Quelles solutions pour les réfugiés oubliés du camp de Choucha (Tunisie) ?
Loin des regards, 3 000 réfugiés survivent dans l’attente depuis plus d’un an au camp de Choucha. Ils lancent un appel pour trouver une issue à leur situation.
Déboutés de leur demande d’asile par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou réfugiés reconnus mais dont la réinstallation dans un autre pays est refusée, ils invoquent un retour au pays impossible. Rester en Tunisie en situation irrégulière ou retourner en Libye, voilà les seules options auxquelles ils sont contraints à court terme.
En 2011, la Tunisie a accueilli des centaines de milliers de personnes en partie via le camp de Choucha. Depuis les arrivées ont cessé et les réfugiés sont oubliés. 2 747 personnes sont reconnues réfugiées, 273 ont été déboutées, 156 attendent leur enregistrement et autant ont une demande en cours. Des chiffres dérisoires face aux personnes accueillies en 2011 par la Tunisie et par rapport aux capacités d’accueil d’autres Etats.
Les personnes déboutées de leur demande d’asile
Entre autres Tchadiens, Soudanais, Nigérians, Ivoiriens ou Ethiopiens, ils sont 273. Ils dénoncent ce rejet, invoquant des erreurs de procédure, l’impossibilité de retourner dans leur pays et des délais très longs. Les recours contre les rejets se sont faits sans avoir reçu motivation écrite de ces derniers et contre la même instance qui les a prononcés : le HCR . Difficile alors d’évoquer un réel droit au recours effectif.
Pour le HCR, ces personnes ne sont plus de son mandat. Ainsi, s’ils n’acceptent pas de retourner dans leur pays, ils sont contraints à rester irrégulièrement en Tunisie ou à retourner en Libye – alors même que la plupart est sans passeport. Des solutions qui n’en sont pas.
Reconnus réfugiés mais non réinstallés
Certains réfugiés reconnus par le HCR sont dans la même situation. Leur statut ne leur donne aucun droit à la réinstallation et la Tunisie, en pleine transition, n’a pas encore de loi sur l’asile.
Le programme de réinstallation du HCR n’a eu que peu d’échos et s’est terminé le 1er décembre 2011. 858 demandes ont été acceptées, 1738 demandes restent en attente auprès de différents Etats, 66 sont en cours. La plupart des États imposent des critères stricts à la réinstallation. Les États européens notamment n’ont accepté qu’un faible nombre de réfugiés reconnus par le HCR. 193 autres personnes n’auront pas droit à la réinstallation quoiqu’il arrive, leur demande ayant été enregistrée après la date de fin du programme.
Là-encore, quelles solutions ? Rester dans le camp ou irrégulièrement en Tunisie jusqu’à l’adoption potentielle d’une loi sur l’asile en 2013 ? Ou partir en Libye…
Vers un camp d’enfermement ?
L’absence de solution pour ces personnes entraîne la pérennisation de ce camp qui devait être provisoire, et laisse craindre qu’il ne s’installe pour y placer les réfugiés que personne ne voudrait accueillir.
Ainsi, en mars dernier, 74 Somaliens partis en bateau de Libye vers l’Italie ont été conduits à Choucha par la marine tunisienne. Ces personnes n’étaient jamais passées par Choucha, ni par la Tunisie. De telles pratiques laissent craindre que ce campement ne se transforme en camp d’enfermement des étrangers.
Nous parlons ici de 3 000 personnes qui ont fui leur pays puis la Libye en guerre et sont contraintes de vivre depuis un an au milieu du désert. Que représente l’accueil de ces quelques centaines de réfugiés pour les États du Nord ? La crainte de « l’appel d’air » et la lutte contre l’immigration dite irrégulière prend ici toute sa dimension.
Les réfugiés du camp de Choucha demandent l’accélération des réinstallations en cours et à la relance urgente d’un programme de réinstallation, incluant ceux à qui elle a été refusée et ceux enregistrés après le 1er décembre 2011. Ils appellent le HCR à réviser les demandes d’asile déboutées et à fournir des motivations écrites et précises du rejet des demandes afin de permettre un réel droit au recours.
Nous rappelons ici toute notre solidarité et notre soutien aux réfugiés de Choucha et appelons le HCR ainsi que des États susceptibles d’accueillir les réfugiés à faire preuve de solidarité et de volonté politique, au delà des nécessaires programmes de réinstallations, pour proposer des solutions valables. Rester en Tunisie en situation irrégulière ou retourner en Libye ne sont pas des solutions acceptables.
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