Anafé - Gisti
Visas de transit anti-tchétchènes : annulés par le Conseil d’État, rétablis cinq jours plus tard par décision ministérielle
Quelques jours à peine après son annulation par le Conseil d’Etat, le gouvernement vient de modifier la réglementation sur les visas de transit aéroportuaires (« VTA ») pour se donner la possibilité d’adopter, le même jour, un texte identique à celui annulé.
Le 28 février 2008, l’Anafé et le Gisti avaient en effet demandé au Conseil d’Etat la suspension et l’annulation des deux arrêtés définissant pour la France la liste des États dont les ressortissants sont tenus de produire un visa de transit aéroportuaire (VTA) (Voir communiqué Anafé-Gisti du 10 mars 2008). Depuis les années 90, ces visas, faute desquels, les ressortissants des pays qui y sont soumis se voient interdire de faire escale en France, sont imposés aux ressortissants de certains Etats tiers lorsqu’ils doivent transiter par les aéroports d’un Etat de l’Espace Schengen. La France est, de très loin, le pays de l’espace Schengen qui a instauré le plus de VTA, en ajoutant 22 pays à la liste commune. Les visas de transit aéroportuaire ont pour conséquence d’empêcher des réfugiés de venir solliciter la protection de la France, les VTA étant difficiles – voire impossibles – à obtenir, en particulier dans leur pays d’origine.
Le 15 janvier 2008, la Guinée-Bissau et Djibouti ont été ajoutés à cette liste, au moment même où certains Somaliens atteignaient la France sous couvert de documents de voyage djiboutiens.
Le 1er février 2008, les citoyens russes « en provenance d’un aéroport situé en Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Turquie ou Egypte » étaient soumis à l’obligation des VTA alors que quelques centaines de Tchétchènes faisaient escale à Roissy depuis plusieurs mois en provenance de ces aéroports et demandaient l’asile. Ces derniers étaient quasi-automatiquement admis sur le territoire français au titre de l’asile.
Le 17 avril ont encore été ajoutés la République dominicaine et le Togo. Pour les associations requérantes, la stratégie gouvernementale est évidente : il s’agit d’empêcher en amont le départ des réfugiés, en les maintenant le plus loin possible du territoire français, même dans des régions où leur sécurité est menacée. Les VTA n’ont plus pour conséquence mais bien pour but direct de rendre impossible l’accès au territoire à de nombreuses personnes en quête de protection.
Ainsi, après l’adoption de ces VTA, le nombre de Somaliens et de Tchétchènes en zone d’attente a brutalement chuté.
Le 25 juillet 2008 [1], le Conseil d’Etat a rendu une décision insatisfaisante :
- il a validé dans son principe les visas de transit anti-réfugiés en considérant que le droit d’asile n’est pas violé puisque les VTA répondent à « des nécessités d’ordre public tenant à éviter, à l’occasion d’une escale ou d’un changement d’avion, le détournement du transit aux seules fins d’entrée en France ». Il accrédite ainsi la thèse gouvernementale dont le seul souci est de maîtriser les flux migratoires au mépris des droits fondamentaux ;
- Il a annulé en revanche l’arrêté du 1er février 2008 concernant les Tchétchènes en considérant que les autorités françaises ne pouvaient pas instaurer de VTA ciblant certains aéroports, mais uniquement pour les ressortissants d’un pays déterminé. L’ANAFE et le GISTI pouvaient se réjouir qu’aucun « filtre ethnique » déguisé ne puisse être instauré par les autorités françaises.
Mais l’annulation se fondant sur le seul motif que l’arrêté interministériel de 1984 ne prévoyait pas la possibilité d’instaurer des VTA par aéroport de provenance, les ministres concernés ont pu, moins d’une semaine après la décision du Conseil d’Etat, rétablir les VTA anti-tchétchènes grâce à un véritable tour de passe-passe juridique : ils ont, dans un premier temps, modifié l’arrêté de 1984 pour, dans un second temps, rétablir la disposition annulée par le Conseil d’État. Tout en censurant formellement le gouvernement, le juge a donc en réalité prêté la main à cette nouvelle attaque contre le droit d’asile.
Le 4 août 2008
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