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Droit d’asile : la France doit protéger les femmes persécutées en raison de leur genre

En janvier dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a fait montre de progressisme : elle a reconnu les violences faites aux femmes comme un motif de persécution ouvrant droit au bénéfice de l’asile. Cette avancée considérable pourrait devenir réalité en France. Ce vendredi 14 juin, la Cour nationale du droit d’asile statue en effet sur plusieurs situations de femmes victimes de violences et pourrait reprendre à son compte cette décision. La France se mettrait ainsi en conformité avec ses obligations internationales.

Par un arrêt du 16 janvier 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a fait un pas de géant pour la reconnaissance de la qualité de « réfugiée » aux femmes exposées à des violences sexistes dans leur pays d’origine. Les femmes, dans leur ensemble, peuvent désormais être considérées comme appartenant à un « groupe social » selon la Convention de Genève. Cela signifie que, pour la CJUE, la violence à l’égard des femmes à raison de leur genre est reconnue comme une persécution pouvant ouvrir droit à l’asile, lorsqu’elles ne peuvent obtenir une réelle protection dans leur pays d’origine. La CJUE a confirmé sa position il y a quelques jours, en fonction des conditions prévalant dans le pays d’origine, et y compris pour les mineures.

Jusqu’à présent, les femmes devaient démontrer qu’elles appartenaient à des « groupes sociaux » créés par la jurisprudence, comme les personnes victimes de la traite des êtres humains, les fillettes et jeunes filles risquant l’excision, les personnes persécutées du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, etc. Avec cette décision de la CJUE, les femmes victimes ou exposées à des violences sexistes, qu’il s’agisse de violences physiques ou psychologiques, de violences sexuelles, économiques ou conjugales, devraient pouvoir prétendre à l’octroi d’une protection conventionnelle du seul fait d’être une femme victime de violence, même en l’absence d’autres motifs de persécution.

Cette décision européenne constitue une avancée importante mais elle ne prendra sa pleine effectivité en France que si elle est reconnue et mise en oeuvre par les instances nationales en charge de l’asile (en l’occurrence, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides - Ofpra - et la Cour nationale du droit d’asile - CNDA). Rappelons qu’aujourd’hui, la CNDA rejette encore par voie d’ordonnances, sans audience, des dossiers de femmes victimes de violences.

L’opportunité de franchir le pas se présente ce vendredi 14 juin à la CNDA. Nos associations de défense des droits des femmes étrangères apportent leur soutien à quatre femmes, ressortissantes d’Afghanistan, d’Albanie, de Guinée et du Mexique.

Reconnaître aux femmes le droit d’être réfugiées quand elles sont persécutées du seul fait d’être une femme serait une occasion pour la France de respecter ses engagements internationaux, notamment la Convention d’Istanbul de lutte contre les violences à l’encontre des femmes qu’elle ratifiait, il y a déjà 10 ans. Consolider le droit d’asile permettrait ainsi à la France de rejoindre la Belgique, l’Espagne, l’Irlande, la Suisse et l’Allemagne, qui ont reconnu, il y a déjà plusieurs années, que les femmes constituaient un groupe social. Une telle décision réaffirmerait aussi le rempart que constitue la justice face aux régressions législatives et gouvernementales, particulièrement bienvenu dans un contexte où l’extrême droite menace de prendre le pouvoir.

Paris, le 14 juin 2024

Signataires :

  • Elena France
  • Fasti (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou⋅te⋅s les Immigré⋅e⋅s)
  • Fédération nationale des CIDFF
  • FNSF (Fédération Nationale Solidarité Femmes)
  • Femmes de la Terre
  • Gisti
  • LDH
  • LFID (Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie)
  • JRS France
  • Le Planning familial
  • Rajfire

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Dernier ajout : mardi 18 juin 2024, 19:43
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