Article extrait du Plein droit n° 65-66, juillet 2005
« Étrangers en Europe, étrangers à l’Europe »

L’Union européenne doit faire respecter les droits fondamentaux Contre l’inertie de la Commission, le Gisti saisit le Tribunal de Luxembourg

Le Gisti, associé à neuf autres associations européennes a déposé une plainte contre l’Italie après le renvoi, en quelques jours, de plus de 1500 personnes échouées sur l’île de Lampedusa (voir Plein droit n˚ 64). La Commission ayant opposé une fin de non recevoir, le Gisti a décidé de poursuivre la procédure.

Pendant que l’UE étudie les moyens de faire « porter le fardeau » de l’asile aux pays frontaliers, l’Italie, depuis de longs mois, met en pratique l’« externalisation » en renvoyant vers la Libye les boat-people qui débarquent sur l’île de Lampedusa. Ces migrants sont expulsés par charters après avoir été mis au secret dans des camps surpeuplés sans que personne ne se soucie d’enregistrer leurs demandes d’asile, ni des dangers qu’ils encourent à être renvoyés vers le pays du colonel Kadhafi.

Face à ces violations flagrantes des droits fondamentaux et des principes de conventions internationales pourtant ratifiées par l’Italie, dix ONG, dont le Gisti, avaient demandé à la Commission européenne d’introduire une procédure en manquement devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) afin de faire sanctionner l’attitude du gouvernement italien.

Estimant qu’elle n’a pas « de compétence générale en ce qui concerne les droits fondamentaux  », la Commission européenne a opposé une fin de non-recevoir à la plainte des associations sans même prendre la peine d’examiner leurs arguments. Une façon de suggérer que les droits fondamentaux ne constitueraient pas un socle commun pour l’Union européenne. Alors qu’on n’hésite pas à instrumentaliser ces droits pour barrer l’accès à l’Union de certains pays, les États membres historiques pourraient se dégager de toutes leurs obligations en la matière ?

C’est cette logique que le Gisti conteste en demandant l’annulation de la décision de la Commission devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE). Une action qui s’inscrit dans le droit fil de la résolution adoptée par le Parlement européen le 14 avril 2005 invitant « la Commission, gardienne des traités, à veiller au respect du droit d’asile dans l’Union européenne, conformément aux articles 6 du traité UE et 63 du traité CE, à faire cesser les expulsions collectives et à exiger de l’Italie ainsi que des autres États membres qu’ils respectent leurs obligations en vertu du droit de l’Union  ».

Les autorités italiennes ont délibérément violé certaines directives qui s’imposaient à elles, et des principes généraux du droit dont la CJCE a répété à plusieurs reprises qu’ils font partie de l’acquis communautaire. En alléguant son incompétence, la Commission cautionne, de fait, la politique de refoulement des boat-people organisée par le gouvernement italien. Cette stratégie d’évitement est lourde de conséquences, à l’heure où, sur fond de coopération avec la Libye en matière de « lutte contre l’immigration illégale », certains gouvernements veulent cantonner les réfugiés dans des camps aux marges de l’Europe, en attente qu’il soit statué sur leur sort.

Le Gisti attend donc du TPICE qu’il rappelle à la Commission son rôle, qui est de veiller au respect par les États des principes dont ils ne peuvent s’affranchir. Statuer autrement reviendrait à admettre, en contradiction avec tous les discours officiels, que les droits fondamentaux sont décidément accessoires pour l’Union européenne.



Article extrait du n°65-66

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Dernier ajout : jeudi 25 avril 2019, 13:05
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