action collective

Recours contre les arrêtés sur les visas de transit aéroportuaire (VTA)
Audience devant le Conseil d’Etat le 13 mars 2008

Par requêtes déposées le 28 février 2008, l’Anafé et le Gisti ont demandé au Conseil d’Etat l’annulation et la suspension des deux arrêtés des 15 janvier et 1er février définissant la liste française des visas de transit aéroportuaire car leur finalité première est d’empêcher l’accès des demandeurs d’asile aux frontières françaises.

Il existe en droit international un privilège général permettant normalement aux passagers de transiter par un aéroport afin de prendre une correspondance sans visa. Néanmoins, depuis le milieu des années 90, les Etats parties de la Convention de Schengen, particulièrement la France, imposent aux ressortissants de certains Etats tiers l’obligation de solliciter auprès d’un consulat un visa de transit aéroportuaire (VTA) pour effectuer ce transit dans leurs aéroports. L’objectif est clairement d’empêcher qu’à cette occasion, le passager en transit puisse effectuer une demande d’asile. Pour les réfugiés, le VTA est en effet difficile – voire impossible – à obtenir, en particulier dans leur pays d’origine.

Au total, les ressortissants de 34 pays figurent sur la [http://www.anafe.org/IMG/pdf/note_sur_les_vta_imposes_par_la_france_-_etat_des_lieux_et_enjeux.pdf]. La France est, de très loin, le pays de l’espace Schengen à avoir instauré le plus de VTA, en ajoutant 22 pays à la liste commune.

Récemment l’arrêté du 15 janvier 2008 est venu réécrire l’ensemble de la liste nationale en y ajoutant la Guinée Bissau et Djibouti. Ce dernier ajout vise, à l’évidence, à empêcher les flux de réfugiés somaliens [voir tableau statistique] – ces derniers voyageant souvent sous couvert de documents de voyage de cet Etat.

Quant à l’arrêté du 1er février 2008 instaurant un VTA à l’encontre des citoyens russes en provenance d’un « aéroport situé en Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Turquie ou Egypte », il n’a d’autre objectif que d’entraver la demande d’asile tchétchène à la frontière et particulièrement à l’aéroport de Roissy. En effet, à partir de septembre 2007, des centaines de Tchétchènes en provenance d’aéroports de ces pays et à destination de Djibouti ou Rabat, ont fait escale à Roissy et y ont demandé une admission au titre de l’asile. Or, jusqu’au dernier semestre 2007, selon le directeur de l’Ofpra, les Tchétchènes étaient quasi-automatiquement admis sur le territoire français au titre de l’asile. Face à cette augmentation des arrivées, les autorités françaises ont d’abord maintenu ces demandeurs en aérogare puis dans un nouvel espace ad hoc (dit « ZAPI 4 »), réquisitionné pour l’occasion ; ils ont ensuite fait l’objet de rejets quasi systématiques de leur demande d’asile.

Derrière une disposition en apparence technique, se cache en réalité une froide stratégie, bien connue de l’Anafé, qui consiste, depuis plusieurs années, à stopper les départs d’exilés en leur imposant ce visa de transit pour tout voyage prévoyant une escale dans un aéroport français.

Cette corrélation entre l’instauration des VTA et les demandes d’asile à la frontière est d’ailleurs établie par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère elle-même. En effet, lors de la réunion entre l’administration et les organisations habilitées en zone d’attente du 16 avril 2007, cette direction ministérielle a distribué un tableau sur « les demandes d’asile à la frontière » du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006 dans lequel elle établit mois par mois la corrélation statistique entre la demande d’asile à la frontière et l’instauration des VTA [v. graphique].

[http://www.anafe.org/] qui démontrent indéniablement que, depuis 2003, la décision d’instaurer un nouveau VTA est prise systématiquement suite à un examen attentif de l’augmentation de la demande d’asile à la frontière et du taux de reconnaissance. Ce sont les principales nationalités y sollicitant l’asile qui font l’objet de cette mesure. L’instauration d’un VTA a immédiatement pour effet de « neutraliser » la demande d’asile en provenance de ces Etats. Les réfugiés ont en effet très peu de chance d’obtenir un VTA pour une escale en France de la part des autorités consulaires françaises dans leur pays d’origine.

Par ces recours au Conseil d’Etat, l’Anafé et le Gisti demandent l’annulation pure et simple de ces deux arrêtés afin que les personnes puissent quitter leur pays pour demander une protection.

Ces deux arrêtés sont manifestement entachés d’irrégularités graves : pris par des autorités incompétentes (les ministres des Affaires étrangères et de l’Immigration), sans fondement légal adéquat, ils portent manifestement atteinte au droit d’asile.

L’audience publique de référé du 13 mars 2008 à 11h30 au Conseil d’Etat, qui sera assurée par le président de la section du contentieux, Bernard Stirn, pourrait aboutir à la suspension de ces arrêtés.

10 mars 2008
Référé suspension contre l’arrêté du 1er février 2008
Arrêt du Conseil d’État du 25 juillet 2008 annulant l’arrêté du 1er février
Référé suspension contre l’arrêté du 15 janvier 2008
Ordonnance du Conseil d’État du 1er avril 2008 rejetant le recours contre l’arrêté du 15 janvier

ANNEXE STATISTIQUE



L’objectif principal des VTA est bien d’entraver la demande d’asile à la frontière et elle concerne des vrais demandeurs d’asile et non « des fraudeurs ». Les statistiques démontrent en effet que les VTA concernent essentiellement des nationalités pour lesquelles les autorités ministérielles, après avis favorable de l’OFPRA, accordent l’admission sur le territoire français au titre de l’asile juste avant leur instauration (près de 100 % pour les Tchétchènes, 94 % pour les Somaliens, 79 % pour les Cubains, 57,7 % pour les Colombiens et 68 % pour les Ivoiriens).

Or, selon une recommandation de la CNCDH en novembre 2006 [1] « les autorités françaises devraient s’abstenir d’imposer l’exigence de visas de transit aéroportuaire aux ressortissants de pays en grande instabilité politique et en proie à la violence dont sont originaires de nombreux demandeurs d’asile ». De même, l’Anafé et de nombreuses associations ont vivement critiqué ce mécanisme auquel le gouvernement a recours dans le seul but d’empêcher de nombreuses personnes à se rendre en France, alors qu’elles se trouvent souvent dans le besoin urgent de bénéficier d’une réelle protection [2].


[1CNCDH, novembre 2006, Les conditions d’exercice du droit d’asile en France, La Documentation Française

[2Site de l’Anafé.

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Dernier ajout : lundi 29 juin 2020, 10:36
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