Article extrait du Plein droit n° 40, décembre 1998
« Les ratés de la libre circulation »

Le Pacte civil de solidarité et les étrangers : La peur du « PACS de complaisance »

Les débats agités qui ont marqué la discussion parlementaire sur le PACS n’ont pas réellement abordé la question du sort des « pacsés » étrangers. Un article de la proposition de loi est cependant consacré à cette question, et prévoit que :

« La conclusion d’un pacte civil de solidarité constitue l’un des éléments d’appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l’article 12 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, pour l’obtention d’un titre de séjour ».

Explication : la loi Chevènement, qui a modifié, en mai 1997, l’ordonnance du 2 novembre 1945, a introduit une disposition – l’article 12 bis 7° – qui permet de délivrer un titre de séjour à un étranger qui ne remplirait aucune des conditions par ailleurs prévues par la loi, mais « dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».

Bien que soit alors prévue la délivrance « de plein droit » d’une carte de séjour, l’appréciation des critères relatifs aux « liens personnels et familiaux » en France relève, en fait, du pouvoir discrétionnaire du préfet.

L’existence d’un PACS entre un ressortissant français et un étranger, ou entre deux personnes étrangères, ne constituerait donc, si la proposition de loi est adoptée en l’état, que « l’un des éléments d’appréciation des liens personnels » dont le préfet dispose pour estimer que l’étranger peut se voir reconnaître un droit au séjour.

C’est bien peu, quand on sait que le ministre de l’intérieur a donné, par voie de circulaire, une interprétation très restrictive de la notion de « vie privée et familiale », par laquelle il écarte la prise en compte du concubinage, sauf après cinq ans de vie commune et à la condition que le couple ait des enfants [1]. Autant dire que, pour le ministre de l’intérieur, le concubinage homosexuel n’existe pas. On est loin de l’attitude pragmatique de son homologue belge en la matière reconnaissant un droit au séjour aux personnes qui cohabitent « dans le cadre d’une relation durable » (voir encadré).

Dans une première version de l’article relatif aux « pacsés » étrangers, la proposition de loi alignait leurs droits sur ceux des conjoints de Français mariés depuis moins d’un an : la délivrance d’un titre de séjour était automatique, dès lors que le PACS était conclu depuis au moins un an et que l’étranger était entré régulièrement en France.

Mais sans doute la perspective de l’automaticité a-t-elle fait craindre le « PACS de complaisance » ... La formule finalement retenue, en refusant de prendre en compte la réalité, laisse subsister l’hypocrisie qui a prévalu jusqu’ici à l’égard des couples homosexuels.

On trouvera ci-après les propositions du Gisti pour une reconnaissance, dans la future loi sur le PACS, des droits des partenaires étrangers, homosexuels ou hétérosexuels, ainsi que la position de l’ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour).




Notes

[1Circulaire du 12 mai 1998. Pour plus de détails, voir la note pratique du Gisti, Qui peut être régularisé par la loi Chevènement, août 1998.


Article extrait du n°40

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Dernier ajout : mardi 15 avril 2014, 17:54
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