Recours contre la décision de la France de prolonger les contrôles aux frontières avec les pays de l’espace Schengen du 1er mai au 30 octobre 2022
C’est en novembre 2015, invoquant la promulgation de l’état d’urgence à la suite des attentats, que le gouvernement français a décidé de réintroduire des contrôles à ses frontières avec les pays de l’espace Schengen. Par la suite il a prolongé ou renouvelé à plusieurs reprises ces contrôles, de sorte qu’ils n’ont jamais cessé. Un premier recours a été déposé par l’Anafé, la Cimade et le Gisti devant le Conseil d’État contre la décision de prolonger les contrôles au-delà du 31 octobre 2017 alors que les règles européennes limitent à deux ans la possibilité d’exercer des contrôles systématiques aux frontières avec les pays de l’espace Schengen. Ce recours avait été rejeté au motif que la menace terroriste était encore à un niveau élevé. Un deuxième recours a été déposé contre la décision de prolonger les contrôles du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019. Il a été à nouveau rejeté, alors que l’état d’urgence avait été levé.
Les arguments tirés de l’ordre public et de la sécurité intérieure servent en réalité de prétexte pour exercer un contrôle sur les migrants à proximité des frontières, engendrant un lot de pratiques illégales : violences, non-respect du droit d’asile, enfermement, etc.
L’Anafé, la Cimade, le Gisti et la Ligue des droits de l’Homme ont introduit le 10 mai 2022 une nouvelle requête en annulation assortie d’un référé-suspension contre la décision de prolonger la réintroduction temporaire des contrôles à l’ensemble des frontières intérieures de la zone Schengen du 1er mai 2022 au 31 octobre 2022.
À l’appui de leur requête les associations peuvent cette fois s’appuyer non seulement sur les textes européens mais aussi sur une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 26 avril 2022. La Cour y précise que l’article 25 du code frontières Schengen - celui qui prévoit les conditions dans lesquelles les États peuvent réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures - « doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réintroduction temporaire par un État membre du contrôle aux frontières intérieures […] lorsque la durée de celle‑ci dépasse la durée totale maximale de six mois […] et qu’il n’existe pas de nouvelle menace qui justifierait de faire une nouvelle application des périodes prévues audit article 25 ».
Par une ordonnance du 13 mai 2022, rendue sans audience, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté la demande de suspension en faisant état de ce que la requête au fond devait être audiencée dans les prochaines semaines et qu’il n’y avait donc pas urgence à suspendre l’exécution de la mesure contestée.
Par une décision rendue le 27 juillet, le Conseil d’État a rejeté la requête et validé une nouvelle fois la prolongation des contrôles aux frontières intérieures, sans tenir compte de la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui avait pourtant, dans un arrêt du 26 avril 2022, qu’un État membre ne pouvait rétablir des contrôles à ses frontières intérieures pour une durée excédant 6 mois, sauf apparition d’une nouvelle menace, distincte de la précédente. Aux yeux du Conseil d’État, une menace peut être regardée comme nouvelle, même si elle n’est pas d’une nature différentes de celles précédemment identifiées, dès lors que « des circonstances et événements nouveaux en font évoluer les caractéristiques ».
>> Voir les communiqués :
« Cinq ans de contrôles illégaux aux frontières intérieures françaises », 29 avril 2022
« Le Conseil d’Etat enterre l’espace Schengen et s’oppose à la Cour de justice de l’Union européenne », 29 juillet 2022
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