CE, 19 février 2014, n° 375226
Le Conseil d’État refuse de contraindre l’administration à assurer le retour d’un enfant expulsé en violation flagrante des droits fondamentaux.

Mayotte

1. Le contexte

S. a 14 ans. Il est arrivé à Mayotte en 2011 avec sa mère qui s’est vu accorder une protection au titre de l’asile. S., sa mère et ses cinq frères et sœur résident donc à Mayotte en toute légalité.
Dans la nuit du 23 au 24 janvier 2014, S. est interpellé par la police. Le 25 janvier il est expulsé au mépris du droit vers une autre île des Comores où il est désormais isolé et en danger. La police et l’administration l’ont considéré comme majeur (né le 1er janvier 1995 selon un procédé courant) et sans droit au séjour, bien que sa mère ait apporté au commissariat et à la préfecture toutes les preuves nécessaires.

  • TA de Mayotte, 30 janvier 2014, n° 1400047 Saisi en référé, le tribunal administratif de Mayotte a reconnu l’illégalité de la procédure et de graves atteintes au droit à une vie privée et familiale normale.
    Mais il s’est borné à exiger du préfet de Mayotte qu’il demande au consulat de France aux Comores de délivrer « dès que possible » une autorisation pour le retour de S.
    Décision du TA de Mayotte
  • La mère de l’enfant a fait appel de cette décision devant le Conseil d’État, afin que ce retour soit organisé dans les plus brefs délais. Elle fait valoir l’extrême danger dans lequel cet enfant se trouve loin de Mayotte, notamment pour les motifs selon lesquels des protections ont été accordées par la France à cette famille.
    La Cimade et le Gisti se sont portés intervenants volontaires à ses côtés.

Il ne fait aucun doute qu’au delà de l’illégalité et la violation du droit à une vie privée et familiale, cet éloignement porte une atteinte d’une extrême gravité au droit d’asile, au droit à une protection dont des traitements inhumains et dégradants, au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, etc.

Voir le communiqué de la Cimade et du Gisti à la veille de l’audience : Encore un enfant expulsé de Mayotte au mépris des droits fondamentaux : combien de temps tout restera-t-il permis sous ces latitudes ?


2. Le Conseil d’État cautionne les rideaux de fumée du ministère de l’intérieur

Au cours de l’audience, le 12 février, le ministère de l’intérieur ne conteste pas l’illégalité et la violation du droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant - tout en tentant d’en rejeter la faute sur l’enfant qui aurait trompé l’agent de police en lui déclarant être né le 1er janvier 1995 !
Quant à réparer ce méfait, il déclare être prêt à prendre toutes les mesures utiles ajoutant qu’une injonction sous astreinte serait dès lors malvenue.

Une semaine plus tard, toujours pas de nouvelle d’un laissez-passer pour l’enfant.
Pourtant, le Conseil d’État rejette la requête considérée sans objet sur le fondement des assurances orales du ministère.

  • CE, 19 février 2014, n° 375226
    CE, 19 février 2014, n° 375256


3. Mobilisations pour le retour de l’enfant

Dès le lendemain de cette décision, le gouvernement a été saisi en vue du retour de l’enfant par le Défenseur des droits et par le HCR.

La Cour européenne des droits de l’Homme n’a pas jugé bon d’enjoindre le gouvernement d’organiser le retour de l’enfant comme cela lui avait été demandé. Mais elle l’a interrogé sur les mesures prises.

Sous tant de pressions, le gouvernement a enfin cédé ! Le jeune S. est revenu à Mayotte le 10 mars 2014.

Mais cette affaire est une preuve de plus de l’acharnement de la préfecture de Mayotte et du ministère de l’intérieur pour expulser envers et contre tous les droits et de la caution que le Conseil d’État n’hésite pas à lui apporter.

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Dernier ajout : samedi 21 juin 2014, 17:25
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