Article extrait du Plein droit n° 31, avril 1996
« A la sueur de leur front »

Travail illégal : Petit lexique des infractions

Les infractions liées au travail illégal et aux trafics de main-d’œuvre sont nombreuses et lourdement sanctionnées. La complexité du système répressif favorise les confusions et les assimilations erronées et dangereuses. On « oublie » généralement que celui qui est visé par la répression est le chef d’entreprise (l’employeur) et non ceux qui offrent leur force de travail, en étant parfois victimes de montages juridiques peu protecteurs de leur statut de salariés. Le travailleur clandestin est un dirigeant d’entreprise, et non un travailleur subordonné. C’est encore moins un étranger dépourvu de titre de séjour l’autorisant à travailler. Le code du travail dresse une liste d’obligations s’imposant aux employeurs, obligations dont le non-respect est sanctionné pénalement. La pénalisation de ces obligations a pour objectif principal de protéger le salarié, et non de le réprimer. Tiennent une place à part ces infractions de travail clandestin et d’emploi non déclaré qu’il serait logique de classer parmi les infractions économiques, au même titre que les délits d’abus de biens sociaux ou de fausses factures.

◆ Le travail clandestin concerne l’exercice professionnel d’une activité dissimulée à but lucratif, soit directement, soit indirectement par le recours, fût-ce par personne interposée, au service de celui qui exerce l’activité clandestine (art. L. 324-9 et L. 324-10 du code du travail). Exercer une activité dissimulée, c’est se soustraire à l’une des obligations suivantes :

  • requérir son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés lorsque cela est obligatoire ;
  • procéder aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l’administration fiscale ;
  • en cas d’emploi de salariés, effectuer au moins deux formalités prévues par le code du travail (en l’occurrence, remise d’un bulletin de paie, reproduction des mentions portées sur le bulletin de salaire dans un livre de paie, déclaration préalable à l’embauche et tenue d’un registre unique du personnel).

Celui qui est coupable de travail clandestin encourt un emprisonnement de deux ans et une amende de 200 000 F. Le juge peut en outre prononcer, à titre de peine complémentaire, l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, l’exclusion des marchés publics pour une durée maximale de cinq ans, l’affichage ou la diffusion de la décision prononçant la condamnation… Le travailleur clandestin étranger peut être interdit du territoire français pour une durée de cinq ans au plus.

Le code du travail prévoit également, sur le plan civil, un mécanisme de solidarité pécuniaire entre le travailleur clandestin et celui qui a eu recours, directement ou par personne interposée, à l’activité dissimulée. Ce dernier est en effet tenu solidairement au paiement des impôts, taxes et cotisations dus au Trésor et aux organismes de sécurité sociale, au remboursement des aides publiques dont le travailleur clandestin a éventuellement profité et au paiement des rémunérations et charges dues aux salariés [1].

◆ Les infractions liées à l’emploi de travailleurs étrangers. La première de ces infractions est l’emploi d’étrangers démunis d’autorisation de travail : commet ce délit le chef d’entreprise qui, directement ou par personne interposée, engage, conserve à son service et emploie pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France (art. L. 341-6 du code du travail). Le contrevenant encourt trois ans d’emprisonnement et 30 000 F d’amende.

Un certain nombre de peines complémentaires peuvent aussi être prononcées, qui sont de même nature que celles prévues en cas de travail clandestin (interdiction d’exercer, exclusion des marchés publics… et interdiction du territoire français pour les dirigeants étrangers).

Le chef d’entreprise peut être, par ailleurs, frappé par une sanction pécuniaire de nature administrative, qui prend la forme d’une contribution spéciale devant être acquittée au profit de l’Office des migrations internationales (OMI). Du reste, le fait de violer le monopole de l’OMI chargé du recrutement et de l’introduction en France des travailleurs étrangers constitue un nouveau délit, sanctionné par deux ans d’emprisonnement et 20 000 F d’amende (art. L. 341-9 et L. 364-6 du code du travail).

Citons, enfin, le délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger qui peut, à la lumière de sa large définition, concerner les chefs d’entreprise (art. 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945). Les sanctions pénales encourues sont cinq ans d’emprisonnement et 200 000 F d’amende, et, à titre de peines complémentaires, l’interdiction de séjour, la suspension du permis de conduire, le retrait temporaire ou définitif de l’autorisation administrative d’exploiter, l’interdiction d’exercer…

◆ Le prêt de main-d’œuvre illicite et le marchandage constituent également des délits. Les prêts de main-d’œuvre sont largement encadrés par la loi puisque toute opération de cette nature doit normalement se faire par l’intermédiaire d’une entreprise de travail temporaire. Ainsi, « toute opération à but lucratif qui a pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite dès lors qu’elle n’est pas effectuée dans le cadre légal du travail temporaire » (art. L. 125-3 du code du travail). L’infraction de prêt de main-d’œuvre illicite, sanctionnée de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 F, vise l’entreprise qui met du personnel à disposition, sans pouvoir se prévaloir de la qualité d’entreprise de travail temporaire légalement constituée, et l’entreprise utilisatrice qui recourt à une main-d’œuvre extérieure en dehors du cadre légal. Il n’y a pas « délit » lorsque le « prêt » est opéré en exécution d’un contrat de nature commerciale, une entreprise prestataire de service pouvant envoyer certains de ses salariés dans une autre entreprise afin de réaliser une tâche précise.

Le marchandage est l’opération, elle aussi à but lucratif, de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié mis à disposition et d’éluder l’application des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles (art. L. 125-1 du code du travail). Les peines encourues sont les mêmes que celles prévues pour le délit de prêt illicite de main-d’œuvre. Le marchandage se distingue de ce dernier délit par la prise en considération des effets que l’opération produit sur le personnel mis à disposition auprès d’une autre entreprise que celle qui l’emploie.




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Dernier ajout : lundi 1er septembre 2014, 17:44
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