QPC sur les délais de recours contre une OQTF exercé par une personne détenue
Le 21 décembre 2017, l’OIP, La Cimade et le Gisti ont saisi le Conseil d’Etat d’une demande de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant les dispositions législatives relatives aux délais de recours formés contre les OQTF notifiées en détention.
Par une décision du 14 mars, le Conseil d’Etat a accepté de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, considérant que « le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte au droit à un recours effectif découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen soulève, eu égard à la brièveté du délai de recours et aux contraintes résultant de la détention, une question qui présente un caractère sérieux ».
Les trois associations ont déposé un premier mémoire devant le Conseil constitutionnel, puis des observations en réplique à la réponse du secrétariat général du gouvernement.
L’audience a eu lieu le 22 mai 2018.
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 1er juin et donné raison aux requérants, constatant que :
« 6. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français et éviter qu’un étranger détenu, objet d’une telle mesure, doive, à l’issue de sa détention, être placé en rétention administrative le temps que le juge se prononce sur son recours.
7. Toutefois, d’une part, les dispositions contestées prévoient un délai maximum de cinq jours entre la notification d’une obligation de quitter le territoire à un étranger détenu et le moment où le juge administratif se prononce sur la légalité de cette mesure s’il en est saisi. L’étranger dispose donc d’un délai particulièrement bref pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci.
8. D’autre part, l’administration peut notifier à l’étranger détenu une obligation de quitter le territoire français sans attendre les derniers temps de la détention, dès lors que cette mesure peut être exécutée tant qu’elle n’a pas été abrogée ou retirée. Elle peut donc, lorsque la durée de la détention le permet, procéder à cette notification suffisamment tôt au cours de l’incarcération tout en reportant son exécution à la fin de celle-ci.
9. Dès lors, en enserrant dans un délai maximal de cinq jours le temps global imparti à l’étranger détenu afin de former son recours et au juge afin de statuer sur celui-ci, les dispositions contestées, qui s’appliquent quelle que soit la durée de la détention, n’opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi par le législateur d’éviter le placement de l’étranger en rétention administrative à l’issue de sa détention, tel qu’il a été analysé au paragraphe 6. »
→ Voir le communiqué : « Le Conseil constitutionnel consacre le droit au recours des étrangers détenus visés par une mesure d’éloignement »
Toutefois, dans sa décision, le Conseil constitutionnel ne se prononce pas directement sur la constitutionnalité du délai de 48 h laissé aux détenus pour déposer un recours, laissant ainsi la porte ouverte à la perpétuation des pratiques dénoncées. Une seconde QPC a donc été déposée à l’appui d’un contentieux individuel, pour contester cette fois directement le délai de 48 heures : le Conseil d’Etat a accepté de la transmettre au Conseil constitutionnel. Alors que la QPC était pendante devant lui est intervenu le vote de la loi Collomb qui, tout en modifiant le texte antérieur pour tenir compte de la décision du Conseil, laisse subsister le délai de 48 h : ceci a conduit la Cimade, le Gisti et l’OIP a rédiger un amicus curiae pour tenter de faire invalider la disposition critiquée.
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