Article extrait du Plein droit n° 41-42, avril 1999
« ... inégaux en dignité et en droits »

Histoires de visas...

La fausse transparence de la loi Chevènement

On l’a souvent évoqué dans ces pages, les pratiques consulaires françaises en matière de délivrance de visa manquent singulièrement de transparence (voir notamment Plein Droit n° 35, septembre 1997). Il n’est pas interdit d’espérer que la situation s’améliore un peu depuis que la loi Chevènement du 11 mai 1998 a posé l’obligation pour les autorités diplomatiques de motiver les refus de délivrance de visa à certaines catégories d’étrangers.

On notera toutefois que cette obligation (désormais inscrite à l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945) n’est pas enfermée dans des délais, ce qui en affaiblit beaucoup la portée.

Prenons le cas d’un conjoint de Français qui sollicite auprès du consulat général de France à Tunis la délivrance d’un visa pour s’installer en France, demande à laquelle le consulat, sans lui opposer de refus formel, ne donne pas suite.

Avant la loi Chevènement, il pouvait – à condition d’avoir déposé sa demande par écrit et de pouvoir attester de la date de ce dépôt – saisir le Conseil d’État de ce qui, après quatre mois de silence, constitue un refus implicite de délivrance de visa. Et attendre que sa requête soit examinée, ce qui peut prendre entre deux et quatre ans…

Depuis la loi Chevènement, le consulat, s’il souhaite refuser la délivrance du visa, a certes l’obligation de motiver son refus. Mais rien ne l’oblige à répondre. En cas de silence, pas d’autre solution pour le demandeur que de saisir le Conseil d’État. Et d’attendre…

On le voit, la réforme Chevènement ne peut réellement produire ses effets que si les autorités consulaires se comportent de façon loyale. La culture du secret et de la mauvaise foi étant bien ancrées, il sera peut-être difficile de changer les habitudes.

Droit virtuel au séjour

L’obligation de motiver les refus de visa ne signifie pas droit à un visa. Instrument privilégié de la politique de gestion des flux migratoires, symbole du pouvoir souverain de l’État, le visa n’est jamais un droit, quelles que soient les raisons qui justifient pourtant qu’un étranger pénètre sur le territoire français. Y compris s’il en a été expulsé sans fondement légal.

Ainsi le cas de cet Algérien, M. M., à qui la préfecture du Haut-Rhin avait refusé en 1991 la délivrance d’un certificat de résidence avant de le reconduire à la frontière. Six ans après, le Conseil d’État jugeait ce refus de séjour illégal : en application des accords franco-algériens, M. M. avait bien droit au titre de séjour auquel il prétendait.

En toute logique, il pensait que l’exécution de cette décision impliquerait que toutes facilités lui seraient accordées pour un retour immédiat en France, et la remise du certificat de résidence dont on l’avait indûment privé.

Il a dû déchanter. A sa demande de visa, la réponse, lapidaire, est tombée du bureau visas Algérie : celui-ci a le regret de faire savoir à M. M. qu’il n’est pas en mesure de donner une suite favorable à sa demande.

Un autre Algérien, M. B., risque la même déconvenue : entré en France à l’âge de 4 ans au titre du regroupement familial, il en a été expulsé à 19 ans à la suite de délits divers, sans gravité mais répétés. Un cas classique de double peine. Ayant contesté, devant le tribunal administratif puis le Conseil d’État cet arrêté d’expulsion datant de 1987, il obtiendra gain de cause par un arrêt de… décembre 1998.

Onze ans après, la justice estime donc que le ministère de l’intérieur a eu tort de l’expulser. Il faudra sans doute qu’il se contente de cette satisfaction morale. Car, comme M. M., il devrait avoir droit au séjour en France. Mais ce droit restera virtuel…



Article extrait du n°41-42

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Dernier ajout : jeudi 20 mars 2014, 21:34
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