action collective
Asile en Île-de-France : ça sonne dans le vide !
Audience vendredi 22 novembre contre la plate-forme téléphonique de l’OFII au TA de Paris
Nous appelons toutes les personnes solidaires à venir à l’audience le vendredi 22 novembre à 10h30 au tribunal administratif de Paris 7 rue de Jouy (métro Saint Paul – ligne 1)
Depuis mai 2018, pour enregistrer sa demande d’asile en Île-de-France, il faut passer par une plate-forme téléphonique gérée par l’Ofii. À de nombreuses reprises des associations et collectifs [1] ont dénoncé ce système permettant à l’administration d’invisibiliser les demandeurs d’asile en attente d’un rendez-vous.
Des personnes tributaires de ce système inique, désespérées par la grande difficulté à enregistrer leur demande d’asile, ont elles-mêmes dénoncé ce système en adressant un courrier à l’OFII (voir la lettre ci-dessous) .
Depuis la mise en place de ce numéro, l’accès à l’asile en IDF est entravé à cause de la saturation de la plate-forme. En effet, celle-ci distribue les rendez-vous non pas en fonction du volume de la demande, mais en fonction d’un nombre fixé à l’avance par les préfectures d’Île-de-France alors que le nombre de personnes attendant l’enregistrement de leur demande d’asile est bien supérieur [2]. Ce système de quota est incompatible avec la loi, qui oblige l’administration à enregistrer les demandes d’asile des personnes dans les 3 jours [3].
Non seulement ce numéro est saturé, mais il est payant. Pour un appel de 45 minutes, le montant facturé par les principaux opérateurs utilisés par les exilé.es est équivalent à 6,75 euros. Or, en règle générale, l’attente dure 45 minutes, après lesquelles la communication s’arrête automatiquement. Il faut alors tout recommencer.
Sachant qu’il faut de nombreux appels pour parvenir à joindre la plate-forme, certaines personnes sont contraintes de débourser plusieurs dizaines d’euros simplement pour obtenir un rendez-vous. Certaines n’y arrivent jamais.
Actuellement, bon nombre de personnes dormant à la rue, notamment dans les campements du nord parisiens, sont en attente d’enregistrer leur demande d’asile.
Cette impasse administrative laisse les personnes dans la précarité la plus totale car, tant que leur demande d’asile n’est pas enregistrée, non seulement elles n’ont pas accès à un hébergement et à l’ouverture de leurs droits sociaux, mais elles n’ont pas non plus droit au séjour. Certaines d’entre elles finissent en centre de rétention administrative (CRA) après un contrôle de police car elles ne peuvent présenter aucune attestation de demande d’asile.
Par ce système, les autorités organisent délibérément la précarité et l’irrégularité des personnes souhaitant demander l’asile. Combien de temps ce jeu destructeur va t-il encore durer ? Combien de temps les personnes en attente de protection vont t-elles devoir dormir à même le sol et devoir choisir entre téléphoner ou manger ?
Au mois de février 2019, le tribunal administratif de Paris (TA), saisi par des exilé.es et des associations, avait estimé que « le nombre d’agents (de l’OFII) [devait] être adapté en fonction des volumes d’appels entrants non honorés » pour respecter le délai légal d’enregistrement de 3 jours. Mais il s’était contenté, dans sa décision, d’enjoindre au directeur général de l’Office de l’immigration et de l’intégration « de renforcer le dispositif d’accueil de sa plate-forme téléphonique » en embauchant deux personnes supplémentaires [4]. Ce qui ne règle en rien le problème.
Des dizaines de requêtes individuelles ont été déposé ces derniers mois au TA de Paris afin de permettre aux personnes d’obtenir un RV pour enregistrer leur demande d’asile. Mais passer par un tribunal pour faire enregistrer une demande d’asile ne doit pas être la solution.
C’est pourquoi nos associations se retrouvent encore une fois aux côtés de 20 éxilé⋅es afin de demander au tribunal de sanctionner ce système globalement, voire de le supprimer, et pour que la France respecte enfin ses obligations d’enregistrer les demandeurs et demandeuses d’asile qui sollicitent sa protection [5].
Nous demandons :
- l’accès effectif pour toutes et tous et dans les trois jours à la demande d’asile ;
- le renforcement des effectifs des guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA), en les adaptant en fonction du nombre d’appels téléphoniques entrants sur la plate-forme téléphonique de l’OFII et la fin au plafonnement du nombre de rendez-vous aux GUDA que l’OFII peut distribuer ;
- la mise en place en place un numéro d’urgence totalement gratuit, les demandeurs d’asile étant bien dans une situation d’ « urgence sociale » au sens de l’article D-98-8 du code des postes et des communications électroniques ;
- un accès effectif à l’asile pour toute personne, majeure ou mineure, par le biais d’un dispositif complémentaire à la plate-forme téléphonique de l’OFII, sous forme d’un accueil physique ;
- et enfin, le renforcement des effectifs des structures de premier accueil (SPADA) afin qu’elles puissent assurer pleinement la prestation de présentation prévue par le cahier des clauses particulières.
Signataires :
- Ardhis
- Dom’asile
- Gas
- Gisti
- JRS France
- Kâlî
- La Cimade
- Le Comede
- LDH
- Primo Levi
- Secours Catholique Le cèdre
- Solidarité Jean Merlin
- Utopia 56
La lettre co-écrite et signée par plus de 60 personnes exilées en attente d’un rendez-vous à la plate-forme
Monsieur Didier Leschi, Directeur général de l’OFII,
Nous sommes des personnes étrangères souhaitant demander l’asile en France et nous vous écrivons aujourd’hui car nous sommes en Île-de-France depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, et n’arrivons pas à accéder à la demande d’asile. En effet, depuis mai 2018, la France a mis en place en Île-de-France une plateforme téléphonique géré par l’OFII par laquelle doit passer toute personne qui souhaite demander l’asile. Ce système était censé améliorer les conditions de premier accueil et mettre fin aux files d’attente devant les Plateformes d’Accueil des Demandeurs D’Asile, pour respecter le droit européen de l’asile qui veut que les États enregistrent les demandes d’asile sous les trois jours suivant l’entrée sur le territoire. Cela est très loin d’être le cas, et le système de plateforme téléphonique s’est avéré défaillant.
La première raison est que le numéro n’est pas gratuit. Ainsi, à peine arrivés en France, sans aucune ressource, nous devons payer environ 5€ par appel pour accéder à ce droit fondamental. Or, la ligne étant saturée, un appel ne suffit jamais : certains de nous mettent jusqu’à six mois pour obtenir un rendez-vous. Tout ce temps-là, nous n’avons ni solution d’hébergement, ni allocation, ni protection santé. Certaines personnes n’ont même pas de téléphone pour appeler la plateforme et dépendent des proches ou des associations.
L’État nous laisse ainsi dans l’insécurité administrative : à tout moment, nous risquons d’être interpellés et expulsés vers notre pays d’origine sans avoir pu déposer notre demande d’asile en complète violation du droit international. Par ailleurs, les personnes ayant mis plus de trois mois à obtenir un rendez-vous se voient placées en procédure accélérée, et voient ainsi leurs droits restreints, non pas par leur faute, mais en raison de la défaillance du système. La durée d’examen de leur demande est réduite, et elles n’ont ni droit à l’allocation de demandeur d’asile ni à une solution d’hébergement.
En ne nous permettant pas d’accéder à la demande d’asile, l’État nous met en danger. Sans solution d’hébergement, nous sommes obligés de vivre dans la rue, dans des campements ou dans des squats, dans de mauvaises conditions d’hygiène. Fragilisés, nous pouvons être exposés à des maladies graves et contagieuses et n’avons pas accès aux soins.
Sans assez de rendez-vous, l’OFII donne la priorité aux femmes, aux familles et aux couples. Cette politique ne leur épargne pas pour autant toutes les difficultés décrites jusqu’ici, car elles aussi subissent des délais anormalement longs pour accéder à leur demande d’asile.
Pour les hommes isolés, les délais d’attente explosent. Quand ils réussissent enfin, à force d’appeler, à avoir un interlocuteur, celui-ci raccroche sans examiner leur situation dès qu’ils se présentent comme homme isolé. Pourtant, ils n’en sont pas moins vulnérables : en situation irrégulière, sans solution d’hébergement, sans allocation, sans protection santé. Certains subissent des violences du fait de leur orientation sexuelle, d’autres vivent dans des conditions très précaires alors qu’ils sont gravement malades. Toutes ces situations de détresse, l’OFII ne prend même pas le temps de les examiner au téléphone.
Nous demandons à ce que l’État respecte ses engagements et permette à toute personne qui le souhaite de demander l’asile dans des délais dignes et légaux.
Pour cela, nous demandons qu’il y ait suffisamment de rendez-vous en Structure de Premier Accueil des Demandeurs d’Asile et au Guichet Unique des Demandeurs d’Asile et suffisamment d’agents de la plateforme téléphonique de l’OFII pour traiter toutes les demandes ;
Compte tenu des difficultés financières des personnes souhaitant demander l’asile, nous demandons la gratuité du numéro de la plateforme téléphonique.
Pour renforcer l’accès à l’enregistrement de la demande d’asile, nous demandons qu’un accès physique complémentaire à la plateforme téléphonique soit mis en place. Enfin, pour mettre fin à notre insécurité administrative et à l’attente angoissante des personnes, nous demandons au minimum que des rendez-vous soient attribués sur plusieurs jours.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, veuillez recevoir. Monsieur Leschi, l’expression de nos sentiments les plus respectueux,
[2] Nous avons demandé à l’OFII qu’elle communique le nombre d’appels reçu par jour en 2019, mais en vain. En 2018, l’OFII a annoncé le chiffre de 3 200 appels par jour alors que le nombre de rendez-vous donnés par jour en IDF est de 270 (en début d’année on était à environ 320 rendez-vous). La différence est entre appel téléphonique et rendez-vous donnés est très importante.
[3] Depuis un arrêt du Conseil d’État ce délai de 3 jours constitue une obligation de résultat pour la France, CE 28/12/2018, n°410347.
[4] TA Paris 13/02/2019, n°1902037/9.
[5] Collectif asile IDF, Le préfet de police condamné à plus de 135 reprises pour violation du droit d’asile, avril 2016.
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