vous l’avez cherchée, l’absolue dissidence… « Oui, je suis musulman », et ma langue sera le gage de l’intimité sacrale avec le texte qui les fascine et les terrifie.

Voix 1

Quand Kelkal dit : « en prison, j’ai appris ma langue », c’est comme si avant, il n’en avait pas, de langue. Comme si sa langue, pour un humain, n’était pas celle dans laquelle il parle, communique avec les autres, pense, travaille, baigne. Comme si une langue qu’on n’apprend qu’adolescent pouvait être plus la sienne que celle qu’on a toujours parlée. Brouillage des cartes : la langue maternelle, c’est celle de sa mère ? Ou celle que sa mère vous a incité à parler ? La langue du pays qui vous adopte, serait-ce une langue… paternelle ? Ou bien est-ce que, parce que ce pays vous adopte mal, on ne veut plus en parler la langue « comme la sienne » ?

Kelkal est arrivé en France à l’âge de deux ans. En quelle langue lui a-t-elle parlé, sa mère ? Sûrement la langue du désir qu’elle avait de le voir réussir sa vie en France, et du sentiment de trahison qu’elle en avait.

Le français, la langue qui portait la marque d’une trahison de la mère, aurait pu être pour Kelkal la langue de son destin assumé, absolution de la mère… C’est devenu la langue des trahisons : parce qu’on la lui a apprise pour mieux qu’il entende qu’il ne sera jamais, comme il aurait pu le croire, un Français comme les autres. L’arabe, dès lors, devient la langue seule dans laquelle il trouve à s’inscrire.

On peut entendre ce que dit Kelkal autrement : en prison, j’ai mieux appris, bien appris, une langue que je maîtrisais mal, mais qui était déjà, forcément la mienne. Une langue maternelle dont sa mère l’aurait frustré, comme on sèvre trop vite un enfant, pressée qu’elle était de le voir se propulser dans la langue du sol où, finalement, elle l’expulsait de son ventre. Douleurs d’un enfantement à double détente, douleur partagée par la mère et le fils, douleur non dite, peut-être.

Kelkal dit un échec de la nation française à assister les mères dans la « seconde naissance » de leurs enfants. Et cet échec, nous sentons bien qu’il est l’échec de la nation à prendre en charge, vraiment, ses petits citoyens, d’où qu’ils viennent : comment ça va, du côté de l’École grande Égalisatrice des Chances ?..

Kelkal dit : « Je ne suis ni arabe, ni français, je suis musulman ».

Face à une alternative insoluble, parce que dès qu’il se croit l’un (« je suis français »), on le renvoie au fait qu’il est l’autre (« tu es arabe »), il choisit une troisième voie : « je suis musulman ».

Problème pour la société française : elle lit dans cette revendication identitaire un rejet de la part française de l’identité, et un choix de la part arabe, au sens de : la part de l’origine.

Mais il faut écouter Kelkal : « que tu sois asiatique, noir, rouge, si tu es musulman, on est tous frères. C’est l’unicité ». Il explique : « si, maintenant, le Français devient musulman, il est pareil que moi, on se prosterne tous devant Dieu. Il n’y a plus de races, plus rien, tout s’éteint ».

« Repli identitaire », disent-ils… Oui, c’est un repli. Parce que, sans doute, si la France l’avait reconnu pour l’un des siens, à part entière, il n’aurait pas eu besoin de faire appel à ce qui dépasse et peut-être nie la nation : la religion. Les Français comme membres d’une nation, me rejettent, dit Kelkal, mais s’ils sont membres de l’Ummah, alors « on est tous frères ». Drôle de « repli », qui se rêve comme un ouverture à l’unicité, à l’universalité.

Si la nation n’intègre pas, n’autorise pas la fraternité dans la diversité, les Kelkal chercheront ce qui est au-delà d’elle et qui saura les intégrer. Ils pourront aussi bien chercher ce qui est en-deçà d’elle, en dehors d’elle : la fraternité des bandes, des groupes, des ghettos, de n’importe quoi qui offre du lien.

Voix 2

De tous ces mots lus, entendus, maladroits parfois, lucides le plus souvent, on retient la mise en échec de la liberté d’inventer du possible.

On y sent des désarrois et énergies en gestation, et puis le désespoir qu’à peine éclose en soi, autorisée, elle se voit désavouée.

On y sent, inextinguible, raidie, la révolte enfantine contre ce qui n’est pas juste.

Ce n’est pas rien que de porter par l’exil intérieur, celui des pères humiliés, défaits, vaincus.

« Issus de l’immigration », dit-on couramment. Autrement dit d’abord venus non pas d’un pays quel qu’il soit, mais d’un espace, d’un passage entre deux territoires. Enfants d’abord de la rupture avant que d’être enfants d’un père et d’une mère. Enfants sans patrimoine autre, dirait-on, que cette position éminemment critique qu’est la condition d’immigré.

Parce qu’elle est le lieu de toutes les contradictions, parce que émigré, du point de vue des pères comme de celui de la société française, ce n’était que pour un temps provisoire, que ce temps est devenu indéfini, que la trajectoire s’est peu à peu fixée en histoire durable, dont la clôture, incessamment, rejoint dans la litanie du souvenir le point de départ.

L’ont-ils vraiment voulu, quand ils sont partis, les pères, rester là ? Passer toute leur vie en France ?

Leur faute, et leur honte, celle d’avoir quitté là-bas en y laissant, captive, la mémoire des siens, le désir d’être parmi eux, d’être l’un des leurs, tout comme le désir de ne plus l’être un jour.

Sans qu’on sache très bien, des années après, comment ni pourquoi s’est faite la cassure.

On se retrouve simplement en dette vis-à-vis de la terre-mère, de la langue-mère, une dette transmissible comme une sorte d’héritage de l’absence à ces enfants nés dans l’ailleurs, nés de la France, nés pour la France au bout du compte, comme un don sans retour.

Comment entendre autrement cette phrase terrible d’un vieil immigré, recueillie par Abdelmalek Sayad : « Nous emplissions en réalité la France de nos enfants alors que nous croyions avoir nos enfants pour nous »…

Si, pour une bonne part, le projet qui fut à l’origine de leur émigration ne s’est autorisé le désir qui l’a fondé qu’avec la certitude et le recours du retour, voilà qu’à présent, les enfants, ébranlant cette certitude, la ramènent à ce qu’elle n’a jamais cessé d’être, pure illusion, et rendent plus incertaine l’origine du désir, comme le désir de porter haut l’origine.

Ils sentaient ce qu’il y avait de tragique à ne pas pouvoir reconnaître ces enfants comme leurs, ce qu’il y avait de terrible à ce que, espérant et travaillant pour eux, à un réel avenir en France, ils travaillaient en même temps, irrévocablement, à ce que ces enfants leur deviennent un peu plus étrangers.

Oui, que transmettre quand l’existence toute entière est sous le signe de la contradiction ?

Que la genèse de cette contradiction est la rupture première – l’émigration-immigration –mais sur laquelle on ne saurait, on ne pourrait revenir sans condamner le présent, sans se condamner soi-même, comme homme et comme père ?

Voix 3

Comment se construire, s’opposer, se reconnaître dans ces pères humiliés qui semblent garder le statut de colonisés, malgré le combat vainqueur pour l’indépendance ?

Père sans citoyenneté, sans existence légale dans la Cité. Simple travailleur corvéable, dont la voix demeure silencieuse. Père au rôle paternel contesté, présumé tyrannique dans l’intimité de la famille, et présenté laxiste, « abandonnique », face à la délinquance du fils.

Père sous surveillance, dont le rôle éducatif est déprécié, récusé, dans le regard des travailleurs sociaux, de l’école…

Le législateur a entériné la méfiance, a remis en cause l’autorité parentale des parents étrangers dans la procédure de manifestation de choix de la nationalité française. Parents présumés hostiles, définitivement, à la « naturalisation » de leur enfant. Hostilité si irrémédiable qu’aucune médiation entre le père et l’enfant ne semble envisageable. Père résolument « patriarcal », que seule la déchéance partielle de son autorité parentale peut contenir.

Le législateur ne lui permettra pas d’exercer ce devoir d’accompagnement vers la nationalité française. Il nie toute capacité à l’adolescent de négocier avec ses parents son passage à l’âge adulte, en France en tant que français.

Et il refuse aux parents toute possibilité d’accompagnement de leur enfant sur le sol français.

Le choix du fils ne peut se signifier que contre le père.

Humiliation supplémentaire nécessaire ? On peut en douter… Alors qu’une jeune fille enceinte d’un père incestueux doit toujours réclamer l’autorisation parentale pour subir une IVG ! Que les outils de médiation existent et sont opérants dans nombre de situations complexes. Que l’intégration des enfants passe par l’acceptation des parents…

Il est significatif que le législateur ait choisi de nier l’autorité parentale des (parents) étrangers, en permettant au mineur de seize ans de choisir la nationalité française sans autorisation parentale préalable. C’est de nouveau signifier aux parents étrangers toute la suspicion qui pèse sur leur compétence parentale. C’est dénigrer, aux yeux de leur enfant, leur place, leur légitimité de parents. Ainsi se renforce le sentiment de vacance, d’incohérence : aucune place n’est aménagée, ni pour le père, ni pour le fils,

… longtemps encore, la révolte des fils ne rencontrera que l’humiliation des pères…

Quelle loi du père opposer à ces adolescents en rupture, si cette loi est préalablement niée par la société qui la redoute ? Quelle place pour ces parents qu’on illégitime, mais qu’on responsabilise quand nos propres réponses sont inopérantes ou absentes ?

Une nouvelle discrimination des familles étrangères face à la teneur de l’autorité parentale s’organise, sous couvert de protection du mineur étranger. Elle vient renforcer les discriminations sur le droit de vivre en famille.

Se construit ainsi, règle par règle, une image de la famille étrangère incompétente, ne transmettant que des archaïsmes, incapable d’accompagner, soutenir ses enfants sur le chemin de l’appartenance à la France.

Les pères sénégalais resteront à jamais des tirailleurs-chair-à-canon ! Et les mères maghrébines des fatmas de harem !




Notes

[1Daté du 7 octobre 1995.


Article extrait du n°33

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Dernier ajout : vendredi 21 mars 2014, 19:21
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