Article extrait du Plein droit n° 13, mars 1991
« Des visas aux frontières »
Demandeurs d’asile déboutés : l’action continue
Depuis le 17 juillet 1990, les associations composant le Réseau d’Information et de Solidarité [1] tiennent une permanence collective en faveur des demandeurs d’asile déboutés. Cette action s’inscrit dans un contexte de dégradation grave, surtout depuis l’automne 1989, de l’exercice du droit d’asile en France.
Près de 100 000 demandeurs d’asile se sont vu refuser le statut de réfugié ; dépourvus de titre de séjour et de travail, ils risquent à tout moment d’être renvoyés dans leur pays d’origine. Un grand nombre d’entre eux vivent en France depuis plusieurs années, avec leur conjoint et leurs enfants, travaillent, bref sont insérés de fait dans la société française.
Beaucoup d’entre eux ne peuvent rentrer dans leur pays sans craindre pour leur sécurité, leur liberté ou même leur vie ; en d’autres temps, ils auraient obtenu le statut de réfugié politique, lorsque les thèses de l’extrême-droite n’influençaient pas encore la politique française à l’égard des étrangers.
Aujourd’hui, les demandeurs d’asile sont présentés comme de simples migrants économiques, comme si le Zaïre, le Sri-Lanka, Haïti, la Turquie, etc., étaient des havres de paix et de démocratie.
Réagir contre cette remise en cause du droit d’asile et contre le renvoi forcé de milliers de déboutés, tels sont les deux objectifs essentiels de la campagne nationale lancée par le Réseau d’Information et de Solidarité et clairement énoncés dans sa plate-forme de revendications.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
> Au niveau des permanences
Près de trois mille demandes de régularisation ont été adressées au gouvernement à partir non seulement de la permanence centrale du Réseau, mais aussi de celles qui se sont mises en place peu à peu à Paris, en banlieue et en province, à l’initiative de collectifs locaux.
De leur côté, les communautés haïtienne, turque, zaïroise, malienne et sénégalaise ont organisé leurs propres permanences, tout en restant en liaison avec le Réseau. Elles seront bientôt suivies par les Cap-Verdiens et les Guinéens.
> Au niveau syndical
Tous les déboutés qui travaillent — étant déclarés ou non — sont vivement encouragés à se syndiquer auprès de l’organisation de leur choix. Le Réseau a rencontré à plusieurs reprises les confédérations (CGT, CFDT, CFTC, FO) pour les inviter à soutenir publiquement ses revendications. L’écho rencontré auprès de la CGT et de la CFDT a permis que des centaines de « déboutés », à Paris et en province, rejoignent ces organisations.
> Démarches officielles
Le Réseau a rencontré courant septembre 90 le ministère de la Solidarité (Direction de la population et des migrations), en octobre, le ministère de l’intérieur (Direction des libertés publiques), et, en janvier 1991, le Premier ministre. Aucun engagement n’a été pris par rapport aux revendications exposées. Le gouvernement se dit simplement prêt à y réfléchir, le Premier ministre étant disposé à recevoir à nouveau le Réseau dans trois mois.
Dans la pratique, les critères d’application de la circulaire Pandraud du 5 août 1987, établis par les ministères, n’ont pas changé. La régularisation d’un débouté n’est envisageable que si la durée de sa présence en France est supérieure à trois ans (cinq ans pour les célibataires), et s’il fournit les preuves d’une insertion familiale et professionnelle.
De plus, il n’est pas envisagé de procéder à un règlement collectif du problème, les ministères laissant le soin aux préfectures de traiter les dossiers.
Un des rares éléments positifs de ces rencontres est l’engagement pris par le ministère de l’intérieur de ne pas reconduire à la frontière un « débouté » pour lequel le Réseau a fait une demande de régularisation.
Notes
[1] Accueil et Promotion, CAIF, CIEMI, Cimade, CLAP, FASTI, GISTI, GREC, MRAP, SNPM. c/o CAIF : 46, rue de Montreuil — 75011 Paris.
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