Article extrait du Plein droit n° 53-54, juin 2002
« Immigration : trente ans de combat par le droit »

Fragments du singulier, archive du collectif

Philippe Artières

Historien, chargé de recherches au CNRS.
Accidents du travail, maladies, licenciements, problèmes de papiers, conditions de logement, expulsions : tels étaient les principaux problèmes que les immigrés venaient soumettre à la permanence juridique du Gisti, à la création de l’association. La retranscription du premier cahier de permanence – de décembre 1972 à octobre 1973 – nous livre ainsi un témoignage brut des années 70 sur la vie au jour le jour d’immigrés en France. Ces fragments du singulier disent une histoire collective, celle de l’immigration il y a trente ans.

A partir du 16 décembre 1972, le Gisti tint le samedi une permanence juridique, rue Gay-Lussac, à Paris dans le 5e arrondissement. De cette action reste, en dehors du souvenir de quelques acteurs et témoins, un gros cahier broché dans lequel les membres consignèrent semaine après semaine, lors des trente-six permanences tenues cette première année, le récit de leurs rencontres avec les travailleurs immigrés [1].

Plus de vingt-six militants s’y succédèrent, nécessitant la tenue de ce registre de suivi dans lequel chacun résumait les cas traités. A côté de six ou sept membres très assidus, un petit groupe d’une vingtaine de personnes assurèrent également plusieurs séances qui rassemblaient deux à quatre militants.

Au cours de ces permanences juridiques, le Gisti prête conseil à une centaine de travailleurs immigrés. Les débuts sont difficiles : deux personnes seulement viennent à la première permanence ; certains samedi, tels les 10 février, 10 mars ou 14 mars, c’est désert ou presque. Mais, en moyenne, ce sont quatre ou cinq cas qui sont examinés [2]. Ils émanent tous ou presque de Paris intra-muros [3]. Portugais (21 %), Tunisiens (16 %), Algériens (14 %) constituent, cette première année, les principaux usagers du Groupe, mais ce sont au total des travailleurs de dix-sept nationalités qui viennent demander l’aide des juristes (six Espagnols, cinq Marocains, trois Grecs, deux Maliens, un Péruvien, un Camerounais, un Chinois, une Luxembourgeoise, un Sénégalais, un Bolivien, un Polonais, un Canadien et un apatride [4]). Souvent, un tiers vient exposer les cas : il s’agit de travailleurs sociaux, de collègues français ou immigrés, d’employeurs ou de collectifs. Dans la majorité d’entre eux, la consultation est unique, on renvoie sur un avocat, sur un militant qui prend en charge le dossier.

Mais la permanence accueille également de nombreuses associations ou collectifs : un jour le Comité Mohamed Diab [5], un autre l’association de soutien aux travailleurs immigrés d’Asnières, un troisième samedi le Groupe d’information santé ou un collectif d’un foyer Sonacotra. Ces groupes ne viennent pas seulement chercher de l’information, ils en délivrent aussi au Gisti. Les comptes rendus de ces rencontres dessinent ainsi l’émergence progressive d’un réseau de militants. Ce cahier est en ce sens l’archive d’une époque où différentes luttes s’entrecroisent.

Livre aux écritures multiples, archive de l’émergence d’une lutte collective, ce registre est surtout, trente années après, le lieu d’inscription de plusieurs dizaines de récits de vies tombées dans l’oubli, des vies très ordinaires, celles de travailleurs immigrés. S’y succèdent des biographies succinctes rédigées par un membre du Gisti, plus ou moins prolixe, sur un modèle unique : nom et prénom, nationalité, domicile, exposé du problème, conseil donné, personne à contacter. Les personnes reçues sont majoritairement des hommes (à peine 10 % environ de femmes) ; si certains sont étudiants, la majorité sont des ouvriers employés dans des petites et moyennes entreprises, qui logent dans une chambre d’hôtel meublé ou dans un foyer. Cette somme d’existences constitue ainsi un témoignage unique du début des années 70 sur la vie au jour le jour d’immigrés en France : accidents du travail, maladies, licenciements, problèmes de papier mais aussi conditions de logement (loyers excessifs, absence de reçus, changement de propriétaire), expulsion forment la matière de ce volume.

Dans ces pages, ont été captés en quelques lignes des instants singuliers de vie, de ces vies précaires, fragiles. Document précieux pour les historiens, ces fragments du singulier dont nous donnons ici de larges extraits, disent une histoire collective, celle de l’immigration il y a trente ans.

De quoi parlent les immigrés qui viennent consulter le Gisti fin 1972 ? Ils demandent aide et conseil pour plus d’un tiers sur des problèmes liés au travail : si quelques uns se plaignent de discrimination à l’embauche, d’absence de fiches de paie, de conditions de travail difficiles et, de façon notoire, d’accidents du travail, d’autres ont été licenciés dans des conditions illégales ou pour des motifs jugés abusifs ; une majorité de ces personnes viennent pour des problèmes de carte de travail qu’elles ne parviennent pas à obtenir. La question des papiers et de la régularisation des situations administratives – notamment des permis de séjour – recoupe ce premier thème ; un autre tiers des demandes porte en effet sur la marche à suivre pour obtenir la carte de séjour, passer d’un statut d’étudiant à celui de travailleur, ...

Le troisième grand problème évoqué dans le cahier de permanence – avec 20 % environ des demandes au groupe, demandes tantôt d’individus, tantôt de collectifs – est celui du logement. Il arrive qu’il s’agisse d’une prochaine expulsion mais, dans la majorité des cas, ce sont les pratiques des « marchands de sommeil » qui sont dénoncées. A la merci d’un propriétaire ou soumis au racket d’un gérant, les usagers du Gisti dessinent un tableau des conditions de vie des immigrés, en ce début des années 1970 en France, particulièrement noir, où l’arbitraire domine.

Enfin, et de façon moins massive, le cahier porte la trace de problèmes de racisme, de répression politique et d’un ensemble de questions de vie quotidienne – scolarisation, assurance, pension militaire. Au total, pour qui veut bien les lire, ces éclats du quotidien disent très concrètement la situation des travailleurs immigrés (d’hommes mais aussi de femmes) dans l’après-68. ;

16/12/1972

M. Amar H. (Billancourt). Algérien. 38 ans. monteur.

De la part de « la Régie Renault ».

Accident du travail de nov. 1967. Rente accordée puis supprimée. Rechutes. Recours commission gracieuse sécurité sociale. Forclos pour saisine commission SS 1ère instance.

On a fait une lettre au nom de l’avocat pour l’assistante sociale qui lui indiquera un docteur pour un nouveau certificat médical.

Bilan : avoir un réseau de médecins à qui adresser les gens.

16/12/72

Mlle Francisca P. (rue Notre-Dame-des-Champs, Portugaise. 24 ans. Confection.

De la part de Manuel de la Cimade.

Loue une chambre (250 F/mois). Pas de reçus.

La propriétaire (Mme Robert) veut la mettre dehors.

Loi de 1948 s’applique.

Avait déjà rendez-vous avec G. pour le 20/12/27.

Bilan : avoir un réseau de gens compétents pour faire les surfaces corrigées.

18/01/1973

M.M., Tunisien.

Carte de séjour valable jusqu’à 1974. Carte de travail expirée en 12-72. Demande renouvellement à la préfecture de Créteil refusée : parce qu’il n’avait pas de certificat de travail relatif à un emploi pendant un an au moins avant l’emploi qu’il a depuis janvier 72.

Contacté Françoise P.

M. Jean-François L. ASTI [6] de Clamart, 10 rue du Guet, Clamart.

1) Expulsions à l’hôtel Etoile d’Or à Clamart, par ordonnance de référé, après congé non motivé de la propriétaire.

2) Au même hôtel, le prix des chambres est de 235 F et il est demandé aux locataires un « pas de porte » de 500 F.

L’ASTI va vérifier les barèmes et éventuellement déposer une plainte sur la base de l’ordonnance de 45 (30 juin)

3) Neuf ménages yougoslaves à Clamart étaient logés dans des locaux appartenant à un nommé Djiridi (loyers de 200 à 400 F). A plusieurs reprises, Djiridi leur a demandé de verser des sommes importantes à titre de caution, au total 15 000 F (reçu a été délivré).

Il y a, à l’encontre de Djiridi, saisie immobilière, et le nouveau propriétaire a demandé l’expulsion des locataires yougoslaves. Il l’a obtenu. Djiridi a disparu de la circulation.

Les Yougoslaves voudraient récupérer les « cautions ». Il a été conseillé à l’ASTI de porter plainte après avoir vu un avocat.

Mme Angélique C., de nationalité grecque.

A fait des études en France. Titulaire d’une carte de séjour en cours de renouvellement.

A commencé à travailler comme dessinateur projeteur. Pour pouvoir l’employer régulièrement, l’employeur a déposé une offre d’emploi à l’ANPE. Un candidat a été envoyé par l’Agence, ce candidat n’avait pas les qualifications nécessaires.

Au bout de trois semaines, l’ANPE a délivré l’attestation d’offre d’emploi et Mme C. a déposé une demande de carte de travail.

Le DDTMO [7] a notifié un refus, « l’employeur ayant refusé d’embaucher une personne au chômage n’ayant pas les qualités requises  ».

Il semble que l’ANPE et le DDTMO aient su que Mme C. travaille déjà dans l’entreprise. On a conseillé à Mme C. de faire envoyer une lettre par l’employeur au DDTMO pour insister pour que la carte de travail soit délivrée (brouillon de lettre a été rédigé).

Mme V., Française mariée à un Portugais.

Problème de loyer dans un appartement soumis à la loi de 1948. Le loyer demandé (900 F pour 70 m2 dans un immeuble sans grand confort) paraît supérieur à celui qui résulterait du calcul d’après la surface corrigée. Bail de six ans.

Il semble, en outre, que l’immeuble ait changé deux fois de propriétaire depuis un an, et Mme V. n’est pas certaine que les demandes de loyer qu’elle a perçues émanent du propriétaire réel. Elle n’a donc pas payé le mois de juillet.

Conseils donnés :

  Consigner le loyer chez un notaire ou à la Caisse des dépôts (l’idée est de Mme V.)

  Si le propriétaire envoie un huissier, déclarer qu’elle refuse de payer tant qu’elle n’aura pas un titre attestant que le propriétaire est bien celui qui envoie la demande, et déclarant un décompte de surface corrigée justifiant le loyer.

  Se procurer le Guide du particulier et faire faire un décompte de surface corrigée par un architecte de ses amis.

Mme Chantal A., Charonne (moniteur d’alphabétisation).

Un jeune étranger embauché comme manœuvre en octobre 1972 a reçu une lettre de licenciement immédiat dès son retour de congé de maladie au mois de décembre (mais il avait travaillé de nouveau quelques jours).

Il semble que, en l’absence de contrat de travail, le code du travail permette les licenciements sans préavis au cours des six premiers mois. Renseignement donné sans garantie avec conseil de vérifier auprès d’un syndicaliste.

M.C. , Portugais, nettoyeur.

Cherche à se faire régulariser. Une entreprise de nettoyage Lina-France sarl 20 000 F ( !) lui a fourni une attestation d’emploi. mais il y a un malentendu sur la procédure. La procédure est expliquée et M.C. accompagné de R. ira préciser les choses à l’entreprise et essaiera de lancer la procédure de régularisation. Problème de l’attestation de logement pour un travailleur qui ne gagne rien encore face à un employeur qui ne veut certainement pas s’en occuper.

Salah B. (accompagné par deux membres d’un groupe informel du 11e).

Arrivé comme « touriste » le 6 novembre 72. Travaille depuis le 8 décembre comme plongeur dans un restaurant « Self », 87 rue Réaumur. Payé 700 F sans fiches de paye.

A cherché dossier à la préfecture de police, l’a donné à la gérante (Mme Jacqueline) – (le patron : M. René, et le gars avec qui est la gérante : M. Jean).

La gérante, au bout de trois semaines, lui a dit que la préfecture avait refusé.

Dans ce restaurant, il y a une dizaine d’employés dont deux Français, un Tunisien qui a ses papiers en règle et gagne 900 F ; également deux femmes algériennes dont le camarade ignore si elles ont des papiers en règle.

L’aide-cuisinier, un jeune Français, accepte de témoigner que Salah B. travaille dans le restaurant.

Salah B. est logé dans un hôtel à Belleville (rue Pali-Kao n° 7).

Nous lui avons conseillé d’aller voir lundi Françoise P.

Khaled M., Tunisien.

Contrat 1 an. Rupture par le patron (qui conteste). Arrêt de travail. Non déclaration à sécurité sociale.

Khaled M. introduit une instance devant le conseil des prud’hommes en 18 000 F. Audience Bureau général 22 mai 73.

Cas typique Circulaire Fontanet.

Simone P. a pris le dossier.

Abderrahman N. (avocat J.F.M.)

Rupture contrat 1 an. Devant introduction instance aux prud’hommes, patron le reprend.

Quid de la sécurité sociale, feuilles paye puisque interruption de contrat, puis reprise.

Recherche d’entente sur ces points avec le patron.

10/2/73

Maria da Silva, Portugaise, 23 ans.

Entrée en France en avril 72. Travaille depuis dix mois comme couturière.

Situation régularisée en juillet 72 par contrat de travail au nom de Laboudie. Pas de fiche de paie. Pas de sécurité sociale. Inscrite comme femme de ménage.

Payée 600 F logée, nourrie, blanchie. Correct mais le patron entre à n’importe quelle heure.

Visite médicale de l’ONI [8]. Carte de séjour temporaire. Contrat durée un an incomplet.

1) envoyer une lettre à l’employeur pour demander régularisation. Envoyer un double au directeur départemental du travail et de la main d’œuvre (3 semaines de délai)

2) sinon prud’hommes.

ASTI de St Denis, Cité Danielle Casanova.

Réparations de robinetterie mises à la charge des locataires sans qu’ils aient eu la possibilité de contrôler le travail, les factures.

Françoise H. prendra contact avec Nadine Ch.

M.C., Espagnol, 5 enfants, habite un logement de trois pièces en très mauvais état qu’il a obtenu grâce à une réquisition. Réquisition faite il y a trois ans pour une durée d’un an. Le propriétaire veut le mettre à la porte.

Françoise H. prendra contact avec Nadine Ch.

3/03/73

M.M., de la part de Françoise P.

Apatride ayant vécu en Espagne, né de mère française. Le consulat de France en Espagne a estimé que sa filiation était insuffisamment établie. Considéré donc comme apatride, il a du quitter l’Espagne, mais il sera obligé de faire son service militaire. S’il n’accepte pas cette obligation peut-il tout de même obtenir cette nationalité ?

17/3/73

Tunisien, n’a plus de carte de séjour depuis 1968.

A fait démarches à la préfecture. N’a pas obtenu de contrat auprès de son employeur qui ne lui a délivré qu’une attestation de travail. Donc dossier carte de séjour stoppé.

Catherine L. doit écrire à l’employeur Delmas en lui demandant de remplir ce contrat afin de pouvoir renouveler la carte de séjour.

Est venu de la part du Centre médico-social St Bernard, 50 rue Stephenson, 18e.

Péruvienne, sans carte de séjour depuis déc. 72.

Doit obtenir renouvellement avec contrat travail secrétaire bilingue.

Portugais. Femme enceinte de 8 mois ½.

Contrat de manœuvre refusé. Refus de séjour par le 22 mars 1973. Demandé lundi 19 à l’assistante sociale de téléphoner au ministère de l’intérieur.

Intervention de D. éventuellement.

Travailleur. Condamnation 6 mois avec sursis pour vol.

Autorisations provisoires de séjour qui se succèdent. Refus au 8e bureau. Téléphoner au ministère de l’intérieur (depuis 15 jours en situation irrégulière).

31/3/73

Un travailleur camerounais s’est fait licencier par son patron parce qu’il exigeait de lui qu’il signe les papiers de l’ONI. L’affaire passe aux prud’hommes mardi.

Affaire confiée à Me M.

Immeuble 72 rue Quincampois. Maliens, Sénégalais, Mauriciens… 45.

(2 chambres de 8, 1 chambre de 6, chambres de 3 et 2).

Courant année 71 : hôtel sous scellés. Keita M. (malien) rassemble des Africains, les y loge en percevant caution (donne reçus).

Novembre 71 : eau, gaz, électricité coupés, car factures non réglées. Démarche des locataires au juge des référés qui nomme un administrateur de biens sous scellés (M. Gondre) lequel perçoit loyer, donne quittances.

1er juillet 72 : Fin de la mission Gondre. M. Stupffel (de St Raphaël) redevient administrateur (cf. lettre de Stupffel à Me Foresno, avocat). Keita M. perçoit de nouveau les loyers.

Février 73 : Inondation à cause fuite d’eau. Keita refuse réparations.

Mars 73 : Grève générale des loyers. Keita fait couper gaz et électricité.

Prendre contact lundi matin 9 avril avec M.. S’il ne peut pas suivre l’affaire, prendre contact avec D.

21/4/73

M. Mohamed B., Tunisien, entré en France en mai 1972, a obtenu un récépissé de demande de carte de séjour valable du 26 juin 72 au 26 sept. 72 et prolongé deux fois, du 26 sept. 72 au 26 janvier 73 et du 28 janvier 73 au 28 mai 73.

Il travaille, depuis son entrée en France, aux Etablissements Brossais, entreprise de nettoyage, 42 rue Vieille du Temple à Paris IVe. Cette petite entreprise compte onze salariés, dont trois Français, les autres étant Portugais ou Tunisiens. L’intéressé a reçu de son patron une promesse d’engagement de travail, du 26 janvier 72, pour six mois, comme laveur de vitre, 6 F de l’heure.

Il a participé activement à une grève de la faim par solidarité avec d’autres travailleurs immigrés, et son patron lui a fait connaître qu’il allait le licencier, lorsqu’il aurait terminé son chantier actuel à Montreuil.

Deux actions sont envisagées :

1) Rémi K., 4 rue de Buci 6e, va essayer de savoir si l’employeur a déposé une demande d’emploi à l’ANPE.

2) Un petit groupe, avec l’intéressé et un avocat se rendra le mardi 24 avril à 19h à l’entreprise – 42 rue Vieille du Temple – pour tenter de faire réintégrer M.B. et obtenir le dépôt d’une demande à l’ANPE.

M. Djelloud B., algérien.

Entré en mars dernier avec un passeport touriste (pas de carte ONAMO [9] trop longue à obtenir). Aide comptable sans diplôme. Aucune possibilité de régularisation. Cherche du travail au noir. Le Gisti ne peut pas lui en fournir.

Monique H. enverra l’adresse d’un comité de travailleurs immigrés dans la même situation.

M.F., 1 passage du Poteau, Paris 18e (Espagnol).

Logé en meublé (antérieur 1948) pour lequel il payait 180 F/mois. A fait faire un décompte surface corrigée par la Fédération des locataires : 65 F/mois. A envoyé mandat de 65 F et décompte au propriétaire pour le mois d’avril. Le mandat a été retourné. De plus, menaces d’expulsion par le propriétaire qui semble avoir des amitiés au commissariat local. M.F. est disposé à aller en justice avec le soutien de la Fédération des locataires ; il lui a été conseillé d’y aller, en demandant éventuellement l’assistance judiciaire. Il lui a été conseillé également de ne pas céder aux menaces et de reprendre contact avec le Gisti si celles-ci se renouvelaient.

Mlle Alice M., 24 ans, Luxembourgeoise. Passeport périmé. Désire travailler en France. Renseignements donnés sur membres de la CEE. Consulat Luxembourg accepte de prolonger son passeport si situation régulière en France.

Son ami, M. Maurice..., va faire la démarche à la préfecture. A le nom de Bertrand D. en cas de difficultés.

Un étudiant algérien demande s’il a droit à une pension militaire. Son père avait la nationalité française. Lui-même a été incorporé de force le 19 août 1971. Le mois suivant, il fait une demande de libération pour maladie officiellement. En réalité, il semble avoir été libéré puisqu’il était devenu algérien. En tout cas, pension impossible puisque service militaire < 3 mois.

M. Mohamed B., 27 ans, algérien, titulaire d’une carte ONAMO valable à partir du 23 novembre 1972. Un employeur lui a refusé l’embauche sous prétexte que cette carte ne suffisait pas. C’est faux.

Un Angolais (40 ans) de nationalité portugaise. C. est une amie qui vient présenter son cas.

Il semble que son problème soit celui d’une interférence de statut de réfugié et de statut de travailleur immigré.

D’abord entré en France en janvier 72, avec statut de réfugié, renouvelable tous les 3 mois : il semble précisément qu’à un moment il n’ait pas fait renouveler sa carte de réfugié. Depuis mars 73, a un contrat de travail (a passé visite médicale au titre de réfugié). A reçu le 5.5.73 un récépissé de demande de carte de séjour de la préfecture de Melun (pour 3 mois). Henri-José lui a dit d’aller se présenter avec son contrat à la préfecture (a perdu le récépissé de carte de séjour).

Un Tunisien, probablement titulaire d’une carte permanente de travail, obligé de quitter la France en 1965 pour maladie. Retour en 1972.

Son patron le reprend mais sa carte de travail lui est retirée. Demande de dossier. Dossier est déchiré par le patron. Un nouveau dossier est remis au patron le 28 avril 1973. A ce jour, aucune nouvelle du sort réservé à ce dossier. Problème de savoir si la carte permanente peut lui être donnée à nouveau (car il a été plus de deux ans hors du territoire français).

Envoyé au SSAE [10] qui devrait rapidement régler le problème.

Un Tunisien (M. Larbi B.) licencié avec 8 jours de préavis. Il ne travaille normalement que 3 jours par semaine. Doit-il avoir 3 ou 8 j de préavis ? Peut-il signer le reçu pour solde de tout compte ? En plus, problème d’accident du travail. Comment obtenir une rente d’IPP [11].

Aller chercher la convention collective. Signer le RPSTC [12] et le dénoncer.

16/6/73

Lorenzo A., 13 rue Dupleix, Paris 15e.

Travaille en France depuis 11 ans. Accident du travail en 1972 l’empêchant de travailler debout.

Refus de rente d’incapacité de travail. Recours gracieux avec certificat médical attestant de l’incapacité de travailler debout, le 2 avril 1973. Nadine Ch. conseille d’attendre la réponse jusqu’à la fin du mois. Sans réponse, doit voir Nadine à la fin du mois.

Kitar – 63 rue du Colonel Fabien, Arcueil.

Ancien gréviste de la faim du 14e (14 grévistes, 5 ont trouvé du travail fin mai, 9 autres cherchent).

APS 3 mois à partir du 25/5.

Sur les 5 contrats déposés, 2 refus, il y a 2 jours, malgré la promesse écrite. Extradition. Je l’envoie à Hervé D. lundi 18, 17h, qui interviendra.

Un jeune portugais, 19 ans, « insoumis » : 3 mois de prison au Portugal pour activité politique. Sorti sous caution. Est allé au Danemark. Du Danemark, avec visa de l’ambassade de France jusqu’au 1er août, est venu en France. Son passeport expire le 29 août. Orienté sur Me D-M et France Terre d’asile.

Envoyé par le GIS [13], M. Osmani P., algérien, 52 ans, licencié sans preuves le 24/5/73 de l’entreprise LELU (Chauffage) sous prétexte de faute grave. En fait, M. Osmani qui a fait du sanatorium en 1970, ne peut faire du ramonage, et le 24/5/73 il a refusé ce poste. Il travaillait depuis 4 ans dans l’entreprise LELU au ravalement des cheminées.

— > Henri-José pour une action prud’hommes.

Téléphone : on expose le cas d’un immigré ; a signé en blanc un contrat d’embauche ; il demandait à être OQ3, en fait on l’a embauché comme OQ2. Au bout d’un mois, accident de travail : sécurité sociale ne veut le payer que comme OQ2, voudrait être payé comme OQ3. Orienté sur Hélène M. Probablement l’intéressé viendra samedi prochain.

M. Korda B. (Algérien), 15 rue Mademoiselle, 15e, travaillait depuis deux ans 1/2 chez Citroën comme OS au montage et chauffeur, vient d’être licencié pour avoir refusé la carte de la CFT. Citroën prétend qu’il a refusé le travail... mais je n’ai vu ni l’intéressé ni ses pièces, c’est un de ses amis (français) qui est venu nous en parler. Nous sommes convenus qu’il me téléphonerait, nous mettrons au point ensemble la demande aux prud’hommes.

Portugais : Jesus de A., entré en France en 70. Père de 12 enfants. A carte de travail valable 3 ans (11 janvier 73-Janvier 76) délivrée le 9/2/73 par la direction départementale du travail de Paris (« homme à tout faire ») Avait carte verte de séjour d’un an expirant le 9 juin 73 ; en a demandé renouvellement et a récépissé en date du 18 avril 73.

On vient de lui notifier le 21 juin qu’il doit quitter la France le 29 juin prochain. Raison : comportement nuisible à la vie publique (je crois).

Il semble que ce refus de séjour soit motivé par ceci : en 70, habitant Bourg-la-Reine dans un baraquement, il l’a éclairé en branchant électricité sur ligne publique. Cité en justice, n’a pas comparu parce que avait changé de résidence. Condamné à 3 mois de prison, 200 F d’amende. Rattrapé par la Justice, en mars 73, a comparu : le juge a levé la peine.

Téléphone Jean-Jacques F. : pense que la seule voie est de constituer un dossier appuyé par personnalité politique. L’assistante sociale qui nous a envoyé ce travailleur se mettra en contact avec Jean-Jacques F.

Malien licencié de Citroën. Un copain ivoirien (Mamadou B.) s’est présenté pour lui. Une monitrice [14] Nadia (Aubervilliers) voudrait avoir un R.V. avec un avocat à ce sujet. Renvoyé vers Hélène M.

30/6/73

Hassen Ch., Tunisie.

Entré comme touriste le 9/2/73. A travaillé jusqu’au 4 juin.

Conseil donné : demander une APS puis aller à l’ANPE.

Pour trouver un logement, adresse Françoise P. Pour problème hôtel sans quittance s’adresser à Bertrand D.

Un membre du Comité Mohamed Diab est venu pour informer du cas d’Abdessalam B. condamné, après manifestation du 21 juin, à 3 mois de prison dont 2 ferme (Voir article du Monde, de Libération). Il va peut être faire appel. Le Comité craint qu’une procédure d’expulsion ne soit engagée contre lui. Si cela se produisait il demanderait au Gisti de participer aux actions de protestation. Je lui ai donné l’adresse de la Cimade.

Comité Mohamed Diab, Permanence le samedi de 19h à 21h. Centre 8, 8 porte de Buc, Versailles.

ASTI d’Asnières

Trente marocains sont logés dans un meublé à six par chambre. 110 à 150 F/lit/mois. Pas de quittance. Le propriétaire veut vendre et cherche à faire partir tous les locataires avant le 31 juillet, en profitant des départs en vacances. Je lui ai donné des adresses d’avocats (Bertrand D., Hélène M., Régis W.).

Une femme portugaise, travaillant en cantine depuis six ans. A la sortie du travail, sur la route, s’est bagarrée avec une camarade de travail de la même cantine. Blessée. Le patron lui fait, le 26 juin, déclaration d’accident de travail et la licencie le 27, en raison de cette bagarre. Licenciée sans la paie de juin, ni congés payés. A essayé d’avoir attestation de travail pour renouvellement de sa carte de travail (trois ans) qui expire le 27 juillet 73. Sa carte de séjour expire en novembre 73. L’inspectrice du travail lui a déconseillé d’attaquer aux prud’hommes, pour raison d’inefficacité. Une Portugaise qui l’accompagne verra Bertrand D.

Marie-Odile du Comité pour l’abrogation de la circulaire Fontanet (CACF) revient pour problèmes de contrat de travail :

1) Chausson engage des immigrés et leur fait faire d’abord un stage de formation sur place pendant 2 à 5 mois. Au moment de l’engagement (avant le début du stage), les travailleurs signent un contrat relatif au stage dont le dernier article stipule qu’en cas de départ pendant le délai d’un an à compter de leur entrée au centre de formation, ils devront verser une indemnité assez élevée. A la fin du stage, ils signent un contrat de travail ordinaire qui prévoit le préavis de départ et l’indemnité conforme au droit commun.

Problème : quelle est la valeur de la clause de rupture contenue dans le premier contrat à partir de la signature du 2e contrat ? Cette clause peut-elle prévaloir sur celle du 2e contrat ?

Michelle N. va se renseigner.

2) Jeune marocain de 18 ans vivant en France avec son frère aîné depuis 3 ans. Il travaille régulièrement depuis son arrivée mais la préfecture refuse de lui remettre des cartes ordinaires de séjour et de travail et se contente de lui renouveler ses cartes de 3 en 3 mois.

D’autre part, on lui réclame une autorisation des parents.

Conseils : demander aux parents d’envoyer une autorisation de séjour et de travail en France ; réclamer des cartes ordinaires ; si refus, le SSAE et le Gisti pourront intervenir auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine.

3) Hôtel meublé à Gennevilliers, 18 passage Dazent-Doloron. Propriétaire M.C., chemin de Halage, Carrière s/s Poissy.

Cinq locataires réguliers seulement + vingt-six clandestins plus ou moins « recrutés » par les cinq premiers.

Le contrat de loyer signé par les cinq premiers mentionne un loyer trimestriel de 180 F, mais en fait le propriétaire leur demande beaucoup plus. Les quittances sont irrégulières : elles ne mentionnent pas la période de loyer au prix réel. En outre, la préfecture a ordonné la fermeture du meublé pour le 1er octobre 73 pour un motif non précisé.

Conseils : Exiger des quittances régulières dans la mesure où elles ne risquent pas de nuire aux 26 clandestins ; se renseigner auprès de la préfecture pour connaître le motif de la fermeture du meublé (loi Vinci ou opération d’urbanisme) et demander un relogement.

4) Problème des travailleurs irréguliers avec feuilles de paye mais sans contrat de travail.

Réponse : en application de la circulaire Gorse, ils doivent demander un contrat de travail de 6 mois à 1 an à leur employeur, puis se présenter à la préfecture avec leurs fiches de paye au moins depuis juin 73. Ils ont droit à une carte de travail.

5) Hôtel à Bezons. Propriétaires algériens (ou gérants ?) ; 48 locataires algériens (en bonne entente avec le propriétaire), marocains et tunisiens d’autre part.

Loyer affiché : 80 F/mois/chambre. Loyer payé en fait 100 F/mois/personne (2 par chambre). Pas de quittances. En juin, ils ont réclamé des quittances ; le patron a refusé. Ils ont décidé de payer uniquement par mandat en gardant les talons, mais le propriétaire a refusé les mandats.

Conseil : continuer à payer par mandat. Si le patron fait couper le courant, s’adresser directement à EDF.

6) Monsieur M., étudiant en médecine, Tunisien, a été arrêté par la police le 30 juin pendant une manifestation interdite. Les policiers ont trouvé sur lui des tracts et un journal palestinien. Ils ont pris son identité. Sa carte de séjour expire le 26 juillet prochain. Il a ses papiers d’inscription pour la prochaine rentrée scolaire, mais il craint un refus de renouvellement.

Conseil : En cas de difficulté téléphoner à Bertrand D. et venir à la permanence du Gisti le 28 juillet.

1/9/73

Foyer Sonacotra - Argenteuil

400 travailleurs. Conflit avec le gérant. Régime complètement arbitraire sans même références à un règlement intérieur. Remis le dossier « Foyers » pour qu’ils puissent étudier leurs droits. Si pas de discussion possible avec le gérant, en parler à la direction de la Sonacotra.

Contact avec Jean-Claude Ch., Argenteuil.

Jeune espagnol habitant dans une chambre de bonne. Le propriétaire a demandé une augmentation du loyer (250 F) puis a déclaré vouloir reprendre la chambre.

Aiguillé sur la Fédération des locataires.

Cas d’un étudiant qui travaille à temps complet (8h/jour) pour gagner sa vie. Il voudrait régulariser sa situation pour pouvoir travailler régulièrement. La procédure en est au stade de l’ANPE, mais s’il obtient des cartes de séjour et de travail, on lui retirera sa carte de séjour d’étudiant —> plus de possibilité de continuer ses études.

Conseil : choix entre régularisation avec renonciation au statut d’étudiant ou continuation du travail au noir. 2e solution peut-être préférable s’il tient à poursuivre ses études.

Aiguillé sur la SSAE.

6/10/73

ASTI du 20e.

Travailleur sénégalais ayant obtenu une carte d’identité française par de faux-papiers. Placé en garde à vue, puis libéré (intervention Jean-Jacques F.) après arrestation du faussaire. La police a retenu la carte d’identité du français et l’intéressé a brûlé tous ses papiers sénégalais.

Réponse : s’adresser à l’ambassade du Sénégal après avoir fait une déclaration de perte, le risque de recoupement police française-ambassade paraissant moins grand que celui consistant à circuler sans papiers.

13/10/73

ASTI Saint-Denis/Pierre V.

Cité Gallieni de la Sonacotra. Incendie il y a 3 semaines : 3 enfants asphyxiés. Court-circuit, mauvais état, etc... Les locataires en ont appelé à la commune mais l’adjoint s’est vu refuser l’entrée par Laborie de la Sonacotra. Que faire ? Comment pallier l’état des lieux, les rendre plus sûrs, etc...

En outre, le gardien a frappé un locataire qui a porté plainte. Jugement le 26/7/73 mais « défaut » de gardien et rien ne s’est passé.

Je saisis le Groupe Logement. ;




Notes

[1Ces permanences eurent lieu les 18 et 27 janvier, 3, 10 et 24 février, 3, 10, 17, 24 et 31 mars, 7, 14, 21 et 28 avril, 19 et 26 mai, 2, 9, 16, 23 et 30 juin, 7, 21 et 28 juillet, 11 et 25 août, 1er, 8, 15, 22 et 29 septembre, 6, 13, 20 et 27 octobre.

[2Le nombre de cas traités varie de un à neuf selon l’estimation rapide que nous avons pu en faire.

[3Ceux émanant de banlieue, sont présentés par des membres des ASTI.

[4Dans vingt-et-un cas, la nationalité n’a pas été indiquée.

[5Mohamed Diab, ouvrier algérien, fut assassiné le 29 novembre 1972 par le brigadier Robert Marquet dans le commissariat de Versailles d’une rafale de pistolet-mitrailleur.

[6ASTI : Association de solidarité avec les travailleurs immigrés.

[7DDTMO : Directeur départemental du travail et de la main-d’œuvre.

[8ONI : Office national d’immigration.

[9ONAMO : Office national de la main-d’œuvre.

[10SSAE : Service social d’aide aux émigrants.

[11IPP : Incapacité permanente partielle.

[12RPSTC : Reçu pour solde de tout compte.

[13GIS : Groupe d’information santé.

[14Probablement monitrice bénévole dans un cours d’alphabétisation.


Article extrait du n°53-54

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Dernier ajout : jeudi 17 avril 2014, 14:58
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